Le concept de chirurgie fast track (FT) est une stratégie multimodale qui permet de diminuer les douleurs postopératoires et les différentes dysfonctions organiques induites par le stress chirurgical. Les éléments clés constituant ce programme sont : l’information et l’éducation préopératoire, l’équilibre hydrique périopératoire, l’optimalisation de l’analgésie, la réalimentation précoce et la mobilisation rapide des patients. Une prise en charge multidisciplinaire est essentielle. Un programme FT est applicable aussi bien en chirurgie ouverte qu’en laparoscopie et a prouvé son efficacité en chirurgie colorectale. L’utilisation de cette stratégie en chirurgie gynécologique, qui s’y apparente en de multiples points, permettra de prouver son efficacité et d’en faciliter sa plus large implémentation.
Le concept enhanced recovery a été développé par des cardiologues américains dans les années 1950 afin d’améliorer la réhabilitation après un infarctus du myocarde. Ce concept a été étendu en 1995 à la chirurgie colique par Kehlet et coll., qui ont développé une stratégie multimodale périopératoire, connue actuellement sous les termes fast track (FT) ou enhanced recovery after surgery (ERAS).1 Ce concept novateur suggère notamment que la combinaison entre la chirurgie minimalement invasive, l’optimalisation de l’analgésie, la réalimentation précoce et la mobilisation rapide des patients permet de réduire la douleur et les différentes dysfonctions organiques induites par le stress chirurgical. Ce concept est de plus en plus appliqué à travers le monde en chirurgie colorectale, montrant son efficacité également en termes de diminution de la durée d’hospitalisation.2,3 Par contre, il n’est que peu utilisé en chirurgie gynécologique qui, pourtant, s’y apparente en de multiples points.
L’objectif de cet article est de décrire le concept de FT et d’en expliquer ses avantages. Une revue de la littérature montrant sa faible utilisation en gynécologie sera brièvement présentée. La familiarisation du gynécologue avec cette stratégie devrait permettre sa plus large diffusion et son implémentation dans notre spécialité et de prouver son utilité en chirurgie gynécologique. Un exemple de stratégie de réhabilitation précoce, adapté à la chirurgie gynécologique, sera proposé (tableau 1).
Le FT est une approche globale périopératoire visant à une optimalisation de la prise en charge des patients opérés en vue d’une réhabilitation précoce. Les objectifs recherchés sont de diminuer les douleurs postopératoires et les dysfonctions induites par le stress chirurgical. Cette stratégie facilite le rétablissement et le confort des patients tout en diminuant la morbidité, la durée d’hospitalisation et les coûts.3-5 Son approche multimodale nécessite une collaboration multidisciplinaire étroite et bien codifiée entre le chirurgien, l’anesthésiste et l’équipe infirmière. Les éléments clés du programme comprennent notamment l’information préopératoire, l’absence de préparation digestive, l’équilibre hydrique périopératoire, l’optimalisation de l’analgésie, la réalimentation précoce et la mobilisation rapide des patients.5-7 Ils peuvent être classés en quatre sous-groupes par rapport à la prise en charge globale : 1) l’information au patient, 2) les phases préopératoire, 3) peropératoire et 4) postopératoire (figure 1).
Le patient, qui est au centre de la réflexion, est un acteur principal et son information tout comme sa motivation sont nécessaires à la réussite de ce concept. En effet, il doit y adhérer et prendre une part active à ce type de prise en charge. L’âge ne semble pas être un facteur limitant à sa participation.8
La sortie de l’hôpital et le retour à domicile nécessitent une planification anticipée. En effet, afin de garantir le succès d’une prise en charge FT, des critères de sortie doivent être établis et respectés tout comme un encadrement à domicile. Les critères communément admis sont :
une absence de dysfonction d’organe ;
un état afébrile ;
une antalgie simple efficace ;
une réalimentation normale ;
une autonomie dans la mobilisation ;
l’accord du patient.
