L’émergence des carbapénémases et leur dissémination mondiale représentent une menace de santé publique importante. La Suisse n’est pas épargnée ; nous rapportons quatre patients porteurs de bactéries productrices de carbapénémases ayant été hospitalisés dans notre établissement. Les infections provoquées par des entérobactéries qui produisent des carbapénémases limitent les options thérapeutiques et augmentent la mortalité. La détection des carbapénémases est aussi un défi pour les laboratoires. Il est impératif d’avoir des mesures solides de prévention et de contrôle de l’infection afin d’éviter des situations d’épidémie au niveau hospitalier.
La menace des «superbactéries»1 prend une nouvelle dimension avec l’émergence des carbapénémases, enzymes que produisent les entérobactéries et qui inactivent les carbapénèmes (imipénème, méropénème, ertapénème), dernière génération des antibiotiques de la classe des β-lactamines. Cette menace, qui connaît une montée étonnante à l’échelle mondiale en raison de la dissémination rapide des carbapénémases, est devenue une réalité difficile à ignorer, même en Suisse. La course contre la montre semble actuellement être à l’avantage des bactéries, car plus nous utilisons des antibiotiques à large spectre, plus les bactéries développent des résistances.2
Etant donné que les entérobactéries sont responsables d’une bonne partie des infections nosocomiales et sont associées à une morbidité et une mortalité importantes, l’émergence et la dissémination de résistance aux carbapénèmes posent un problème de santé publique majeur ; d’une part du fait que certaines bactéries sont «pan-résistantes» et que l’on ne dispose pas d’antibiotiques efficaces pour traiter les infections causées par ces germes, d’autre part du fait que ces bactéries se répandent rapidement à travers le monde.3
L’enjeu est double : contrôler la propagation des bactéries résistantes pour ne pas se retrouver dans une situation d’endémicité (comme c’est le cas en Grèce et en Israël),2 et augmenter l’arsenal thérapeutique en trouvant des médicaments capables de traiter les infections causées par ces bactéries.
Nous rapportons les cas de quatre patients hospitalisés aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) entre octobre 2009 et novembre 2011, porteurs des bactéries résistant aux carbapénèmes. A notre connaissance, ces cas sont les premiers identifiés en Suisse.4
Victime d’un accident de voiture avec polytraumatisme, hospitalisé en Inde pendant trois jours, puis transféré aux HUG. Le dépistage à l’admission a révélé le portage d’une souche d’Escherichia coli exprimant une β-lactamase à spectre étendu (BLSE) et une autre souche portant le gène blaNDM-1. Un isolat d’Acinetobacter baumannii portant le gène blaNDM-1 a aussi été retrouvé. Après deux semaines, des cultures d’urines ont mis en évidence deux souches de Klebsiella pneumoniae, dont une possédant une BLSE et l’autre le gène blaNDM-1. Le patient a évolué favorablement et n’a pas nécessité une antibiothérapie.
Victime d’un attentat terroriste à la bombe au Pakistan, sévèrement blessé, transféré aux HUG après une hospitalisation de cinq jours au Pakistan. A l’admission, le dépistage révèle le portage d’une souche d’A. baumannii multirésistante et d’une souche d’Enterobacter cloacae de type BLSE. Evolution compliquée par de multiples infections nosocomiales polymicrobiennes nécessitant un traitement prolongé par imipénème et vancomycine, ainsi qu’un traitement de courte durée par colistine. Un frottis anal à la recherche de souches résistant aux carbapénèmes a été effectué après trois semaines d’hospitalisation, qui est revenu négatif. Un frottis anal après quatorze semaines d’hospitalisation révèle un portage digestif de Proteus mirabilis blaNDM-1. Une contamination intrahospitalière en Suisse semble, néanmoins, très peu probable.
Patiente transférée à Annemasse d’un hôpital de Belgrade, puis aux HUG pour suite de prise en charge d’un accident vasculaire cérébral ischémique. A l’admission, on note une infection urinaire basse avec culture, mettant en évidence une K. pneumoniae blaNDM-1 traitée par fosfomycine per os. Puis, récidive à deux semaines avec mise en évidence de P. mirabilis de type BLSE, aussi traitée par fosfomycine per os. Mise en évidence de plusieurs épisodes de bactériurie asymptomatique, sans résistance aux carbapénèmes.
