L’obésité est souvent accompagnée par un état micronutritionnel déficitaire dû à une alimentation déséquilibrée, pauvre en antioxydants et en acides gras polyinsaturés et riche en graisses saturées. Ces micronutriments jouent un rôle important dans l’inflammation, le syndrome métabolique et la résistance à l’insuline et peuvent également influencer la perte de poids.
Un dépistage des carences micronutritionnelles devrait être systématique afin d’améliorer la prise en charge des patients obèses. Ceci est particulièrement important chez des patients après une chirurgie bariatrique.
La prévalence de déficiences micronutritionnelles, chez les personnes en surpoids ou avec obésité, est plus élevée en comparaison des personnes dont le poids est normal. Des mauvaises habitudes alimentaires peuvent expliquer une partie de cette déficience.1,2 Les personnes obèses consomment majoritairement des repas riches en sucre et en graisses saturées, souvent composés d’aliments à index glycémique élevé (aliments raffinés) et pauvres en antioxydants. Ces différents aspects d’une alimentation déséquilibrée peuvent avoir une influence sur l’état micronutritionnel qui, à son tour, a un impact sur le profil inflammatoire, les troubles métaboliques et la résistance à l’insuline.3
Plusieurs auteurs ont aussi rapporté que l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’excrétion des nutriments chez les personnes obèses pouvaient être altérés.1,4 Les déficiences les plus marquées concernent les minéraux (zinc, sélénium) et les vitamines (acide folique, vitamines A, E, D et B12).5 Ces derniers sont des marqueurs du stress oxydatif qui ont une influence sur le syndrome métabolique.6 En plus, certains acides gras essentiels tels que les acides gras polyinsaturés (oméga 3 et oméga 6) sont aussi abaissés chez les patients avec un indice de masse corporelle (IMC) > 25 kg/m2. Des études montrent qu’une supplémentation en oméga 3 aurait des effets positifs sur le syndrome métabolique, la résistance à l’insuline ainsi que sur la diminution des triglycérides plasmatiques.7,8 Pour ces raisons, il serait nécessaire de surveiller les paramètres micronutritionnels chez les patients obèses en plus des paramètres biologiques habituels. Cette démarche est d’autant plus importante avant et après une intervention de chirurgie bariatrique.
Les vitamines A, D et E seraient régulièrement abaissées chez les patients obèses. Cette déficience peut avoir des conséquences sur le profil métabolique et les différentes complications de l’obésité. Les recommandations ainsi que les sources alimentaires pour ces vitamines liposolubles sont bien définies (tableau 1), mais leur rôle dans l’obésité est encore à approfondir. La vitamine A (β-carotène) existe sous forme de rétinol dans les produits animaux (viandes, produits laitiers, foie, etc.) et sous forme de caroténoïdes provitaminiques dans les aliments d’origine végétale (carottes, abricots, etc.).
La vitamine A est absorbée dans l’intestin et son transport nécessite des graisses ainsi que des sels biliaires. Elle joue un rôle important dans la vision et dans la production de la mélanine, mais elle serait aussi considérée comme étant un agent antioxydant, avec des effets anti-inflammatoires.9-11 Ces dernières années, plusieurs auteurs ont montré que le métabolisme du rétinol est en lien avec le métabolisme glucidique et lipidique.12 Une étude effectuée chez le rat a montré qu’une supplémentation en vitamine A aurait des effets sur la perte de poids, sur la diminution de la taille des adipocytes et sur l’augmentation de la sensibilité à l’insuline.12
La vitamine E (α-tocophérol), sous sa forme biologique, se trouve dans l’alimentation sous la forme de γ-tocophérol. Ces molécules sont présentes en grandes quantités dans les huiles végétales, agissent essentiellement comme antioxydants et permettent une protection des acides gras polyinsaturés présents dans les aliments. Certains auteurs décrivent chez les patients obèses une association inverse entre le taux de vitamine E et l’IMC.13
La vitamine D est régulièrement citée comme étant abaissée chez les patients obèses. Cette dernière a une double origine, à la fois alimentaire (poissons de mer gras, matières grasses) et endogène, par l’exposition solaire. Elle intervient dans l’absorption intestinale du calcium et du phosphore ainsi que sur leur réabsorption par les reins. Des études récentes montrent qu’une supplémentation adéquate en vitamine D, tant sur la durée que sur la quantité, peut améliorer la sensibilité à l’insuline chez des patients obèses.14 De plus, certains auteurs montrent les effets bénéfiques de la vitamine D sur la sensibilité à l’insuline et sur la satiété. Ces résultats seraient à confirmer par des études contrôlées à large échelle.14
Des études d’observation montrent une incidence plus élevée d’événements cardiovasculaires chez les personnes en carence de 25-hydrovitamine D. Cet effet pourrait être expliqué, car les individus ayant un faible 25-OH-D sont généralement plus âgés, plus fragiles, plus lourds et ont plus de comorbidités et un risque cardiovasculaire plus élevé.15
Comme pour les vitamines, certains minéraux et oligo-éléments sont souvent abaissés chez les personnes obèses. Les plus courants sont le zinc, le sélénium, l’acide folique ainsi que la vitamine B12.
