Quels traitements sont utilisés en cas de dysménorrhée et avec quels résultats rapportés ? Un questionnaire a été envoyé à 2400 apprenties et étudiantes, suivant une approche rétrospective traitement-résultat (taux de réponses : 22%).Les traitements les plus fréquents sont : l’ibuprofène (53%), le paracétamol (51%), la contraception hormonale (40%), la bouillotte sur le ventre (35%), des compléments alimentaires ou la phytothérapie (23%).Pour soigner la dysménorrhée, c’est l’autotraitement qui est la règle, avec la famille comme base d’information dans 80% des cas ; le professionnel de la santé est peu consulté. De façon surprenante car peu cité dans les recommandations officielles, un «remède de grand-mère», la bouillotte, apparaît parmi les méthodes avec le meilleur effet rapporté (effet satisfaisant chez 92% des utilisatrices).
La dysménorrhée est la plainte gynécologique la plus fréquente chez les femmes en âge de procréer. Selon une étude faite en Suisse,1 86,6% des jeunes femmes entre 16 et 20 ans en souffrent, contre 25% pour l’ensemble de la population féminine en âge de procréer.2
Elle est responsable d’absences de courte durée mais récurrentes. De plus, les adolescentes atteintes de dysménorrhée sévère (définie par leur impact sur les activités quotidiennes) sont plus sujettes à souffrir également de symptômes dépressifs.3 La dysménorrhée a donc un impact significatif sur la vie des jeunes femmes.
Les symptômes commencent habituellement 2-3 ans après la ménarche, lorsque les cycles deviennent ovulatoires.1 L’âge moyen de la ménarche en Suisse étant d’environ treize ans, les jeunes femmes ont pour la plupart leurs premiers symptômes de dysménorrhée à la fin de l’école obligatoire.
En Suisse, selon l’enquête scolaire SMASH,4 une jeune femme sur deux entre 16 et 20 ans prend, en cas de dysménorrhée, un médicament pour diminuer les douleurs. Parallèlement, de nombreuses autres approches existent dans le domaine des médecines complémentaires, y compris des méthodes dites «de grand-mère», comme la bouillotte. Des facteurs culturels influencent certainement la réponse à la douleur.5
Face à cette offre multiple et hétérogène de moyens de soulagement, nous nous sommes demandés si les jeunes femmes ont accès à l’information qu’elles souhaitent concernant leurs menstruations et les façons de traiter la dysménorrhée, et si elles obtiennent une amélioration et avec quelles méthodes.
La dysménorrhée est définie par la présence de douleurs abdominales ou dorsales pendant les menstruations («parfois» ou «toujours ou presque toujours»).
La sévérité de la dysménorrhée est évaluée en fonction de l’impact sur la vie quotidienne (rupture des activités normales, absence au travail ou à l’école).
Nous avons ciblé deux groupes de jeunes femmes de 15-20 ans, tranche d’âge où la prévalence de dysménorrhée est la plus élevée. Les 1700 apprenties de l’Ecole professionnelle commerciale de Lausanne (EPCL) ainsi que les 695 étudiantes en Bachelor de biologie, médecine ou théologie de l’Université de Lausanne (UNIL) ont été contactées.
Les participantes ont été invitées à répondre à un questionnaire en ligne (programme LimeSurvey). Le questionnaire utilisé est inspiré principalement de deux recherches précédentes : l’étude SMASH 2002 (Swiss multicenter adolescent survey on health 2002)4 sur la santé des adolescents en Suisse et une étude anglaise sur l’automédication, self-care.6
Les résultats ont été analysés de manière descriptive avec le logiciel SPSS. Il a été jugé préférable de ne pas recourir à des tests statistiques afin d’éviter des surinterprétations des résultats de cette recherche qui se voulait purement descriptive.
Cinq cent vingt-sept étudiantes et apprenties ont répondu (65 questionnaires ont dû être retirés de l’analyse car seule la première page était remplie), ce qui donne un taux de réponses final de 22% (16% à l’EPCL et 35% à l’UNIL), avec une moyenne d’âge de 19,7 ans (p25 = 18 ans ; p75 = 21 ans). 82% des participantes étaient de nationalité suisse (87% universitaires et 78% apprenties).
92% des participantes remplissaient les critères de dysménorrhée, dont 14,6% de dysménorrhée sévère.
Deux tiers (66%) des participantes ont déclaré prendre ou avoir pris un traitement contre la dysménorrhée. La figure 1 énumère, dans l’ordre de fréquence, tous les traitements proposés rapportés par les participantes. Les médicaments antidouleur sont, dans 78% des cas, achetés en vente libre et dans 24% des cas sur ordonnance médicale (nous n’avons pas la répartition pour les différentes molécules). La source d’information pour le choix du traitement est surtout la famille, sollicitée dans plus de 60% des cas. Ensuite, vient un(e) ami(e) (plus de 20%) puis un professionnel de la santé (10%). Seules 11% des participantes prenant un traitement (N = 350) en ont discuté avec un professionnel de la santé (gynécologue 8%, médecin de famille 4%). La contraception hormonale est un cas à part puisqu’elle n’est délivrée que sur ordonnance; les deux tiers des répondantes en prennent (355, 67%), 85% d’entre elles pour la contraception, 44% pour diminuer les douleurs liées aux règles et 21% pour diminuer l’acné.
