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ISO 690 | Nau, J., Privés de sang et refroidis : seront-ils encore vivants ?, Rev Med Suisse, 2014/434 (Vol.10), p. 1314–1315. DOI: 10.53738/REVMED.2014.10.434.1314 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2014/revue-medicale-suisse-434/prives-de-sang-et-refroidis-seront-ils-encore-vivants |
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MLA | Nau, J. Privés de sang et refroidis : seront-ils encore vivants ?, Rev Med Suisse, Vol. 10, no. 434, 2014, pp. 1314–1315. |
APA | Nau, J. (2014), Privés de sang et refroidis : seront-ils encore vivants ?, Rev Med Suisse, 10, no. 434, 1314–1315. https://doi.org/10.53738/REVMED.2014.10.434.1314 |
NLM | Nau, J.Privés de sang et refroidis : seront-ils encore vivants ?. Rev Med Suisse. 2014; 10 (434): 1314–1315. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2014.10.434.1314 |
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Anesthésistes et réanimateurs. Depuis plus d’un demi-siècle, ils nous rapprochent quelques instants de la mort pour mieux nous sauver. Certains d’entre eux entendent aujourd’hui aller plus loin. C’est le cas outre-Atlantique avec un essai médical sans précédent qui va être mené au Presbyterian Hospital de Pittsburg. Un essai qui soulève un certain nombre de (graves) questions mais auquel la Food and Drug Administration (FDA) a d’ores et déjà donné son aval. Une affaire dont se régalent quelques gazettes en disant qu’elle fait froid dans le dos. Ce qui n’est pas vraiment faux.
… Un tel essai conduira-t-il à une redéfinition des critères de la mort? …
Cet essai concernera, dans un premier temps, dix personnes victimes de blessures thoraciques majeures et ayant perdu de grandes quantités de sang. Pronostic vital engagé. L’essai est mené sous la direction du Dr Samuel Tisherman, déjà connu pour des travaux spectaculaires dans le domaine de l’hypothermie thérapeutique. «Les effets neuroprotecteurs de l’hypothermie ont été rapportés dès la fin des années 1950.1 Puis ils semblent être tombés dans l’oubli pendant une vingtaine d’années, expliquait-on il y a peu auprès de la Société française d’anesthésie-réanimation. Ce n’est seulement que depuis quinze ans environ que les réanimateurs ont fait preuve d’un regain d’intérêt vis-à-vis de cette méthode thérapeutique. Ce regain d’intérêt, lié à une meilleure compréhension des mécanismes d’action de l’hypothermie, est à l’origine d’une extension de la recherche clinique dans différents domaines de la pathologie neurologique aiguë (arrêt cardiaque, accident vasculaire cérébral, traumatisme crânien)».
On ajoutait que les mécanismes qui expliquent l’effet thérapeutique de l’hypothermie modérée sont multiples et font intervenir, entre autres, une baisse du métabolisme cérébral et une réduction des phénomènes d’excitotoxicité, ainsi qu’une diminution de la réponse immune et inflammatoire locale, une réduction de la production de radicaux libres oxygénés et une protection de la barrière hémato-encéphalique. Ce sont les effets neuroprotecteurs qui sont à l’origine de l’utilisation de cette hypothermie dans différents domaines de la pathologie neurologique aiguë, soit pour ses effets thérapeutiques démontrés, soit en matière de recherche clinique.
Dans sa version «modérée», il s’agit de faire baisser la température corporelle du malade entre 32 et 34°C pendant 12 à 24 heures. «La fréquence du recours à l’hypothermie thérapeutique devrait s’accroître au cours des années à venir dans différentes situations de neuro-agression, expliquaient les Drs O. Huet, V. Lemiale, A. Cariou (Service de réanimation médicale, Hôpital Cochin – Saint Vincent de Paul, Paris) en 2006. Il s’agit en effet d’une méthode relativement simple d’emploi, et dont les effets secondaires sont faibles lorsque les modalités de mise en œuvre sont bien maîtrisées. Une amélioration supplémentaire du pronostic des patients candidats à ce type de traitement demeure de plus possible, soit par le biais d’un raffinement des techniques d’hypothermie (rapidité d’obtention de la température cible, prévention des effets secondaires), soit par l’intermédiaire de thérapeutiques pharmacologiques nouvelles qui peuvent être associées à l’hypothermie.»
