Le fameux gouverneur romain de la Palestine se serait plu à notre époque où l’attitude consistant à faire porter à autrui la responsabilité de ce qui dérange est devenu un art florissant.
Le médecin est souvent le bouc émissaire tout désigné par de nombreuses autorités qui rechignent à assumer leurs responsabilités et qui exigent des certificats médicaux de toutes sortes.
Menant un combat de longue date contre ces Ponce Pilate, j’avais écrit, il y a 20 ans, cette lettre au recteur du collège de la vénérable Abbaye de St-Maurice :
«Monsieur le Recteur,
Je dois passer pour un médecin caractériel en refusant d’établir des certificats médicaux pour justifier l’absence d’élèves aux cours, lorsque celle-ci a déjà été expliquée par les responsables légaux que sont les parents.
Sachez bien que signer un certificat me prend trente secondes et me coûte beaucoup moins d’énergie que d’essayer de lutter contre une tendance de plus en plus déresponsabilisante au sein de notre société. Je ne crois pas être naïf et n’ignore pas les abus commis par certains élèves et par leurs parents. Malheureusement, le certificat médical est facile à obtenir de la part de personnes malhonnêtes car il est généralement demandé pour des symptômes impossibles à vérifier (il a vomi toute la nuit, par exemple). Ainsi, comme dans de nombreux autres secteurs de notre société, le certificat médical ne sert que d’alibi pour couvrir les autorités scolaires d’un côté et les parents irresponsables de l’autre. Ces derniers ne sont ainsi jamais placés sérieusement devant leurs responsabilités et devant l’effet négatif de leur attitude de soutien fallacieux envers leurs enfants, puisqu’il leur est possible d’obtenir l’absolution au moyen d’un certificat médical. Dans le même temps, les nombreux parents honnêtes doivent subir la vexation que leur signature de responsables légaux n’a pas plus de valeur aux yeux de l’autorité scolaire que celle d’un vulgaire mensonge et sont ainsi poussés également à démissionner.
…»
Ne recevant pas même un accusé de réception à mon courrier, je récidivai, sans succès. Je passai donc à l’offensive, en rédigeant des certificats dans le style suivant : «Le médecin soussigné certifie que Mme Durant n’est pas une menteuse quand elle vous dit que son fils a fait une pneumonie, ou, pire, qu’il a un plâtre au bras, ce que, d’ailleurs, vous auriez pu voir vous-même». Cette fois, la réaction ne se fit pas attendre : je reçus un téléphone hurlant du pro-recteur. Quand il eut fini de vociférer, je lui proposai, calmement, un rendez-vous à son bureau. Il accepta et le résultat fut que le collège de la vénérable Abbaye cessa d’exiger, sauf exceptions bien compréhensibles, des certificats médicaux.
Le succès, durable, de ce combat, m’a encouragé à en mener d’autres, au risque de passer, parfois, pour un Don Quichotte.
N’hésitez pas, chères et chers collègues, à utiliser ce modèle de certificat : je n’ai pas déposé de copyright et, vous le verrez, les Ponce Pilate se démasquent et perdent leur sang-froid…