Patient domicilié en Italie du Sud sans anamnèse d’hospitalisation dans les dix dernières années, admis aux HUG pour sigmoïdectomie et suture vésicale élective pour fistule entérovésicale sur diverticulose sévère. La culture d’urines à l’admission met en évidence une K. pneumoniae blaKPC, motivant un isolement de contact. Développement d’une infection du site opératoire, nécessitant un traitement par colistine et gentamycine avec guérison mais qui se complique par une nephrotoxicité temporaire. Pas de cas secondaire retrouvé après dépistage de l’unité.
Depuis l’apparition des pénicillinases (dont l’émergence a suivi l’introduction de la pénicilline), s’ensuivent la découverte et l’utilisation des céphalosporines, ce qui, à son tour, mène à la sélection des bactéries productrices de BLSE.5
La forte augmentation de l’incidence des BLSE au cours des 10-15 dernières années, y compris en Suisse, est associée à une augmentation parallèle de l’utilisation des carbapénèmes, antibiotiques β-lactamines à très large spectre.2 Cela provoque une pression de sélection qui favorise l’émergence de bactéries résistant aux carbapénèmes.
La résistance aux antibiotiques est issue d’un certain nombre de mécanismes (figure 1), dont plusieurs peuvent agir de manière concomitante :6
altération de la cible de l’antibiotique, ce qui est le cas pour les PBP (penicillin-binding-proteins) avec une faible affinité à l’antibiotique ;
pompe à efflux qui expulse l’antibiotique du cytosol bactérien et diminue donc sa concentration intracellulaire ;
altération de l’antibiotique (par exemple : par les b-lactamases) ;
développement de voies métaboliques alternes (bypass pathways).
La production de β-lactamases constitue toujours le principal mécanisme de résistance naturelle et acquise aux β-lactamines. Ces enzymes d’inactivation d’une extrême diversité (plus de 300 répertoriées) sont distribuées au sein de quatre classes (A, B, C et D). De nombreuses enzymes à médiation plasmidique ont été identifiées grâce à l’approche moléculaire.7
Souvent, les plasmides contiennent des gènes qui codent pour des résistances à d’autres antibiotiques (par exemple : fluoroquinolones, aminoglycosides).6
Une des classifications des β-lactamases est celle d’Ambler, qui divise celles dont le site actif contient un groupe serine par rapport à un groupe métallique (notamment le zinc). Ce schéma a été modifié par la suite avec plusieurs subdivisions de la classe «serine».8
Il a été clairement établi que l’utilisation des antibiotiques est directement proportionnelle à la prévalence des résistances.6,9,10 Comment les antibiotiques contribuent-ils au développement des résistances ? Premièrement, en augmentant la pression de sélection, on favorise l’émergence de bactéries résistant à l’antibiotique. Deuxièmement, la densité de consommation d’antibiotiques renforce la sélection des résistances en empêchant une recolonisation par des germes non résistants, ce qui explique la disparité des prévalences de résistance entre hôpitaux et communauté.6
Les coûts que peut engendrer la résistance aux antibiotiques sont liés à une augmentation de la durée du séjour hospitalier, de la mortalité et des coûts financiers.6
Chez les entérobactéries, deux mécanismes de résistance aux carbapénèmes sont connus depuis les années 1980. L’un combine l’hyperproduction d’une céphalosporinase à celle de la perte d’une porine comme décrit chez E. cloacae ou E. aerogenes. L’autre consiste en la production d’une carbapénémase de classe A en position chromosomique, donc non transférable entre espèces. Ces enzymes sont heureusement restées marginales. Depuis une dizaine d’années, le nombre de carbapénémases avec les types IMP (Active on imipenem), VIM (Verona integron-encoded metallo-β-lactamase), SME (Serratia marcescens enzyme), KPC (Klebsiella pneumoniae carbapenemase), OXA-48 (Oxacillinase) et NDM-1 (New Delhi metallo-β-lactamase) a explosé.2,11 La dernière évolution identifiée depuis peu est beaucoup plus inquiétante car elle est liée à la découverte de carbapénémases plasmidiques, permettant un transfert inter-espèces et une dissémination rapide (tableau 1).
Une brève discussion portant sur les carbapénémases les plus répandues en Europe s’ensuit ; la description exhaustive de toutes les enzymes ne s’inscrivant pas dans les objectifs de ce papier, le lecteur est invité à choisir parmi les références pour des informations détaillées.
