Le traitement de la lithiase urinaire en urgence et en électif représente une partie importante de la pratique quotidienne en urologie. En proposant la gamme complète du plateau technique disponible et en améliorant les compétences du personnel médical et paramédical, la prise en charge des patients peut être optimisée. Dans cet article, nous présentons les développements dans le traitement de la lithiase ainsi que notre expérience dans le domaine.
La prise en charge des calculs du système urinaire supérieur représente une part essentielle de l’activité d’un service d’urologie. Les changements des habitudes alimentaires, du mode de vie et la prévalence élevée de maladies associées à la formation de calculs urinaires (diabète, syndrome métabolique, obésité) ont engendré une augmentation significative de l’incidence de la maladie lithiasique. Par ailleurs, le recours facilité à l’imagerie abdominale dans notre société à forte médicalisation augmente la probabilité de découverte fortuite de calculs asymptomatiques. La prévalence dans les pays occidentaux est aujourd’hui estimée à environ 10%.1
La prise en charge thérapeutique de la maladie lithiasique, en urologie, a subi de profondes évolutions durant les dernières années. Dans le passé, le recours à une chirurgie invasive était indispensable. La lithotomie ouverte était parfois l’unique solution. La lithotritie extracorporelle par ondes de choc a révolutionné la prise en charge des calculs du rein et de l’uretère depuis son introduction il y a 30 ans.2 Une approche multimodale de la maladie lithiasique intégrant l’ensemble des techniques endoscopiques, par voie percutanée et par l’urétéroscopie rigide, s’est ensuite peu à peu imposée. Plus récemment, l’urétérorénoscopie flexible a complété l’arsenal thérapeutique et permis de réduire davantage le caractère invasif du traitement des calculs.3 Elle a aussi permis d’élargir les indications cliniques à des patients qui, par le passé, présentaient des contre-indications absolues ou relatives au traitement.
Dans la première partie de cet article, nous aborderons les différentes techniques opératoires ; dans la seconde, nous présenterons un résumé de notre expérience récente au sein du Service d’urologie du CHUV.
L’objectif d’une intervention en urgence doit être distingué d’un traitement à visée définitive, soit l’extraction ou litholapaxie du calcul. En situation d’urgence (tableau 1), le but est de drainer rapidement le haut appareil urinaire soit par voie rétrograde au moyen d’une sonde urétérale, soit par voie percutanée au moyen d’une néphrostomie par ponction écho-guidée.
L’indication et le choix du traitement à visée définitive sont adaptés à la morphologie de la voie urinaire, la forme, le volume et la localisation de la pierre ainsi qu’aux souhaits du patient. L’objectif reste la fragmentation du calcul et l’évacuation aussi complète que possible. Le traitement d’un calcul non obstructif, asymptomatique, sans répercussion sur la fonction rénale, est une indication relative.
Dans le choix au recours à une technique spécifique, trois facteurs sont considérés : la charge lithiasique (nombre et taille des calculs), la localisation et la densité du calcul (tableau 2). Selon le tableau clinique, la lithotripsie extracorporelle (ESWL), la néphrolitholapaxie percutanée (NLPC), l’urétéroscopie rigide et l’urétérorénoscopie flexible sont utilisées. Dans les cas complexes, une approche multimodale associant plusieurs techniques opératoires simultanées et/ou consécutives est possible afin d’optimiser la prise en charge.
Le procédé appelé lithotripsie extracorporelle (ESWL) se base sur la destruction focalisée du calcul par l’action d’ondes de choc générées à distance par un lithotriteur placé au contact du patient. Depuis l’introduction du premier lithotriteur de Dornier, en 1983, l’ESWL est considérée comme le traitement de choix dans les situations suivantes : calculs mesurant entre 5 et 20 mm et localisés dans les cavités rénales, l’uretère proximal ou distal, les calculs de l’uretère moyen étant d’accès difficile en raison des surprojections osseuses.4
La technique opératoire inclut deux étapes : 1) le repérage par échographie et fluoroscopie et 2) la fragmentation du calcul par des ondes de choc réglées en fonction des caractéristiques du ou des calculs. Les lithotriteurs de dernière génération intègrent un système de ciblage sélectif qui couple le déclenchement des tirs au foyer de focalisation uniquement en présence du calcul à l’aide d’une sonde de repérage échographique placée à la tête de tirs.
