Le 1er janvier 2013, de nouvelles dispositions en matière de protection de la personne sont entrées en vigueur. Ces dispositions concernent les médecins suisses dans la mesure où elles confirment l’autorité qui leur était déjà conférée par de nombreux cantons. En effet, les dispositions du Code civil concernant le placement à des fins d’assistance (PAFA) autorisent les cantons à désigner des médecins habilités à prononcer un placement à des fins d’assistance, subsidiairement à l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant (APEA).1
En Suisse, l’organisation sanitaire et judiciaire relève de la compétence des cantons. Ils délivrent une autorisation de pratique aux professionnels de la santé. Les gardes médicales sont organisées au niveau cantonal en engageant dans des proportions variables les ressources des institutions de soins publiques et des praticiens privés. En ce qui concerne l’organisation judiciaire, le Code civil fait l’objet de lois d’applications cantonales qui s’appliquent en principe aux personnes domiciliées dans le canton.2 De plus, le placement implique l’accueil dans un établissement de soins dont le financement dépend pour une large part des subventions cantonales. Cette situation soulève la question, lorsqu’un médecin est confronté à un patient domicilié dans un autre canton, du choix de la norme cantonale applicable.
Il existe des grandes disparités entre les cantons en ce qui concerne la désignation des médecins autorisés à prononcer un PAFA. Dans certains cantons, seuls certains médecins qui y exercent sont autorisés,3–8 alors que d’autres cantons habilitent tous les médecins de Suisse.9,10 Les conditions nécessaires à un placement (par l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte ou le médecin) sont définies par le Code civil (art. 426 CC). Elles sont réunies lorsqu’en raison d’un trouble psychique, d’une déficience mentale ou d’un grave état d’abandon, l’assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent être fournis hors d’une institution appropriée. Certains cantons ont restreint les conditions du PAFA par le médecin à l’urgence et d’autres limitent de plus leur compétence aux troubles psychiques. Les conditions nécessaires à un placement par un médecin diffèrent donc selon le canton. La durée maximale du PAFA diffère également d’une durée de quatre à six semaines. La procédure que suit le médecin est uniformisée par le Code civil (art. 430 CC). Il persiste toutefois des variations importantes. Ainsi, les voies de recours varient en fonction de l’organisation judiciaire cantonale. Enfin, outre la personne de confiance, il est également nécessaire dans certains cantons d’informer d’autres instances comme le médecin cantonal ou l’APEA.
En droit civil, le for juridique est situé au domicile de la personne concernée par la décision. Cela implique que le médecin s’informe des dispositions du canton de son patient. Toutefois, toutes ces différences entre les lois d’application du Code civil découragent le médecin d’appliquer une loi qui ne lui est pas familière. De plus, la majorité des cantons romands n’autorisent que certains médecins de leur canton à prononcer un PAFA. Le médecin cantonal vaudois pourrait autoriser des médecins exerçant dans les cantons limitrophes, cela ne concerne toutefois que ceux qui en auraient fait préalablement la demande. Seuls Berne et Fribourg autorisent tous les médecins de Suisse à prononcer un PAFA pour leurs ressortissants.
Il importe de respecter le principe de souveraineté cantonale en répondant à cette question. Les disparités concernant la désignation des médecins habilités à prononcer un PAFA mettent en évidence deux conceptions différentes de la souveraineté cantonale en matière de protection de l’adulte. Une conception «territoriale» et une conception «administrative» de la souveraineté. La conception territoriale s’intéresse à régler toutes les situations qui surviennent sur le territoire du canton. Et la conception administrative se manifeste par le souci de régler les questions qui concernent les administrés, autrement dit les personnes domiciliées dans le canton où qu’elles se trouvent en Suisse. Cette double approche fait écho à l’article 442 du Code civil qui stipule que sont compétentes l’autorité de protection de l’adulte du domicile de la personne concernée (art. 442, al. 1 CC) ainsi que, en cas de péril en la demeure, celle de l’endroit où elle se trouve (art. 442, al. 2 CC). En d’autres termes, en matière de PAFA, la loi applicable par le médecin est celle du domicile de son patient et également celle du lieu où il exerce à condition qu’il s’agisse d’une urgence. En effet, la compétence du médecin est subsidiaire à celle de l’APEA (art. 429, al. 1 CC). Les dispositions concernant la compétence à raison du lieu précisent également que lorsque celle-ci est acquise, elle le reste jusqu’à la fin de la procédure (art. 442, al. 1 CC). Ainsi, lorsqu’un médecin applique une loi cantonale, l’APEA et l’autorité de recours désignées dans cette loi sont compétentes respectivement si l’hospitalisation doit être prolongée et en cas de demande de contrôle judiciaire, à moins que la procédure ne soit répétée dans le canton d’accueil.