Comme son nom le laisse suggérer, KPC est fortement associée à K. pneumoniae, mais a été retrouvée dans diverses entérobactéries telles que Salmonella enterica, E. coli et K. oxytoca, mais également chez Pseudomonas aeruginosa.12 Les gènes blaKPC ont largement été caractérisés avec une localisation plasmidique. Les plasmides décrits varient dans leur nature, leur taille et sont le plus souvent transférables.13 Ils portent fréquemment d’autres gènes de résistance, notamment aux aminosides et/ou aux fluoroquinolones, parfois même à d’autres β-lactamases comme CTX-M-15.
La première épidémie de KPC s’est produite dans la région de New York en 2000, et depuis lors, une augmentation progressive de l’incidence a été mise en évidence. En 2010, KPC a été retrouvée dans vingt Etats américains, signe d’une propagation rapide.14 La première épidémie de KPC en dehors des Etats-Unis a eu lieu en Israël en 2004, et les souches retrouvées semblent avoir une relation génétique avec les souches des Etats-Unis, ce qui suggère une importation de souches par des voyageurs (patients, touristes).3,14,15 A partir de 2007, KPC a été retrouvée en Grèce et selon certaines données, la situation y est endémique, avec environ 40% des souches de K. pneumoniae produisant une KPC (et jusqu’à 65% dans certains hôpitaux à Athènes).16 Dans le reste de l’Europe, des cas ont été décrits en France et en Allemagne ; l’analyse des cas montre que soit les patients avaient été soignés en Grèce, en Israël ou à New York, soit que le séquençage montre une similarité avec les souches grecques (figure 2).2,14,15,17 La quasi-totalité des infections décrites à KPC sont nosocomiales, mais des cas d’infection acquise en communauté ont été décrits en Israël.18 Le patient 4 que nous décrivons n’avait pas d’anamnèse de voyage ni d’hospitalisation récente, ce qui suggère une acquisition communautaire de la souche. La mortalité attribuée aux infections sévères par des bactéries productrices de KPC est élevée (au moins 50%).18
En 2009, une nouvelle métallo-β-lactamase de la classe B d’Ambler a été décrite, retrouvée en Suède dans une souche provenant d’un patient ayant été hospitalisé en Inde. Cette métallo-β-lactamase a été nommée New Dehli metallo-beta-lactamase et a été reconnue en Grande-Bretagne comme le mécanisme de résistance de nombreuses souches résistant aux carbapénèmes. Le gène codant pour cette enzyme, blaNDM-1, n’est pas associé à un plasmide en particulier et ces plasmides portent souvent d’autres gènes de résistance pouvant conférer une pan-résistance antibiotique.18 Les plasmides porteurs de blaNDM-1 se transfèrent facilement d’une entérobactérie à une autre.19
Une part significative de ces cas a été associée, comme c’est le cas chez nos patients 1 et 2, à une prise en charge médicale en Inde ou au Pakistan.3 Dès mi-août 2010, des souches productrices de NDM-1 ont été retrouvées sur tous les continents (hormis l’Amérique latine) et la majorité des cas avaient un lien direct avec l’Inde ou le Pakistan (figure 3).15,18 L’analyse de cas a montré que certains patients ont été soignés dans des Etats balkaniques et du Moyen-Orient, comme notre patient 3, et que ces régions géographiques pourraient être des réservoirs secondaires.15,18 Jusqu’à 20% de la population de certaines régions pakistanaises sont porteurs de souches exprimant le blaNDM-1, selon des données non publiées par Nordmann P.18
Cette enzyme de la classe D d’Ambler a été identifiée pour la première fois dans K. pneumoniae en 2003, en Turquie. Depuis, des épidémies nosocomiales de bactéries productrices de OXA-48 ont été rapportées depuis la Turquie. Actuellement, la distribution mondiale de OXA-48 concerne principalement l’Europe et l’Afrique (nord et ouest).2,18
OXA-48 n’est pas une carbapénémase puissante ; en l’absence d’autres mécanismes de résistance comme d’autres β-lactamases (type BLSE ou AmpC), de perte de porines ou de pompes à efflux, elle entraîne une légère diminution de la sensibilité aux carbapénèmes (résistance à bas niveau), ce qui peut rendre sa détection au laboratoire difficile.
