Le nombre de consultations aux urgences de pédiatrie est en constante augmentation. Dans les pays anglo-saxons, la consultation type Emergency Nurse Practitioner existe avec succès depuis de nombreuses années. Depuis janvier 2013, une consultation infirmière indépendante, sous responsabilité médicale déléguée, a été mise en place aux urgences de pédiatrie de l’Hôpital de l’enfance à Lausanne. Le temps moyen de consultation est le même que celui d’une consultation médicale et le temps d’attente global n’a pas encore changé. Par contre, le cadre bien défini, la systématique utilisée, de même que le recours à une supervision médicale possible en tout temps en font une consultation sûre, efficace et appréciée des patients comme des professionnels.
La consultation effectuée par un soignant infirmier est une réalité bien connue de nombreux pays du sud, mais également du nord (Canada, Grande-Bretagne…). Le point de départ est en général un manque de ressources soit humaines en médecins (sud), soit financières (certains pays du nord), mais rarement une volonté «délibérée». Des manuels de consultation ont été publiés par l’OMS1,2 (PECIME). Une consultation infimière bien connue est la consultation téléphonique ; elle est pratiquée depuis des dizaines d’années en Suisse romande, sans aucun médecin en «backup» en centrale.
En 2011, 35 880 patients ont consulté aux urgences de l’Hôpital de l’enfance (HEL). Le nombre d’urgences classées 4 et 5 selon l’Australasian Triage Score (ATS) (urgences dites «légères» sans risque vital immédiat) augmente régulièrement, allongeant le temps d’attente, entraînant un engorgement et un mécontentement des familles et des soignants. Dès 2009, le projet d’une consultation infirmière a été envisagé, avec le soutien de la direction du CHUV. L’objectif était de former des infirmières expérimentées en médecine d’urgence pédiatrique à prendre en charge, seules mais sous délégation médicale, des cas simples et courants.
Nous avons recherché des références de consultation infirmière dans un contexte comparable au nôtre.3 La littérature anglo-saxonne atteste de la validité d’une telle consultation4–6 ainsi que de l’adhésion et de la satisfaction des patients et de leurs familles.7,8
Le cadre légal permettant la création d’une telle consultation, jusqu’alors inexistante en Suisse, est défini par l’article 124 de la Loi sur la santé publique, notamment les alinéas 1c et 2 qui statuent : «L’infirmière est une personne formée pour donner professionnellement les soins ci-après : … c. participation aux mesures préventives, diagnostiques et thérapeutiques», «L’infirmière donne ces soins de façon autonome à l’exception de la lettre c où elle agit sur délégation du médecin».
La responsabilité médicale a porté sur :
De janvier à juillet 2013, quatre infirmières ont été formées par les médecins cadres et par un ORL pédiatrique. Les formations étaient basées sur un canevas de consultation incluant :
Une fois la formation terminée, toutes les consultations étaient effectuées en présence d’un médecin référent jusqu’à validation du bilan de compétence permettant alors à l’infirmière de consulter seule. L’autonomie infirmière a été acquise en moyenne après quatre à cinq mois de formation, à raison de deux jours par semaine.
Les enfants ayant les critères pour une consultation infirmière sont signalés directement depuis le tri, par discussion directe entre infirmière de tri et infirmière de consultation ou par repérage parmi les patients du tableau de bord informatique des urgences. Initialement, pour être vus par la consultation infirmière, les enfants devaient avoir été triés ATS 5 et avoir quatre ans révolus. Par la suite, les critères ont été élargis.
De janvier 2013 à juin 2014, 1260 patients ont été vus à la consultation infirmière. Les pathologies ORL (pharyngite à Strepto A, pharyngite virale, otite moyenne aiguë, otite externe, épistaxis) représentent 67,8% des motifs de consultation, suivies par les infections des voies respiratoires supérieures (16%), les autres pathologies infectieuses (cutanée, ophtalmologique, viroses infantiles, etc.) et les affections chirurgicales simples.
En tout temps, si l’infirmière le juge nécessaire, si l’enfant ne remplit plus les critères d’inclusion ou s’il présente un critère d’exclusion, elle peut faire appel à une supervision médicale. Celle-ci a lieu rapidement et dans le box même de la consultation infirmière. En 2014, 35% des consultations ont nécessité une supervision par un médecin et seuls 5,4% des patients ont du être réorientés vers une consultation médicale complète.
L’adhésion des parents et des enfants à cette consultation infirmière a été immédiate, certains la demandant spécifiquement lors d’une deuxième consultation quelques mois plus tard. L’intégration de cette consultation au sein de l’équipe médico-infirmière des urgences s’est faite sans encombre, créant même de nouvelles synergies entre professionnels de la santé. Les pédiatres installés ont également fait part de leur satisfaction. Cette consultation a également démontré la capacité du corps infirmier à s’adapter à un nouveau rôle et à développer de nouvelles responsabilités professionnelles.
Dans un premier temps, il s’agira d’étendre les critères de consultation, tant sur le plan médical que chirurgical et traumatologique. En parallèle, nous nous attacherons à identifier une zone architecturale dédiée à la consultation infirmière au sein des urgences. Une enquête de satisfaction intégrée dans le Programme Qualité sera menée auprès des patients, des parents mais aussi auprès des professionnels. Enfin, il s’agira de développer cette pratique dans d’autres hôpitaux, par le biais du réseau cantonal tout d’abord.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
Nos sincères remerciements vont aux infirmières de la consultation, Mesdames Crisinel, Ho, Jourquin et Zufferey.
Consultations in the Paediatric Emergency Department (PED) continue to climb regularly. Emergency Nurse Practitioner consultations have long been created in the English speaking countries. Since January 2013, an independent nurse consultation, under delegated medical responsibility, exists in the multidisciplinary PED of the Children’s Hospital of Lausanne. The mean consultation time is the same as the medical consultation and the overall waiting time hasn’t decreased yet. But a well definite working frame, a systematic approach, as well as the continual medical supervision possibility, make it a safe, efficient and appreciated consultation, by both patients and professionals.