Le réseau social doit être évalué et un soutien par une équipe soignante de type aides ou infirmières à domicile peut être introduit. Le suivi médical doit également être planifié préalablement.
La chirurgie FT facilite les suites postopératoires et présente un bénéfice global pour les patients, les soignants et pour le système de soins et de santé comme démontré en chirurgie colorectale.
On peut relever notamment :
une réduction des complications postopératoires (infections, pathologies pulmonaires, iléus…) ;
une réduction de la durée d’hospitalisation ;
une diminution des coûts (hospitaliers et de santé publique) ;
une restauration plus précoce de l’autonomie ;
une meilleure satisfaction des patients.
Une préoccupation pourrait concerner une augmentation du taux de réadmission mais cette hypothèse est infirmée par différentes études.9-11
Une revue systématique de la littérature récente (en voie de publication) montre que l’utilisation du FT n’est que marginale en chirurgie gynécologique. En effet, seule une vingtaine de publications ont été identifiées à ce jour dans les bases de données «Medline» et «Ovid» ainsi que dans la librairie «Cochrane». L’utilisation de programmes fast track en chirurgie gynécologique semble être efficace pour diminuer la durée des séjours hospitaliers en cas d’hystérectomies abdominales et vaginales incluant les cures de prolapsus, mais le niveau de preuve est faible.12-14 Une synthèse des résultats publiés concernant la durée d’hospitalisation (tableau 2) montre un net bénéfice en ce qui concerne une approche par laparotomie. Aucune donnée n’est retrouvée concernant un abord laparoscopique.
Deux essais randomisés concernant la technique anesthésique ne montrent, quant à eux, pas de différence dans la durée d’hospitalisation.17 En chirurgie oncologique gynécologique, il semblerait qu’en cas de chirurgie étendue, comme dans les cas de cancer ovarien, un programme FT pourrait être bénéfique.19-21 Néanmoins, une revue Cochrane récente relève qu’aucun essai randomisé ne permet d’avoir la preuve de son efficacité.22 Les aspects de bénéfices financiers hospitalier ou de santé publique n’ont pas été évalués. On ne trouve pas de publication en relation avec le degré de satisfaction des patientes ou un bénéfice en termes de qualité de vie.
Le concept de chirurgie FT n’est que trop peu utilisé en chirurgie gynécologique bien qu’ayant montré son efficacité en chirurgie colorectale qui s’y apparente en de nombreux points. Cette sous-utilisation semble être due à la méconnaissance du concept et non pas à l’absence actuelle de preuve formelle de son efficacité dans ce type de chirurgie. Son implémentation à plus large échelle ne pourra que se développer en visant une meilleure qualité des soins aux patients et une efficience médico-soignante. La pression politique d’économie actuelle facilitera sans doute la diffusion de ce concept. L’utilisation du FT en gynécologie permettra d’en prouver l’efficacité mais nécessite néanmoins de sortir des «habitudes» chirurgicales, souvent bien ancrées dans la pratique quotidienne.
> L’implémentation d’un concept de chirurgie fast track (FT) nécessite une collaboration et une adhésion multidisciplinaires ainsi que l’implication du patient
> Le programme doit être clairement établi selon un protocole
> Les critères de sortie doivent être respectés pour la sécurité des patients
> Un réseau social adapté et un suivi clinique doivent être disponibles dès le retour à domicile
The concept of fast track surgery (FT) is a multimodal strategy aiming to decrease postoperative pains and chirurgical stress-induced organ dysfunction. The key elements of this program are : information and preoperative education, perioperative hydric balance, optimized analgesia, early oral nutrition and early mobilization of the patients. A multidisciplinary teamwork is essential. FT program is applicable in open surgery and in laparoscopy and has proven its effectiveness in colorectal surgery. Using this strategy in gynecological surgery, which resembles it in many points, will prove its effectiveness and facilitate its wider implementation.