En Suisse, ANRESIS (Centre suisse pour le contrôle de l’antibiorésistance, www.anresis.ch) a rapporté 65 souches d’E. coli et de K. pneumoniae résistant aux carbapénèmes en 2011, contre 46 souches en 2010 et 27 en 2009. Ces chiffres indiquent une augmentation progressive du nombre de souches identifiées, possiblement liée à une surveillance accrue. Les cartes suisses (figure 4) montrent l’évolution du nombre de souches isolées par canton pour les années 2010 et 2011 ; les cantons ayant identifié le plus grand nombre de souches sont limitrophes. La Suisse étant une destination d’affaires et de tourisme qui attire beaucoup de voyageurs de divers pays, et parmi eux des personnes risquant d’être hospitalisées, la surveillance de la résistance aux carbapénèmes devrait être accentuée.
La détection de souches productrices de carbapénémases est essentielle, tant pour la prise en charge thérapeutique que pour la prévention et le contrôle de l’infection. En effet, les infections par les souches productrices de carbapénémases étant associées à des taux de mortalité et de morbidité plus élevés, les reconnaître chez un patient donné peut aider à adapter l’antibiothérapie. La détection au laboratoire est un défi car les concentrations minimales inhibitrices (CMI) des bactéries aux carbapénèmes sont variables, tant pour une classe de carbapénémases que pour la souche qui les produit ; les CMI peuvent aussi être dans la zone considérée comme «sensible» pour un antibiotique mais son utilisation pourrait conduire à un échec clinique. 2,20 La procédure au laboratoire de bactériologie des HUG pour détecter les carbapénèmases se base en partie sur les guidelines de Cohen Stuart et coll.,21 dont les détails dépassent l’objectif de cette discussion. C’est une procédure qui implique le dépistage systématique de toutes les entérobactéries avec une sensibilité haute pour la présence de carbapénémases. Le dépistage est basé sur la base d’une susceptibilité réduite (ou une CMI élevée, mais encore dans la zone «sensible») aux carbapénèmes. Ensuite, pour identifier la classe de carbapénémases, on utilise des tests plus spécifiques qui sont soit phénotypiques, soit génétiques. Les tests phénotypiques ont l’avantage d’être peu coûteux et disponibles dans les laboratoires non spécialisés, et de dépister des carbapénémases jusqu’alors inconnues. Les tests génétiques (PCR) ont l’avantage d’identifier non seulement la classe, mais aussi le gène de résistance impliqué, et permettent également de faciliter les enquêtes épidémiologiques.
Certains auteurs, ainsi que la European Society of Clinical Microbiology and Infectious Diseases (ESCMID) et les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), préconisent des mesures «proactives» concernant la prévention et le contrôle des infections par des bactéries productrices de carbapénémase, ce qui implique l’allocation de ressources permettant une détection et un confinement précoces avant que le problème ne soit évident.22 Ces mesures peuvent ensuite être implémentées au moment de la détection du problème. Les mesures de contrôle de l’infection ont une probabilité plus élevée d’avorter une épidémie et seront moins coûteuses que de confronter une épidémie déjà établie.20
L’ESCMID préconise une coordination à des niveaux régionaux et nationaux, et même internationaux.20 L’expérience israélienne a montré qu’un programme national de prévention est efficace, avec une diminution importante de l’incidence d’infections nosocomiales aux entérobactéries résistant aux carbapénèmes (de 55,5 à 11,7 cas/100 000 patients/jour en l’espace de quatorze mois).23 Vu le caractère international de la dissémination des bactéries résistantes, et ce dans un contexte de mondialisation des voyages, un système de surveillance mondial pourrait être envisagé.24
Face à l’augmentation du tourisme médical et de l’évacuation aéromédicale de personnes militaires ou civiles, on observera une hausse du nombre de patients en provenance de régions endémiques pour des bactéries multirésistantes.15 De ce fait, une vigilance accrue s’impose lors de transfert de patients de pays à haut risque.