Le taux de succès de l’ESWL varie entre 30 et 76% en fonction du lithotriteur, de la densité du calcul, de sa localisation, de la charge lithiasique et de l’expérience de l’opérateur. Les effets secondaires les plus fréquents sont l’hématurie et les douleurs consécutives à la migration des fragments. L’hématome rénal ou sous-capsulaire survient très rarement, mais peut montrer des images impressionnantes. Généralement, il se résout spontanément. La répétition des séances d’ESWL est considérée comme la cause de l’installation d’une hypertension artérielle ou d’un diabète à long terme.5
Les contre-indications sont les troubles de la coagulation, l’anti-agrégation plaquettaire, la grossesse, l’infection urinaire, des malformations orthopédiques ou rénales, les tumeurs rénales et l’obésité morbide qui empêche la focalisation.
Malgré un rapport bénéfice/risque favorable, le rôle de l’ESWL est mis en discussion dans certaines indications au profit des traitements endoscopiques, minimalement invasifs. Ces derniers sont en plein essor. Par la visualisation en direct du processus de fragmentation et d’élimination des calculs, ces instruments offrent la possibilité de déterminer avec précision la charge lithiasique résiduelle à la fin de l’intervention, un avantage indéniable sur l’ESWL en présence de traitements itératifs.
La néphrolitholapaxie percutanée (NLPC) est la technique de choix pour les calculs de grande taille (> 20 mm) situés dans le système pyélo-caliciel.6 D’un point de vue technique, la mise en place d’une sonde urétérale par voie rétrograde permet de dilater le système pyélo-caliciel, ce qui facilite l’accès percutané du rein sous contrôle échographique et/ou fluoroscopique. Le site de ponction est choisi non seulement en fonction de la localisation et du volume du calcul, mais aussi de la situation anatomique. Différents générateurs d’ondes de fragmentation sont utilisés : les générateurs à ultrasons, le lithotripteur pneumatique (lithoclast) ou le laser Holmium-YAG. Le choix du système dépend de la charge lithiasique et du diamètre du néphroscope.
La NLPC classique nécessite une dilatation du trajet percutané jusqu’à Charrière 30 (= 1 cm). La fragmentation et l’extraction des calculs de gros volume en sont grandement facilitées (figure 1).
Plus récemment, des instruments de plus petit diamètre sont apparus sur le marché et trouvent leur place dans la pratique quotidienne. Ceux-ci réduisent le risque de saignement et de transfusion sanguine.7 La réduction du calibre des instruments peut rendre la fragmentation et l’extraction des calculs plus laborieuses. Comme pour l’ESWL, nous retrouvons des contre-indications telles que les troubles de la crase et l’obésité. L’expérience de l’opérateur compte pour beaucoup en présence d’anomalies de l’anatomie rénale.
Malgré les progrès technologiques, le taux de complications est sensiblement plus élevé que pour les autres techniques. Des complications hémorragiques ne sont pas rares (7% de transfusion) et 10% des patients présentent un état fébrile en postopératoire.8 En cas de complication hémorragique grave, la disponibilité des radiologues interventionnels doit être garantie.
L’urétéroscopie rigide est une technique opératoire bien établie. L’utilisation de fibres optiques dans des instruments semi-rigides et la miniaturisation des outils de fragmentation ont grandement contribué au succès de la technique. Celle-ci consiste à opérer par voie rétrograde dans l’uretère sous contrôle visuel et fluoroscopique. La fragmentation du calcul se réalise sous vision directe comme pour la NLPC. L’extraction des fragments peut se faire en utilisant des sondes à panier ou des pinces endoscopiques. En fin d’intervention, l’urétéroscope est retiré et une sonde urétérale est laissée en place temporairement afin de drainer correctement les urines et éviter des coliques néphrétiques. Traitement alternatif à l’ESWL, l’urétéroscopie rigide est indiquée pour tout calcul de l’uretère. Le taux de complications est bas 9 avec des lésions de la muqueuse urétérale (1,5%), de l’uretère (1,7%) et des coliques néphrétiques (2,2%) parmi les plus fréquentes.
