L’accès à la contraception par les adolescentes s’est amélioré, les indications se sont également diversifiées et ne sont plus uniquement à but contraceptif. Dès lors, la prise d’une contraception hormonale chez l’adolescente se fait souvent avant l’accomplissement du pic de croissance de la masse osseuse. Les hormones sexuelles et surtout les œstrogènes ont un rôle majeur dans la croissance et l’acquisition de la densité minérale osseuse (DMO).
Cet article passe en revue les différents modes de contraception hormonale et leurs impacts sur la DMO chez l’adolescente, avec une attention particulière pour les pilules microdosées ainsi que l’acétate de médroxyprogestérone, qui auraient un effet délétère sur l’acquisition de masse osseuse. Cependant, le choix et les bénéfices de la méthode contraceptive devraient prévaloir sur le risque osseux.
Les préparations contraceptives hormonales sont utilisées par de nombreuses femmes de manière prolongée, de plus en plus précocement au cours de la vie reproductive et donc avant l’acquisition de la densité osseuse maximale. Les relations étroites entre les œstrogènes et le remodelage osseux soulèvent la question de l’impact osseux potentiel des différentes formes de contraception chez les adolescentes, notamment celles à faible dosage d’éthynilestradiol (EE) ainsi qu’à base de progestatifs purs.
Bien que de nombreux facteurs influencent le capital osseux (facteurs génétiques (60-80% de la variation sont génétiquement déterminés), caractéristiques anthropométriques (IMC), activité physique, facteurs nutritionnels (apport en calcium), tabagisme), les œstrogènes sont les principaux régulateurs du tissu osseux chez la femme.1-3
Chez l’humain, la masse osseuse augmente au cours de l’enfance et de l’adolescence, avec un gain de capital osseux de 25-40% durant la période pubertaire.4 L’adolescence est une période critique de croissance et de minéralisation osseuse. L’augmentation de la densité minérale osseuse (DMO) croît de 2 à 10% par an depuis la ménarche pour atteindre un maximum vers l’âge de 20 à 22 ans,5 puis se stabilise à l’âge adulte en maintenant un taux de remodelage osseux annuel de 0,3%.6
L’acquisition du pic de masse osseuse durant la puberté, dans les deux genres, est proportionnelle à l’augmentation du taux de stéroïdes sexuels. Les stéroïdes sexuels sont donc essentiels au développement, à la croissance et à la maturité pubertaire normale du squelette osseux.
Les œstrogènes inhibent la résorption osseuse en freinant le processus de remodelage alors que les androgènes ont un rôle anabolique plus important. La progestérone a des récepteurs exprimés à la surface des ostéoblastes, mais il existe peu de données dans la littérature sur ses effets sur le métabolisme osseux.7 Cependant, elle a, en partenariat avec les œstrogènes, un rôle important dans l’acquisition du pic de masse osseuse.8
Le taux de masse osseuse maximal est significativement influencé par une densification suboptimale durant la croissance pubertaire9 et représente un facteur prédictif critique du risque ostéoporotique ultérieur.10
La contraception hormonale induit une réduction des œstrogènes et une suppression de la production endogène de progestérone par les ovaires. Chez ces femmes, les taux circulants de stéroïdes sexuels sont principalement déterminés par les dosages des formules contraceptives. Si la formule galénique du contraceptif ne garantit pas un taux de stéroïdes sexuels circulants suffisant, le métabolisme du tissu osseux risque d’être affecté négativement et plus particulièrement durant l’adolescence.11
De nombreuses études ont abordé le sujet de la contraception hormonale associée à la masse de densité osseuse, mais elles sont majoritairement de faible qualité méthodologique ; la plupart sont difficiles à comparer car elles utilisent des contraceptifs, des sites et techniques de mesures de DMO ainsi que des intervalles de temps différents. Un autre biais à considérer est l’utilisation des valeurs de DMO comme marqueur du risque fracturaire. Compte tenu de la difficulté à réaliser des études randomisées, contrôlées, de longue durée, ayant comme objectif primaire la mesure de l’incidence des fractures, l’utilisation de la DMO comme marqueur indirect de la santé osseuse a été admise par l’OMS pour le dépistage du risque ostéoporotique après la ménopause.11 Cependant, leur relation causale en préménopause n’est que partiellement établie car les études évaluant l’impact de la contraception orale combinée (COC) sur l’os utilisent comme référentiel la DMO ou les marqueurs du métabolisme osseux et non le risque fracturaire.