Ces minéraux, oligo-éléments et vitamines hydrosolubles auraient plusieurs rôles à jouer dans des mécanismes liés à l’obésité.16 Plusieurs études, menées chez des candidats à la chirurgie bariatrique, montrent des carences en minéraux et oligo-éléments importants en préopératoire. Les déficits les plus marqués chez ces patients obèses sont la vitamine B12, l’acide folique, la vitamine D ainsi que le potassium.17-19 De plus, certains auteurs soulignent que plus l’IMC est élevé, plus les taux de micronutriments sont abaissés.1 En ce qui concerne le zinc et le sélénium, ils seraient tous deux impliqués dans la régulation de l’insuline et plus particulièrement dans l’augmentation de la sensibilité à l’insuline.16,20
Le zinc a un rôle antioxydant important. Son stockage se fait principalement au niveau du muscle (60%) et des os (30%). En général, la biodisponibilité du zinc est plus élevée à partir des produits animaux. Quant au sélénium, il est directement lié à certaines enzymes antioxydantes comme le glutathion peroxydase, qui constitue une des principales lignes de défense contre les agressions produites par les radicaux libres. Le site tissulaire de stockage du sélénium est essentiellement le muscle squelettique. On en trouve en grandes quantités dans les aliments protéiques (viandes, poissons, crustacés, abats, œufs).
La vitamine B12 (cobalamine) est essentielle au fonctionnement normal du cerveau et participe à la synthèse de neuromédiateurs, du système nerveux et à l’érythropoïèse. Elle est aussi impliquée comme cofacteur dans le métabolisme des cellules et plus particulièrement dans la synthèse de l’ADN, des acides gras et dans la production d’énergie. On la trouve essentiellement dans les aliments d’origine animale.
La vitamine B9 (acide folique) est le précurseur métabolique du tétrahydrofolate qui joue un rôle dans le matériel génétique et intervient dans la synthèse d’acides aminés. Ses sources alimentaires sont surtout la salade verte, les oléagineux (noix, amandes, etc.), le foie, les œufs, les fromages, les légumes et les fruits.
Il est bien connu qu’un excès de graisse dans l’alimentation favorise la prise de poids, les maladies cardiovasculaires et métaboliques. Par ailleurs, les acides gras sont indispensables au bon fonctionnement des cellules, ils sont utilisés comme substrat énergétique, transportent et favorisent l’absorption des vitamines liposolubles (A, D, E et K) et jouent un rôle d’isolant thermique pour l’organisme. Outre l’aspect quantitatif, la qualité des graisses ingérées joue un rôle important sur la santé.21
Les acides gras saturés proviennent essentiellement de l’alimentation et sont en petite partie fabriqués par l’organisme. Ils sont très présents dans les produits d’origine animale ainsi que dans certaines préparations industrialisées telles que les biscuits, la pâtisserie, etc. La proportion ne devrait pas dépasser 10% de l’apport journalier. En raison de leurs effets délétères, il est recommandé de consommer en plus grande proportion des acides gras monoinsaturés et polyinsaturés.21
Les acides gras monoinsaturés sont essentiellement apportés par l’alimentation. On en trouve en grandes quantités dans certaines huiles comme l’huile d’olive. La proportion ne devrait pas dépasser 15% de l’apport journalier total. Ces graisses induisent une diminution du taux de cholestérol LDL et du risque cardiovasculaire.22
Les acides gras polyinsaturés sont divisés en deux groupes : les oméga 6 et les oméga 3. Ces derniers sont essentiellement apportés par l’alimentation et ne sont donc pas fabriqués par l’organisme. Ils représentent 7% de la ration calorique totale. Les rôles et les sources sont différents selon le type d’acides gras polyinsaturés.23
