La nouveauté la plus significative de l’année 2014 en urologie a été la mise sur le marché d’un nouveau principe actif, un agoniste du récepteur adrénergique bêta-3, qui semble être très efficace pour les patients atteints d’une vessie hyperactive. Cette année a été aussi caractérisée par un intense débat scientifique sur le rôle de la chirurgie assistée par robot pour le traitement des cancers urologiques les plus fréquents. Dans cet article, nous discutons aussi d’autres nouveautés dans le diagnostic et le traitement de maladies fréquentes avec un intérêt pour les médecins de premier recours : le dépistage du cancer de la vessie, le rôle de l’IRM multiparamétrique dans le cancer de la prostate et les nouvelles technologies pour le traitement minimalement invasif de l’hyperplasie bénigne de la prostate.
Le mécanisme physiopathologique à la base des symptômes d’hyperactivité vésicale implique la voie cholinergique ainsi que la voie sympathique. Le traitement médicamenteux s’est toutefois historiquement basé uniquement sur des antagonistes de la voie cholinergique avec un taux d’efficacité satisfaisant comparé à un placebo. Cependant, une enquête récente a montré qu’environ un patient sur deux souffrant d’hyperactivité vésicale se plaignait d’une efficacité insuffisante des anticholinergiques.1 En considérant la haute prévalence de l’hyperactivité vésicale dans la population générale adulte (environ 16%), la possibilité d’agir sur la voie sympathique pourrait améliorer l’efficacité du traitement médicamenteux.2
Tandis que le traitement par anticholinergique entraîne en première ligne une inhibition des contractions du muscle détrusor, les agonistes du récepteur adrénergique bêta-3, dont le mirabégron (Betmiga) est le premier, provoquent un relâchement du détrusor (figure 1). En effet, les récepteurs bêta-3 de la vessie contrôlent son état de tension, et le mirabégron, en tant qu’agoniste de ces récepteurs, a un effet relaxant sur la vessie.3
Une méta-analyse, cumulant les résultats de trois études randomisées contre placebo, a montré que le traitement par agoniste adrénergique apporte : 1) une réduction de la fréquence des contractions non inhibées de la vessie et de la fréquence mictionnelle globale ; 2) une amélioration de la capacité de stockage de la vessie ; 3) un volume mictionnel augmenté et 4) une diminution des épisodes d’incontinence.4
Le traitement de mirabégron semble entraîner moins d’effets secondaires que les médicaments utilisés actuellement, en premier lieu la sécheresse buccale. De plus, les effets fonctionnels ne s’accompagnent ni d’une augmentation du volume résiduel ni d’une modification de la pression intravésicale. Ce nouveau principe actif est très prometteur et constitue une bonne alternative aux anticholinergiques.
Finalement, une étude récente a montré qu’un traitement combinant anticholinergique et mirabégron est plus efficace que la monothérapie en termes de réduction de la fréquence mictionnelle et des épisodes d’incontinence urinaire. Cela renforce l’idée que les médicaments ont un effet complémentaire et leur combinaison peut être importante pour les patients avec des symptômes réfractaires à une monothérapie.5
Ce que cela apporte de nouveau
Traitement efficace avec peu d’effets indésirables.
Ce que l’on ne sait toujours pas
Efficacité et profil de toxicité en comparaison aux traitements standards (anticholinergiques).
Effet synergique avec les anticholinergiques.
Le dépistage précoce des tumeurs agressives est potentiellement une solution efficace pour diminuer la mortalité liée à la maladie tout en diminuant les coûts de la santé. Cependant, le dépistage n’est efficace que si la tumeur concernée comporte certaines caractéristiques épidémiologiques.6 Une incidence élevée dans la population dépistée, un modèle de progression tumorale linéaire de stades moins agressifs à ceux plus agressifs ainsi qu’un effet positif du traitement sur la survie en tenant compte de la morbidité globale de la prise en charge, représentent les paramètres à considérer dans un programme de dépistage de la population.