A l’heure actuelle, les revues de la littérature, et notamment la revue Cochrane de 2011,12 confirment que les COC contenant 30 µg d’EE permettent d’assurer une maturation de DMO suffisante durant l’adolescence et l’âge adulte.1,13,14 Par contre, les études comparant les préparations contenant 20 µg d’EE donnent des résultats plus nuancés. La faible concentration plasmatique atteinte ne suffirait pas à promouvoir un pic de DMO adéquat chez les adolescentes, avec un effet plus marqué chez les plus jeunes, durant les trois années suivant la ménarche.2,15,16 La compilation des résultats des suivis densitométriques à deux ans montre que la contraception faiblement dosée altère la maturation osseuse.1,16 Elle pourrait éroder le pic de masse osseuse ou retarder son acquisition.
Compte tenu de l’absence d’étude randomisée contrôlée évaluant l’impact de la COC sur la DMO des adolescentes, l’évidence clinique reste limitée. Cependant, un élément déterminant la DMO maximale serait l’âge gynécologique de l’initiation d’une contraception combinée.1,2,15
Harel et coll.17 ont récemment publié une étude ne révélant pas de modification de DMO chez des adolescentes traitées par timbre contraceptif diffusant 20 µg d’EE et 150 µg de norelgestromine quotidiennement après douze mois. Parallèlement, ils observent une augmentation significative de la DMO dans le groupe témoin, suggérant que le timbre contraceptif pourrait atténuer l’acquisition de masse osseuse chez la jeune adulte en phase de maturation squelettique.11,17
La contraception à base de progestatifs s’est développée parallèlement à la volonté de diminuer les taux circulants d’œstrogènes exogènes ainsi qu’avec leurs contre-indications telles que le risque thromboembolique. Lors de l’utilisation d’une contraception progestative, il n’y a pas d’apport exogène d’œstrogènes et l’impact osseux varie selon le type de produit utilisé. Certains ont un effet plutôt œstrogénique du fait d’une aromatisation dans les tissus périphériques, d’autres ont un effet direct sur l’os.2,18
Un nombre restreint d’études sur les contraceptifs oraux progestatifs purs et l’implant sous-cutané progestatif ne révèle pas d’hypœstrogénisme. En effet, l’activité œstrogénique endogène ne semble pas être complètement supprimée et les concentrations moyennes d’œstradiolémie sont maintenues au-dessus du niveau observé en phase folliculaire précoce, soit au-delà du seuil potentiellement responsable d’ostéoporose.2,19 La contraception progestative par voie injectable contenant de l’acétate de médroxyprogestérone (MPA) est par contre clairement associée à un effet défavorable sur la DMO d’autant plus marqué que la contraception est débutée précocement à l’adolescence et de manière prolongée avant le pic de masse osseuse. Cromer 20 et Harel 21 révèlent une perte de DMO de 1,5 à 4,1% chez des adolescentes traitées par MPA comparée à un gain de DMO de 2,9 à 9,5% chez des sujets contrôles sans contraceptif durant la même période d’observation. Cependant, l’arrêt du contraceptif semble pouvoir permettre un rattrapage de DMO à deux ans et le MPA n’est pas corrélé de façon significative à un risque ultérieur de fractures.20
La contraception par stérilets au cuivre ou hormonal n’est pas associée à un risque d’hypœstrogénisme et n’a pas d’impact défavorable sur l’os.11,22
Depuis la mise sur le marché de la pilule contraceptive, son contenu en éthynilestradiol n’a cessé de diminuer pour des raisons de sécurité cardiovasculaire. Cependant, la preuve de la réduction du risque thromboembolique par l’utilisation d’une préparation contenant moins de 30 µg d’EE n’est pas établie, surtout durant l’adolescence.