L’acide linoléique et ses dérivés sont très présents dans l’huile de tournesol, de soja, de maïs, de germe de blé, les noix et autres fruits oléagineux. Les apports recommandés doivent représenter 2,5% de la ration calorique totale journalière. Les oméga 6 peuvent se transformer dans l’organisme en d’autres acides gras polyinsaturés à plus longue chaîne, comme l’acide arachidonique. Ces acides gras sont essentiels et ne sont pas synthétisés par l’organisme humain. Ils jouent un rôle de précurseurs dans les processus inflammatoires, sur l’endothélium ou sur l’agrégation plaquettaire.23
L’acide α-linolénique et ses dérivés se retrouvent dans les huiles végétales, comme l’huile de colza, de graines de lin, de soja, les noix et les légumes à feuilles. La quantité recommandée est d’environ 0,7% de l’apport calorique total journalier. Comme l’acide linoléique, l’acide α-linolénique peut être transformé dans l’organisme en acides gras à longue chaîne. Les produits de dégradation sont l’acide eicosapentaénoïque et l’acide docosahexaénoïque, que l’on retrouve dans les poissons de mer froide (le saumon, le maquereau, le hareng et la truite).21
D’après certaines études, dont une méta-analyse, les oméga 3 sous forme alimentaire ou de supplémentation per os auraient des effets protecteurs contre les maladies cardiovasculaires.23,24 D’autres études contredisent ces conclusions en ne trouvant pas une diminution des risques cardiovasculaires.25 De plus, plusieurs études montrent une association inverse entre les oméga 3 et la protéine C-réactive (CRP), un des principaux paramètres inflammatoires.26,27
Dernièrement, dans une étude, nous avons mesuré les taux plasmatiques des acides gras avant et après bypass gastrique. Nous avons pu constater que ces taux étaient globalement abaissés après l’intervention. En particulier, nous avons observé une diminution importante de l’acide linoléique (-25%) et α-linolénique (-30%), précurseurs respectivement des acides gras polyinsaturés oméga 6 et oméga 3 (figure 1).
Les personnes qui souffrent d’obésité ont tendance à développer plus de carences micronutritionnelles que les personnes avec un IMC normal.1,3,16 Les conséquences de ces déficiences ont des impacts non négligeables sur les complications de l’obésité, comme les troubles métaboliques, la résistance à l’insuline et l’artériosclérose. Un dépistage systématique des carences micronutritionnelles pourrait améliorer la prise en charge des patients obèses. Cette démarche est d’autant plus importante chez des patients candidats à une chirurgie bariatrique, afin de diminuer les risques de déficits micronutritionnels après l’intervention.
Pour une prise en charge globale, il est important de promouvoir une alimentation équilibrée, comprenant en majorité des aliments complets, des légumes, des fruits et du poisson. Une alimentation riche en acides gras polyinsaturés et plus particulièrement les oméga 3, ainsi que des aliments riches en vitamines antioxydantes devraient être privilégiés chez les patients obèses.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt en relation avec cet article.
> L’obésité est régulièrement accompagnée de déficiences micronutritionnelles
> Un dépistage des vitamines, des oligo-éléments, des minéraux et des acides gras est conseillé chez les patients avec un IMC de 25 kg/m2
> Les patients postchirurgie bariatrique devraient systématiquement avoir un bilan micronutritionnel
> Une prise en charge nutritionnelle peut améliorer les paramètres métaboliques et inflammatoires
L’obésité est souvent accompagnée par un état micronutritionnel déficitaire dû à une alimentation déséquilibrée, pauvre en antioxydants et en acides gras polyinsaturés et riche en graisses saturées. Ces micronutriments jouent un rôle important dans l’inflammation, le syndrome métabolique et la résistance à l’insuline et peuvent également influencer la perte de poids.
Un dépistage des carences micronutritionnelles devrait être systématique afin d’améliorer la prise en charge des patients obèses. Ceci est particulièrement important chez des patients après une chirurgie bariatrique.