Tout est différent ! La façon d’entrer dans l’hôpital (un garde fait un tri et ne laisse passer que ceux qui ont un rendez-vous officiel), l’hygiène (le sterillium n’existe pas, pas de nettoyage des mains entre les patients ou entre les accouchements), les chambres : 22 femmes venant d’accoucher, avec chacune leur bébé et au minimum une visite qui reste avec elle. Les lits sont espacés de 30 cm maximum. Et une chambre, c’est 6 mètres sur 14. Cela fait donc 22 femmes, 22 bébés, 22 visites : 66 personnes dans ce petit lieu. Sans compter les aides, les infirmières et les médecins qui dorment par là quand ils sont de tournus ! Cela en fait du monde dans une chambre. Alors je ne vous dis pas quand il y a des jumeaux !
Je suis actuellement au «Labor y Parto» : Salle d’accouchement. Lors de mon premier jour de stage (32 heures d’affilée), j’ai vu 13 enfants venir au monde. Par moment, les futures mamans accouchent les unes après les autres. Dès le troisième jour, j’ai pu faire un accouchement à quatre mains et dès le sixième jour, j’ai pu faire accoucher seule une maman. C’est une grande chance de pouvoir faire beaucoup de pratique. Que d’émotions autour d’un accouchement : douleur, violence, angoisse, bonheur, sérénité. Quand je rentre à la maison, je dois étudier car le médecin chef m’attend avec ses questions de théorie chaque matin ! Après mes 25 premières heures de stage sans avoir dormi, il m’a interrogée : «quels sont les mécanismes de l’accouchement ?» Je n’ai trouvé aucun mot en espagnol dans ma tête désorientée par tant de nouveaux événements et il m’a alors dit : «Ici, tu es là pour apprendre ! Demain, je t’interroge à nouveau, et si tu ne sais pas, tu ne reviens plus ici !»
Parmi les treize accouchements auxquels j’ai assisté le premier jour, seules trois femmes étaient plus âgées que moi. Beaucoup de jeunes femmes de 14-15 ans... et parfois seules ! Je n’ai vu pour l’instant que deux futurs papas. Ce sont les mères, les sœurs ou les amies qui accompagnent les mamans. Et ici, tu as intérêt à être accompagné, car il n’y a pas assez d’infirmières, ni d’aides-infirmières, donc personne ne te soutient pour aller aux toilettes ou pour te doucher ! Si tu as soif ou que tu as besoin de serviette hygiénique, c’est la personne qui t’accompagne qui doit aller en acheter en dehors de l’hôpital.
Et le mot différent est primordial concernant la douleur : que reçoivent les femmes pour contrer les douleurs ? Rien ! Ah si, un Brufen 400 mg après l’accouchement. Mais rien avant, ni même un paracétamol, et oublions de parler de péridurale ! C’est difficile de voir tant de souffrances, sans remèdes. Pourquoi ?
Maintenant, je suis aux urgences pour les deux dernières semaines. Ici, ça barde ! Dès 7 heures du matin, les patientes qui se présentent aux portes des urgences sont numérotées. A 11 heures, nous étions en train d’examiner la patiente numéro 84 ! Et cela toute la journée jusqu’au lendemain matin. Les plaintes sont diverses, les femmes pleurent, rient, se fâchent, se taisent. Nous sommes contraints de les examiner l’une après l’autre rapidement et notons tous les renseignements dans les dossiers. Car on pourrait croire que cet hôpital tant différent de la Suisse n’a pas de paperasse... Au contraire, il y en a davantage! Et tout se fait sur papier. Une photocopie, c’est par du papier carbone ! Combien d’ordinateur y a-t-il dans l’hôpital ? Zéro ! Par contre, il y a des dossiers dans tous les coins, c’est de la folie ! J’admire ces médecins qui, parmi cette foule de patientes et ces papiers partout, travaillent sans relâche et sans se plaindre.