Le diagnostic du cancer de la vessie se fait dans la majorité des cas lorsque le patient présente déjà des symptômes de la maladie ; dans 25-30% des cas, la maladie est déjà avancée au niveau local ou à distance.7 La prise en charge d’une maladie avancée nécessite souvent un traitement chirurgical ou médical agressif avec toutefois un pronostic nettement plus sombre que pour des tumeurs superficielles, qui, dans la plupart des cas, ne requièrent qu’un traitement endoscopique.8 La détection précoce des tumeurs vésicales permettrait de détecter plus de cancers au stade superficiel et d’éviter la progression de la maladie à des stades plus avancés. Le dépistage ne serait par contre pas offert à tous les patients puisque l’incidence de la maladie est faible dans la population générale, mais seulement aux patients présentant un risque accru. Une étude a montré que des patients tabagiques à plus de 30 UPA (unité-paquet-année) auraient une incidence de la maladie suffisante pour justifier un dépistage.9 En attendant de démontrer ces résultats dans des études contrôlées, il est fortement conseillé de rechercher chez cette catégorie de patients les symptômes fréquents qui évoquent un cancer de la vessie (hématurie et syndrome irritatif de la vessie).
Ce que l’on savait déjà
L’incidence faible dans la population contre-indique un dépistage indiscriminé.
Ce que cela apporte de nouveau
Les patients à haut risque (> 30 UPA) ont une incidence de la maladie idéale pour un dépistage précoce.
Ce que l’on ne sait toujours pas
Effet du dépistage sur la morbidité et la mortalité de la maladie.
La morbidité périopératoire liée à la cystectomie est élevée.10 L’approche minimalement invasive représente une alternative intéressante à la voie ouverte. Une revue systématique de la littérature, incluant un essai randomisé contrôlé, a démontré une réduction significative du taux de complications en faveur du robot, avec des résultats oncologiques comparables.11 Cependant, l’équipe du Memorial Sloan Kettering de New York a récemment publié son expérience, sous forme d’un essai randomisé contrôlé incluant 118 patients, qui ne montre pas de différence significative en termes de complications entre les deux groupes.12 D’autres études prospectives à plus large volume sont nécessaires afin de déterminer l’avenir de la cystectomie robot-assistée.
Ce que l’on savait déjà
Faisable dans des centres d’excellence.
Ce que cela apporte de nouveau
Résultats contradictoires quant à l’impact sur la morbidité.
Ce que l’on ne sait toujours pas
Avantages comparés à la chirurgie ouverte.
L’implémentation de la résonance magnétique multiparamétrique (IRM-mp) dans le cancer de la prostate a permis d’améliorer significativement la prise en charge des patients grâce à une meilleure stratification du risque. L’utilisation de l’IRM-mp permet de détecter les foyers néoplasiques significatifs, de les localiser dans l’espace et d’apprécier l’extension locale, y compris l’atteinte ganglionnaire pelvienne. Dans les centres d’expertise, et lorsque l’IRM-mp est réalisée avant les biopsies qui peuvent entraîner des artefacts, l’IRM-mp possède une sensibilité de 86% et une spécificité de 94% pour le diagnostic des cancers significatifs (supérieurs à 0,5 ml en volume), y compris ceux de localisation antérieure qui sont plus difficiles à détecter par les biopsies standards.13,14 Il semble que l’IRM-mp seule permette une meilleure stratification du risque que le nomogramme clinique actuel (PSA, âge, toucher rectal et biopsies).15
La détection des foyers significatifs est fondamentale pour la prise en charge de la maladie. Selon la localisation des foyers, l’urologue peut augmenter la densité des biopsies dans les zones suspectes ou utiliser des techniques de fusion d’images échographie-IRM-mp permettant de diriger précisément les biopsies vers ces zones. Une récente revue systématique de la littérature a montré qu’un nombre limité de biopsies dirigées vers des zones suspectes permet une meilleure ou égale stratification du risque comparée aux protocoles de biopsies standards tout en diminuant le nombre de prélèvements.16 De plus, une approche diagnostique ciblée versus une approche aléatoire est cruciale dans le cadre des stratégies de préservation d’organes, comme la surveillance active ou la thérapie focale.17 Finalement, le chirurgien peut aussi planifier l’intervention chirurgicale en fonction de la localisation de la maladie afin de minimiser le taux de marges positives et possiblement préserver, si elles sont saines, les structures clés pour les résultats fonctionnels (bandelettes neurovasculaires, col de la vessie et sphincter externe).
Ce que l’on savait déjà
Meilleure technique d’imagerie pour la détection des tumeurs significatives de la prostate.
Ce que cela apporte de nouveau
Meilleure stratification du risque comparé aux nomogrammes cliniques.
Rôle important dans la décision thérapeutique et le suivi clinique.
Ce que l’on ne sait toujours pas
Technique d’acquisition d’images non standardisée.
Reproductibilité des résultats des centres d’excellence sur vaste échelle.