Avec l’urétérorénoscopie flexible, l’accès aux calculs de la voie urinaire supérieure est quasi illimité et l’horizon des traitements s’est élargi.3 L’angulation de l’endoscope varie entre 270° et 360°, permettant l’inspection de toutes les cavités rénales. De plus, l’urétérorénoscopie flexible permet d’intervenir sur un groupe de patients qui, dans le passé, ne pouvaient pas bénéficier d’un traitement des calculs urinaires (tableau 3).10
L’urétérorénoscopie flexible est réalisée sous contrôle fluoroscopique. Une gaine d’accès est placée dans l’uretère par voie rétrograde (figure 2), ce qui permet par la suite l’accès direct au rein sans risque de lésion urétérale, tout en évitant une surpression rénale avec des risques infectieux et d’extravasation. Grâce à la fibre laser qui est introduite dans le canal de travail, le calcul peut être fragmenté sous vision directe (figure 3). Les fragments sont ensuite retirés à travers la gaine d’accès tout en évitant des lésions de la voie urinaire supérieure.
Les indications sont relativement larges : du simple calcul de 6 mm dans un calice inférieur, inaccessible aux autres traitements, jusqu’à l’incision du parenchyme pour évacuer un calcul de plusieurs centimètres dans un diverticule rénal. L’urétérorénoscopie flexible peut être utilisée également pour le traitement des calculs coralliformes, bien que plusieurs séances soient souvent requises afin de fragmenter et d’évacuer tout le calcul (figure 2).
Le taux de réussite dépend de l’expérience de l’opérateur ainsi que de la configuration et surtout la composition du calcul.11 Des calculs de 1 cm peuvent être évacués dans 80% des cas en une séance, les calculs entre 1 et 2 cm dans 72%.12 Rares sont les complications, dont la plus fréquente est l’apparition d’état fébrile.13
L’analyse des activités dans notre service se focalise sur la période allant de mai 2013 à octobre 2014, suite à l’adoption de l’urétérorénoscopie flexible. Nous avons réalisé 223 interventions endoscopiques à but thérapeutique, dont 9 NLPC, 64 urétéroscopies rigides et 150 urétérorénoscopies flexibles (tableau 4). Dans cette analyse, nous nous sommes limités à l’analyse des taux de succès ainsi que des complications de l’urétérorénoscopie flexible (tableaux 4 et 5). Le taux sans fragment en une séance d’urétérorénoscopie flexible s’approche des chiffres de la littérature avec des calculs de moins de 1 cm, évacués dans 74% des cas. Lors des 150 urétérorénoscopies flexibles, qui incluent les premières réalisées dans le cadre de la courbe d’apprentissage, peu de complications significatives sont survenues. On retrouve, en peropératoire, des lésions iatrogènes des voies urinaires et des saignements, en postopératoire des saignements et des états fébriles (tableau 5) comme complications les plus fréquentes. En aucun cas, une intervention chirurgicale ouverte n’a été nécessaire.
La lithiase urinaire représente une grande partie de l’activité endoscopique au CHUV. Le plateau technique pour une prise en charge optimale des patients atteints d’un calcul de la voie urinaire supérieure semble être complet avec le développement des différentes technologies et l’intégration de l’urétérorénoscopie flexible. Dans notre expérience, nous avons constaté des taux de succès comparables à ceux des centres de référence tout en gardant une faible morbidité. Nous espérons que la formation du personnel soignant ainsi que l’expertise médicale vont améliorer davantage nos résultats futurs.
> La prise en charge de la maladie lithiasique est multimodale et à adapter au patient
> La lithotripsie extracorporelle (ESWL) reste la méthode de choix pour les calculs de petite taille. Elle est sûre et présente des taux sans fragment très satisfaisants
> La place de la chirurgie percutanée du rein concerne les calculs rénaux de plus de 2 cm
> L’urétérorénoscopie flexible est une technique révolutionnaire puisqu’elle permet le traitement par voie rétrograde des calculs rénaux, avec peu de contre-indications
Emergency and differed urinary stone treatment are basic challenges in daily urological practice. By proposing the complete range of treatment and by improving medical and paramedical skills, management of stone patients can be optimized. In this article, we present the latest developments in stone treatment as well as our experiences with new technologies.