Le PAFA prononcé par un médecin a une durée maximale de quatre à six semaines selon les cantons. Au-delà de cette durée, le placement doit être prolongé par l’APEA. Les différentes législations cantonales prévoient donc que l’APEA soit informée par le médecin qui prononce le placement ou par l’hôpital. La communication de la décision de placement à l’APEA se fait donc selon les dispositions cantonales mises en œuvre. En effet, le Code civil ne prévoit pas de levée automatique du secret médical à l’égard de l’APEA (art. 448, al. 2 CC). Ainsi, si le médecin prononce un placement selon la loi d’application du Code civil du canton du patient, l’APEA du domicile du patient doit en être informée selon les dispositions prévues. Par contre, si c’est la loi du canton où exerce le médecin qui est mise en œuvre, c’est l’APEA du lieu où la personne séjournait au moment du placement qui doit être informée.
Pour simplifier la discussion, seule la question de l’hospitalisation urgente en milieu psychiatrique est évoquée. Le Code civil ne limite pas la validité du placement prononcé par les médecins au canton dans lequel ils exercent. Le choix de l’établissement d’accueil est nécessairement dicté par des raisons financières. En effet, en absence de concordat intercantonal, le remboursement des frais d’hospitalisation hors canton n’est pas garanti au-delà de trois jours. En pratique, les patients sont donc hospitalisés dans l’hôpital psychiatrique de leur canton après un éventuel bref passage dans un hôpital plus proche du lieu de leur séjour. La pratique en ce qui concerne l’admission dans les hôpitaux psychiatriques de patients placés depuis un autre canton diffère d’un canton à l’autre pour les raisons suivantes. La demande de soins en psychiatrie constitue une charge importante pour les cantons qui financent les hôpitaux psychiatriques par leurs subventions. A cet égard, deux types de risques peuvent être identifiés. Le premier est l’augmentation du nombre d’urgences psychiatriques, qui a été observée dans les hôpitaux généraux des grandes villes, avec comme corolaire l’explosion du nombre des hospitalisations psychiatriques.11 Le second en cas d’introduction du TarPSY est l’augmentation du nombre d’hospitalisations hors canton.12 Ainsi, en raison de l’importance du triage opéré avant un PAFA, de nombreux hôpitaux psychiatriques n’admettent que les patients qui font l’objet d’un placement par un médecin du canton, tandis que d’autres favorisent le rapatriement de leur résidants en les admettant selon les dispositions du canton de provenance, sans exiger la répétition de la procédure.
En Suisse romande, seuls les cantons de Berne et Fribourg habilitent tous les médecins exerçant sur le territoire de la Confédération à prononcer le placement de leurs ressortissants de manière à faciliter leur rapatriement. Les formulaires de placement et des directives à l’intention des professionnels sont disponibles sur internet.13,14 Les deux cantons n’autorisent les médecins à prononcer un PAFA qu’en cas d’urgence. Fribourg limite de plus la compétence du médecin aux troubles psychiques. Dans les deux cantons, les décisions doivent être communiquées sans délai à l’APEA du domicile de la personne par le médecin qui prononce le PAFA. Celle-ci peut être retrouvée grâce à un lien hypertexte sur les formulaires bernois. En ce qui concerne Fribourg, l’adresse des différents cercles de la Justice de Paix peut être consultée sur internet et le district dont fait partie chaque commune peut être retrouvé sur la base de l’adresse postale dans la «liste historisée des communes de la Suisse».15 A Fribourg, l’APEA est également l’autorité de recours en ce qui concerne les décisions des médecins.
Lors du rapatriement en urgence d’un patient dans un hôpital psychiatrique de son canton, il convient de s’informer auprès de l’établissement de l’éventuelle répétition de la procédure de placement par un médecin dans le canton d’accueil. Si la procédure est répétée, il convient tout de même de prononcer un PAFA selon la législation du canton de départ. En effet, en absence d’autres dispositions permettant le transfert contre le gré du patient, celui-ci ne peut se faire que dans le cadre d’un placement. Par contre, si la procédure n’est pas répétée et que le canton de domicile autorise le médecin envoyeur à prononcer un PAFA, il est opportun d’appliquer la législation du canton du patient. Faute de quoi, l’APEA du canton où le patient séjournait momentanément devra se prononcer quant à une éventuelle prolongation de l’hospitalisation au terme de la durée maximale du placement par le médecin. De même, un éventuel recours sera adressé au juge du canton de départ en lieu et place de l’autorité de recours du canton de domicile du patient.
> Le transfert contre le gré d’un patient depuis un autre canton vers un hôpital de son canton de domicile ne peut se faire qu’en cas d’urgence dans le cadre d’un placement à des fins d’assistance
> Cette décision peut se baser soit sur la loi d’application du code civil du canton où exerce le médecin, soit sur la base des dispositions des cantons de Berne et Fribourg respectivement pour les patients qui y sont domiciliés
> Si l’admission dans l’hôpital du canton de domicile du patient se fait en application des dispositions du canton de départ, les autorités de ce dernier restent compétentes pour la suite de la procédure
> Un médecin pourrait être habilité à placer en urgence un patient domicilié à Berne ou Fribourg, même s’il n’est pas habilité à le faire par le canton dans lequel il exerce