Plusieurs techniques sont actuellement employées pour la prise en charge interventionnelle de l’hyperplasie bénigne de la prostate (tableau 1). Une technique intéressante qui est actuellement en phase d’évaluation clinique initiale est un appareil implantable temporaire à base de Nitinol (TIND). Cette technique est présumée être plutôt bénéfique pour des patients atteints de symptômes d’hyperplasie de la prostate avec un volume prostatique de moins de 75 ml. Cet appareil est placé dans l’urètre prostatique et le col de la vessie avec une intervention courte qui ne nécessite pas forcement d’anesthésie générale ; l’appareil est ensuite retiré après cinq à sept jours. L’objectif est de reproduire les effets urodynamiques provoqués par une incision cervico-prostatique tout en évitant une anesthésie générale. Une étude de phase 1 a montré que l’intervention est sûre et efficace.18 Le recrutement dans une étude de phase 2 est actuellement en cours et certains centres suisses y participent.
Ce que cela apporte de nouveau
Intervention faisable sans anesthésie générale avec peu d’effets indésirables dans le court terme.
Ce que l’on ne sait toujours pas
Efficacité sur le long terme.
Reproductibilité des résultats.
Il n’existe aucun essai randomisé contrôlé comparant la PR par voie ouverte à la PR par voie robotique. Alors que le robot diminue les complications périopératoires,19,20 les résultats concernant les avantages oncologiques et fonctionnels sont plus discutables.
Il semble que le robot, grâce à une meilleure vision et une dextérité augmentée, permette de réduire le risque de marge de résection positive pour les tumeurs localisées.21,22 Cependant, les conséquences bénéfiques d’une réduction des marges positives dans cette population (diminution de traitements adjuvants, augmentation de la survie) restent à démontrer. Il n’y a pas de nouvelle évidence concernant le taux d’incontinence ou d’impuissance après PR en 2014. En raison d’un manque de standardisation de la définition de continence et de fonction sexuelle, il est difficile de comparer les études entre elles. Toutefois, la plupart des revues systématiques laissent supposer un avantage en faveur du robot19,21,23 en ce qui concerne la continence à trois et douze mois. Pour l’impuissance, il n’est pas possible de déterminer une tendance, en raison de la faiblesse de l’évidence et des facteurs multiples déterminant cette dernière (âge du patient, stade et grade du cancer, fonction sexuelle préopératoire, type d’épargne nerveuse, etc.).24
Ce que l’on savait déjà
Diminution des complications périopératoires en comparaison à la chirurgie ouverte.
Ce que cela apporte de nouveau
Diminution des marges positives pour les tumeurs localisées.
Ce que l’on ne sait toujours pas
Impact du robot sur la continence.
Impact sur la survie.
Rapport coût/efficacité.
Au cours des dernières années, les indications de la néphrectomie partielle ont été élargies. La plupart des sociétés urologiques recommandent maintenant d’effectuer cette chirurgie d’épargne de l’organe dès que possible.25 Depuis la démonstration de la faisabilité et de l’efficacité du clampage hypersélectif de l’artère nourricière de la tumeur en conservant la vascularisation du reste du parenchyme rénal par Gill et coll.,26 plusieurs études récentes ont reproduit ces résultats encourageants. Grâce à l’injection intraveineuse de vert indocyanine, et à l’aide de l’imagerie par fluorescence proche de l’infrarouge, il est possible d’apprécier ce clampage hypersélectif de la vascularisation tumorale et ainsi de préserver un maximum de parenchyme sain (figure 2). Cette technique est très prometteuse et les résultats à long terme sont attendus.
Ce que l’on savait déjà
Diminution des complications périopératoires.
Ce que cela apporte de nouveau
Possibilité de clampage sélectif des vaisseaux tumoraux.
Ce que l’on ne sait toujours pas
Impact à long terme sur la fonction rénale et la survie globale.
Rapport coût/ efficacité.
> Le traitement médicamenteux de la vessie hyperactive avec le mirabégron (bêta-3-agoniste) offre une alternative efficace aux anticholinergiques avec peu d’effets indésirables en comparaison
> Le dépistage précoce du cancer de la vessie est potentiellement une stratégie efficace pour augmenter la survie spécifique liée à la maladie chez les patients à risque (fumeur > 30 UPA)
> La chirurgie robotique en cancérologie urologique confirme apporter les avantages de la chirurgie minimalement invasive. Les résultats à long terme ainsi que le rapport coût/ efficacité sont encore à déterminer
> L’IRM multiparamétrique de la prostate améliore la stratification du risque avec un impact sur la décision thérapeutique