Au niveau local, la prise en charge de patients à haut risque de portage ou d’infection par des souches résistant aux carbapénèmes (tableau 2) devrait inclure un isolement de contact préemptif et un dépistage par frottis anaux BLSE, VRE (vancomycine resistant Enterococcus spp) et Acinetobacter spp multirésistant (ainsi que les frottis MRSA), ainsi que des prélèvements de sites d’infection clinique (cathéters vasculaires, urines, expectorations, etc.).15,20 Les porteurs sains peuvent servir de réservoir pour la transmission des germes, d’où l’importance du dépistage. En cas de détection de portage ou d’infection par une entérobactérie résistant aux carbapénèmes chez un patient hospitalisé, un dépistage devrait être effectué chez tous les patients ayant un lien épidémiologique avec le patient index (patients hospitalisés dans la même unité, etc.).3,20,22
Le bon usage des antibiotiques fait aussi partie de la lutte contre la propagation des carbapénémases, ainsi que d’autres résistances. Il a été démontré que la diminution de la prescription d’un antibiotique permet de diminuer radicalement la prévalence des germes qui lui sont résistants.25
Les options thérapeutiques en cas d’infection avérée par des bactéries productrices de carbapénémases sont extrêmement limitées car, malheureusement, parmi les médicaments dans le «pipeline» de développement, aucun ne semble capable de les traiter efficacement. D’où l’importance de la prévention et le contrôle des infections.6 Dans tous les cas et dans la mesure du possible, un traitement combiné est préférable pour prévenir l’apparition de nouvelles résistances. Deux anciens antibiotiques ont connu un renouveau d’actualité avec l’apparition des carbapénémases : la colistine (polymyxine E) et la fosfomycine. En fonction de l’antibiogramme de la bactérie (tableau 3), un traitement combiné incluant un aminoglycoside (gentamycine, amikacine) peut être envisagé. A noter qu’il existe actuellement une controverse sur l’utilisation des carbapénèmes contre des souches productrices de carbapénémases pour lesquelles les CMI sont encore dans la zone sensible.21
La colistine est un antibiotique bactéricide qui a été abandonné dans les années 80 en raison de sa toxicité rénale et neurologique, ainsi que de la découverte de nouvelles céphalosporines. Elle a été utilisée chez des patients mucoviscidosiques avec des germes multirésistants, en Suisse surtout sous forme d’aérosols inhalés. Depuis les épidémies de carbapénémases, cet antibiotique s’est refait une place dans les pharmacies hospitalières. Les bactéries productrices de carbapénémases peuvent y être sensibles. Une étude26 a montré qu’il était efficace même en cas d’infections sévères et que le profil d’effets indésirables était modéré (surtout nephrotoxicité).
La fosfomycine est un antibiotique bactéricide, indisponible dans de nombreux pays (y compris en Suisse) sous sa forme parentérale ; toutefois, il peut être commandé en Allemagne. Cet antibiotique a un bon profil de tolérance avec peu d’effets indésirables et les bactéries productrices de carbapénémases y sont souvent sensibles. Toutefois, des études supplémentaires sur l’efficacité thérapeutique et le mécanisme de développement des résistances sont nécessaires.27
Un nouvel antibiotique bactériostatique, la tigécycline, approuvé par la Food and Drug Administration en 2005, est une glycylcycline, groupe apparenté aux tétracyclines. Toutefois, la souche de K. pneumoniae de notre patient 4 était résistante à le tigécycline. Des cas d’échec thérapeutique clinique ont été rapportés dans la littérature.28 De plus, P. aeruginosa présente une résistance naturelle à cet antibiotique.
Les entérobactéries productrices de carbapénémases représentent une menace réelle et préoccupante car elles sont capables de provoquer des infections contre lesquelles les moyens thérapeutiques sont extrêmement limités, de se disséminer rapidement et possèdent un potentiel épidémiogène important. Les bonnes pratiques d’hygiène hospitalière sont une pierre angulaire du contrôle de ces bactéries, notamment en ce qui concerne les patients transférés d’autres pays ou institutions hospitalières, avec un dépistage systématique. Des efforts coordonnés aux niveaux régional et international peuvent être utiles pour la surveillance épidémiologique des bactéries multirésistantes. Finalement, au niveau local, les carbapénémases seraient-elles sous-détectées en Suisse ?
> La détection des carbapénémases est difficile
> Les patients transférés depuis d’autres institutions ou pays à haut risque de portage de carbapénémases doivent être systématiquement dépistés avec mise en place d’un isolement de contact préemptif
> Considérer une consultation spécialisée d’infectiologie pour les patients porteurs de souches productrices de carbapénémases qui développent une infection
> Limiter l’utilisation des carbapénèmes pour diminuer la pression de sélection des souches productrices de carbapénèmes
The emergence and global dissemination of carbapenemases represents a major threat to public health. Switzerland has not been spared ; we report a case-series of four patients hospitalised in our institution colonised with carbapenemase-producing bacteria. Infections caused by carbapenemase-producing Enterobacteriaceae limit therapeutic options and increase mortality. Detection of carbapenemases is also a challenge for laboratories. It is imperative to implement stringent infection control measures in order to prevent epidemics at the hospital level.