Une DMO maximale réduite par l’influence de la contraception hormonale faiblement dosée pourrait avoir des conséquences importantes à long terme dans la population adolescente en phase d’acquisition de masse osseuse. L’effet osseux de la COC pourrait dépendre de l’âge de sa mise en place mais la dose seuil d’EE indiquée chez l’adolescente reste incertaine.
Une COC débutée chez l’adolescente dans les années suivant la puberté et avec moins de 30 µg d’EE semble avoir une influence défavorable sur le pic de DMO et serait insuffisante pour permettre l’acquisition d’une DMO optimale. La prudence s’impose quant à l’utilisation de ce type de contraception en période péripubertaire, et notamment dans les trois premières années qui suivent la ménarche. Ces résultats ne préjugent cependant pas de l’évolution ultérieure de la DMO. Ils restent nuancés par le rattrapage de DMO progressif, objectivé à l’arrêt du contraceptif ainsi qu’à l’absence de lien causal identifié à l’heure actuelle entre le risque fracturaire et le pic de DMO survenant à l’adolescence. Les données de la littérature concernant le timbre transdermique et l’anneau vaginal restent limitées à l’heure actuelle.
La contraception progestative pure est une nécessité chez les femmes ayant une contre-indication ou une intolérance aux œstrogènes. La contraception par MPA est indiscutablement associée à une perte osseuse, d’autant plus marquée qu’elle est débutée avant le pic de masse osseuse et qu’elle est prolongée, mais en partie réversible à l’arrêt du traitement. Les effets de la contraception progestative par voie orale restent à évaluer dans des études de grande envergure. Les implants progestatifs ne semblent pas avoir d’effet délétère osseux. Dans tous les cas, le risque osseux de la contraception progestative est faible.
Par mesure de prudence, le premier choix contraceptif combiné chez les adolescentes devrait contenir 30 µg d’EE associé au lévonorgestrel, en l’absence de contre-indication médicale ou de faible tolérance. Le recours aux autres moyens contraceptifs devrait toujours être évalué à l’avantage de leurs effets contraceptifs et non contraceptifs.
Les adolescentes à risque de minéralisation osseuse, précarisées lors de troubles alimentaires restrictifs, de maladies chroniques ou de cancer, de traitements corticoïdes, d’insuffisance ovarienne précoce ou les sportives de haut niveau devraient également, dans ce contexte, bénéficier d’une contraception normodosée à 30 µg d’EE.
Finalement, la prescription d’une contraception devrait être l’occasion de favoriser les messages de prévention du bien-être osseux tels que l’arrêt du tabac, la consommation d’alcool modérée, la pratique régulière d’une activité physique ainsi qu’un régime alimentaire équilibré et riche en calcium.
> Tenir compte de l’impact osseux potentiel des options contraceptives et en discuter avec les patientes
> Préférer une pilule à 30 µg d’éthynilestradiol associée au lévonorgestrel comme contraception combinée de première intention, aussi chez les adolescentes
> La discussion des moyens contraceptifs disponibles devrait être abordée lors d’une consultation spécialisée au cours de laquelle il est essentiel de toujours individualiser le choix de la méthode contraceptive
> La consultation de contraception est l’occasion privilégiée de transmettre des recommandations de prévention, d’hygiène alimentaire et sexuelle
Adolescents’ access to contraception has improved and indication for their use have been extended beyond pregnancy prevention. For adolescents, this implies the use of hormonal contraception before the accrual of peak bone mass. Sexual hormones, notably estrogens, play a major role in skeletal development, growth and acquisition of maximal bone mass density (BMD).
This article will review different contraceptive methods and their impact on BMD, with particular attention to low-dose pills and medroxyprogesterone acetate, both of which seem to alter peak bone mass acquisition. Nevertheless, benefits from appropriate contraception should be weighed against safety concerns, and recommended on an individual basis.