Merci au Dr Janin de son intérêt pour le papier de consensus 2012 paru dans la Revue Médicale Suisse. Au-delà du ton quelque peu péremptoire et polémique, son courrier a le mérite de soulever la – toujours – épineuse question de la pertinence de prescrire un traitement procognitif (inhibiteur de l’acétyl-cholinestérase-IAChE- et mémantine).
Comme explicitement mentionné dans le papier de consensus (page 842 : «Une amélioration cliniquement significative des fonctions cognitives n’a été constatée que chez quelques patients. L’effet principal du traitement avec les I-AChE correspond à une stabilisation clinique durant environ six mois, avec ralentissement de la détérioration.»),1 mais aussi à d’autres occasions dans le même journal,2 les bénéfices de ces traitements restent modestes. Ces bénéfices n’en existent pas moins, comme en attestent les résultats de la revue Cochrane3 où plus de dix études multicentriques randomisées et contrôlées en double aveugle contre placebo ont observé un effet bénéfique des I-AChE. Encore récemment, un essai testant l’efficacité d’un traitement combiné (IAChE + mémantine) n’a observé aucune différence significative entre bi et monothérapie, mais confirmé que, comparé au placebo, un traitement par I-AChE amenait des bénéfices cognitifs et fonctionnels significatifs (y compris cliniquement en ce qui concerne la cognition !).4 A l’instar de nombreuses instances, y compris NICE au Royaume Uni dès 2007, il nous apparaît que ces évidences sont suffisantes pour recommander l’utilisation de ces molécules. Il est intéressant, à ce titre, de relever que le changement de position de NICE tient probablement aussi à l’évolution favorable du rapport coût-bénéfice de ces traitements.5
Nous attendons tous avidement d’autres traitements qui agiraient sur les mécanismes moléculaires intimes de la maladie. Néanmoins, renoncer actuellement aux traitements symptomatiques disponibles en raison de leur efficacité modeste (mais pas nulle !) ne nous apparaît pas comme une option. D’autant moins d’ailleurs que, paradoxalement, une proportion élevée de personnes âgées souffrant de troubles cognitifs ou d’un syndrome démentiel sont traitées par du ginkgo biloba, ce qui en fait le médicament le plus largement prescrit chez ces patients en Suisse, malgré l’absence de bénéfices scientifiquement démontrés. Le papier de consensus le rappelle aussi, peut-être cela aura-t-il échappé au Dr Janin…
Comme mentionné également dans le papier de consensus, la conférence ayant abouti au document publié a entièrement été financée par le Forum Alzheimer Suisse (Président : Andreas Monsch). Ce forum est constitué de membres provenant de différentes institutions : hôpitaux universitaires, organisations non gouvernementales, associations professionnelles, compagnies pharmaceutiques et d’assurances. Les fonds du Forum Alzheimer Suisse proviennent des bénéfices d’un concert annuel de soutien et des cotisations des membres. Aucune compagnie ou représentant d’une compagnie pharmaceutique n’a été impliqué dans le processus d’élaboration et d’écriture du papier de consensus. Après élaboration, le papier a circulé auprès de l’ensemble des experts suisses. Tous, sans exception, ont accepté la version finale publiée.
Nous remercions encore le Dr Janin de nous avoir offert l’opportunité de clarifier ces points.