La perfusion de maintenance a pour objectif de remplacer les pertes urinaires, digestives et insensibles, chez les enfants hospitalisés pour lesquels les apports hydriques par voie entérale sont contre-indiqués ou impossibles.
La composition «classique» des solutés de maintenance (tableau 1) est déterminée par l’article de Holliday et Segar de 1957.1 Ceux-ci avaient défini les besoins hydriques (100 ml/ 100 kcal/24 h) et sodiques (3 meq/100 kcal/24 h) des enfants à partir des besoins énergétiques d’enfants sains, de la composition du lait maternel et du lait de vache. Ils préconisaient l’administration de solutés hypotoniques (NaCl 0,2%) comme liquide de maintenance ; des solutés dont l’usage routinier a cours depuis maintenant plus de 50 ans.
Plusieurs années de littérature ont cependant démontré que ces solutés hypotoniques pouvaient être inappropriés pour les enfants hospitalisés avec une pathologie médicale ou chirurgicale.
Dans une étude prospective datant de 1992, Arieff A.2 rapportait les cas d’une première série de seize patients pédiatriques, hospitalisés pour une pathologie médicale courante ou opérés, ayant, lors de leur hospitalisation, souffert d’une hyponatrémie avec séquelles neurologiques graves, ou étant décédés. L’auteur établissait un lien entre l’hyponatrémie acquise, la sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique et les solutés hypotoniques.
D’autres séries de patients ont été rapportées. En 2003, Moritz,3 dans un article récapitulatif, donnait l’alerte sur les dangers potentiels des solutés hypotoniques, notamment chez les patients postchirurgicaux. Les auteurs recommandaient l’utilisation de solutés isotoniques comme soluté de maintenance afin de prévenir les hyponatrémies, surtout chez les patients à risque de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique.
En 2004, Hoorn,4 dans une étude observationnelle cas-contrôle de 40 patients ayant développé une hyponatrémie à l’hôpital, retrouvait comme principal facteur l’administration de solutés hypotoniques, avec décès d’un patient et séquelles neurologiques majeures chez deux autres patients.
En 2006, Neville,5 dans une première étude prospective randomisée chez des enfants hospitalisés pour une chirurgie courante, comparait l’administration de solutés isotonique (NaCl 0,9%) et hypotonique (NaCl 0,45%). Dans le groupe ayant reçu un soluté hypotonique, 16/62 enfants ont présenté une hyponatrémie versus 0/62 dans le groupe isotonique.
Cette première étude randomisée a été confirmée par d’autres essais, notamment par l’étude de Choong,6 en 2011. Dans son étude chez des patients chirurgicaux, celui-ci retrouvait 8/128 cas d’hyponatrémies sévères et 29/128 d’hyponatrémies acquises dans le groupe soluté hypotonique (NaCl 0,45%) versus 1/130 cas d’hyponatrémies sévères et 29/130 d’hyponatrémies dans le groupe isotonique (NaCl 0,9%). Il n’y avait pas de différence entre les groupes pour l’incidence de l’hypernatrémie.
En 2014,7 une revue systématique de la littérature incluait dix essais randomisés (600 enfants) contrôlés, comparant les solutés hypotoniques versus les solutés isotoniques chez les enfants hospitalisés (3 mois-18 ans) pour des problèmes chirurgicaux ou médicaux. Cette méta-analyse mettait en évidence un risque significatif (risque relatif : 2,24 ; IC 95% : 1,5-3,1) de développer une hyponatrémie et une hyponatrémie sévère (RR : 5,29 ; IC 95% : 1,7-16) dans les heures qui suivaient (8-72 heures) l’administration de solutés hypotoniques. Il n’y avait pas d’augmentation significative du risque d’hypernatrémie dans le groupe isotonique (RR : 0,73 ; IC 95% : 0,2 2,5).
Cette méta-analyse confirme que les enfants hospitalisés pour des pathologies médicales courantes ou pour des interventions chirurgicales sont à risque de développer des hyponatrémies lorsqu’ils reçoivent des solutés hypotoniques comme perfusion de maintenance. Les hyponatrémies, surtout lorsqu’elles sont sévères, peuvent entraîner des séquelles neurologiques graves, voire le décès. La prévention réside dans l’administration de solutés isotoniques qui ont démontré leur innocuité.
A la lumière de ces résultats, il existe actuellement suffisamment d’évidences pour recommander l’administration de solutés isotoniques comme soluté de maintenance durant les premières 72 heures d’hospitalisation des enfants présentant un problème chirurgical ou médical (tableau 2).