La diminution perçue de la douleur après traitement est en moyenne de 3,54 points sur l’échelle de 10 (P25 = 2 ; P75 = 5). Si on regarde les traitements pour lesquels l’effet désiré est le plus fréquemment ressenti, on s’aperçoit que ce ne sont pas forcément les plus utilisés (figures 1 et 2). Des effets indésirables étaient rapportés par 31% des participantes prenant un médicament (aigreurs d’estomac : 19%, nausée : 11%, diarrhée : 10%). Les femmes souffrant de dysménorrhée sévère recourent plus aux médicaments (81% contre 56% en cas de dysménorrhée modérée).
Les traitements évoqués ne varient que très peu selon la nationalité ou la situation d’étude (apprentissage ou université). Ils varient d’un mois à l’autre chez la même personne : 58% prennent un traitement occasionnellement en fonction de l’intensité des symptômes.
Parmi les personnes disant ne pas prendre de traitement du tout (N = 177), 47% ont signalé qu’elles avaient tout de même des douleurs ou une gêne pendant leurs règles mais les supportaient.
Enfin, 42% des participantes souhaiteraient plus de connaissances par rapport au fonctionnement biologique des règles et 52% plus de connaissances par rapport aux possibilités thérapeutiques de traiter la dysménorrhée.
Les deux tiers (65%) des jeunes femmes de l’étude prennent ou ont pris un traitement pour la dysménorrhée. Ces traitements relèvent en grande majorité de l’automédication ou de l’autotraitement. Leur choix est le plus souvent discuté en famille ou avec des amis.
La dysménorrhée est parfois supportée sans traitement ; cependant, l’efficacité ressentie des traitements est globalement très bonne. Le traitement le mieux considéré est la bouillotte (figure 3), suivi de près par l’ibuprofène et la contraception hormonale, avec respectivement 92, 90 et 90% de satisfaction.
La représentativité de notre échantillon n’est pas garantie car nous avons limité notre groupe cible à deux milieux d’études. Les jeunes femmes en rupture scolaire, notamment, n’ont pas été contactées. Seule une minorité des participantes potentielles a répondu à notre questionnaire, ce qui laisse la possibilité de biais de sélection significatifs. Les femmes souffrant de dysménorrhée ont peut-être vu un intérêt particulier à remplir le questionnaire ; notre proportion de dysménorrhée est en effet légèrement supérieure à l’étude de population SMASH,4 92% contre 87%.
Le questionnaire ne permet pas de retracer le détail du parcours thérapeutique des participantes. Une étude sur les dernières menstruations uniquement montrerait notamment quels traitements sont utilisés de manière concomitante.
Enfin, l’étude des effets ressentis des traitements a été réalisée de manière sommaire («a eu l’effet désiré» ou pas).
Parmi la vaste gamme des traitements non standards, la bouillotte ne semble pas être une spécificité locale : toutes les participantes (N = 76) d’une étude new-yorkaise7 utilisaient au moins un traitement non médicamenteux et un objet chaud, comme la bouillotte dans 50% des cas (après le fait de rester au lit ou de prendre un bain chaud, aussi fréquemment mentionnés dans notre étude).
La bouillotte est peu mentionnée dans les recommandations officielles. A ce jour, au moins une étude randomisée prospective a montré que la chaleur locale était aussi efficace que l’ibuprofène et apportait un soulagement plus rapide.8
Concernant les traitements de médecines complémentaires, on manque souvent d’études publiées mais plusieurs traitements sont associés à des résultats encourageants.9 Il faut donc rester attentif aux futures études sur le sujet.
Plus de la moitié des participantes (52%) souhaiteraient plus de connaissances sur la dysménorrhée et ses traitements. Une information paraîtrait souhaitable étant donné la fréquence du problème, à l’occasion des consultations ou de façon systématique lors de la prescription de la contraception hormonale, ou encore via les structures scolaires.
A Saira Christine Renteria, Pierre-André Michaud, Mohamed Faouzi, Philippe Gardel, Christina Fiorini-Bernasconi, Olivier Duperrex, Christian Benoît et Charlotte Patterson (Bristol).
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
> Bien que fréquente, la dysménorrhée et son traitement sont rarement abordés en consultation
> Les traitements, pris en général sous la forme d’un «autotraitement», sont souvent couronnés de succès, même avec des méthodes «de grand-mère», comme la bouillotte (dont l’efficacité a d’ailleurs été retrouvée dans une étude randomisée)
> Les effets secondaires des médicaments peuvent nécessiter une discussion avec le médecin, de même que les cas où les gênes et douleurs liées aux règles ne sont pas suffisamment maîtrisées
Quels traitements sont utilisés en cas de dysménorrhée et avec quels résultats rapportés ? Un questionnaire a été envoyé à 2400 apprenties et étudiantes, suivant une approche rétrospective traitement-résultat (taux de réponses : 22%).Les traitements les plus fréquents sont : l’ibuprofène (53%), le paracétamol (51%), la contraception hormonale (40%), la bouillotte sur le ventre (35%), des compléments alimentaires ou la phytothérapie (23%).Pour soigner la dysménorrhée, c’est l’autotraitement qui est la règle, avec la famille comme base d’information dans 80% des cas ; le professionnel de la santé est peu consulté. De façon surprenante car peu cité dans les recommandations officielles, un «remède de grand-mère», la bouillotte, apparaît parmi les méthodes avec le meilleur effet rapporté (effet satisfaisant chez 92% des utilisatrices).