Aujourd’hui, c’est une variante nettement plus agressive qui, pour la première fois chez l’homme, va être expérimentée à Pittsburg. Les responsables de l’essai ont exposé leur protocole expérimental au magazine New Scientist.2 L’équipe du Dr Sam Tisherman va recruter des patients dans un état critique en remplaçant leur sang par une solution saline.
Au cours de cet essai, nommé «Emergency Preservation and Resuscitation for Cardiac Arrest from Trauma» (EPR-CAT), dix patients verront leur température corporelle abaissée à 10°C. Le Dr Tisherman est l’un des pères de la méthode EPR qu’il a déjà expérimentée chez l’animal avec le Dr Peter Rhee. Leurs premiers travaux (publiés dans Surgery en 2002) avaient été menés sur des porcs (Yorkshire) anesthésiés qui avaient été saignés pour simuler une forte perte de sang consécutive à une blessure.3 Leur sang avait ensuite été remplacé par une solution saline froide ou une solution de potassium. Une fois leurs blessures refermées, les animaux étaient progressivement réchauffés, et leur système sanguin de nouveau irrigué normalement. Au total, les animaux avaient passé 60 minutes en hypothermie. Six semaines plus tard, les animaux qui avaient survécu ne présentaient pas de troubles neurologiques. Et leurs fonctions cognitives semblaient intactes.
A Pittsburg, les dix premiers patients seront sélectionnés selon des critères bien précis : ils devront avoir perdu environ la moitié de leur masse sanguine au moment de leur arrivée aux urgences et être victimes d’une blessure thoracique. Selon les coordinateurs de l’étude, les urgences de l’Hôpital de Pittsburg reçoivent ce genre de patients environ une fois par mois, et leurs chances de survie sont de moins de 7%. La FDA a considéré que, dans de tels cas, l’absence d’alternative thérapeutique pouvait dispenser les expérimentateurs de consentements écrits. Un dispositif a été mis en place pour que des personnes puissent préalablement s’opposer à être incluses, le cas échéant, dans cet essai.
«Les artères coronaires de chaque patient seront clampées, et un cathéter sera posé dans l’aorte pour injecter une solution saline. Le seuil de 10°C de température corporelle devrait alors être atteint en quinze minutes environ. A ce stade, le patient sera cliniquement mort, précise, en France, Le Quotidien du Médecin. Les chirurgiens disposeront ensuite de deux heures pour soigner la blessure, puis le corps du patient sera reperfusé avec du sang chauffé. Les bilans cliniques de ces dix patients seront ensuite comparés à ceux de dix autres, admis dans les mêmes conditions mais qui n’auront pas bénéficié de la technique EPR. Cette dernière sera adaptée en fonction des premiers résultats obtenus puis des nouvelles séries de dix patients seront recrutées jusqu’à ce que les résultats à analyser soient suffisants.»
On imagine sans mal que cette approche thérapeutique expérimentale est à très haut risque, compte tenu notamment de la température à laquelle le corps se situera. Un tel essai conduira-t-il à une redéfinition des critères de la mort aujourd’hui basés sur l’absence de circulation sanguine et d’activité électrique du cerveau ? L’affaire nourrit et exalte les imaginations. On parle immanquablement de science-fiction. La vie sera ici, dans le meilleur des cas, comme «suspendue». Une formule que ne retient pas le Dr Tisherman : il estime que cela pourrait conférer une fâcheuse dimension «science-fiction» à son expérimentation médicale ; une expérimentation qui, selon lui, n’a rien de commun avec la cryogénisation et les fantasmes de retour à la vie après la mort que ce procédé véhicule.
L’anesthésie-réanimation est une discipline qui peut faire peur. Elle peut aussi aider à faire rêver.
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