La Suisse, comme les pays qui l’entourent, va connaître une pénurie de médecins, surtout de premier recours.1,2
Les causes de cette évolution sont multiples, mais les plus importantes sont liées à des phénomènes de société : on peut donc parler de «tendances lourdes». Citons, par exemple, le développement considérable des spécialités médicales observé ces 20 à 30 dernières années : des nouvelles disciplines ont attiré des pourcentages toujours plus élevés de jeunes médecins en formation. Plus récemment, la féminisation de la profession est devenue une partie du problème, compte tenu du souhait de travail à temps partiel, d’un accès limité à des crèches dans certaines régions et, dans des zones retirées, d’une absence d’opportunité professionnelle pour le conjoint. Enfin, pour les hommes comme pour les femmes, on a beaucoup évoqué certaines caractéristiques des jeunes générations, dont les représentants souhaitent garder un équilibre entre vie professionnelle et vie privée meilleur que celui que connaissaient leurs prédécesseurs.
Depuis quelques années, le danger est identifié et de nombreux pays prennent maintenant des mesures pour tenter de limiter ce phénomène de pénurie. Outre les efforts organisés par les instances politiques et les facultés de médecine, tels que l’augmentation des volées d’étudiants et le soutien à la formation des généralistes, de nombreuses initiatives privées ont vu le jour. La tendance la plus importante est de remplacer le cabinet médical du médecin solitaire par des groupes de médecins travaillant sur le même site (cabinet de groupe) ou par des groupes de médecins faisant aussi place à d’autres partenaires du système de santé (maison de santé). Ces types de regroupement professionnel permettent le travail à temps partiel, le partage des tâches entre médecins ou avec d’autres professionnels de la santé tels que les infirmier(e)s, les physiothérapeutes ou encore les pharmaciens. Ils correspondent aux aspirations des nouvelles générations.
En 2012, le Département en charge de la santé du canton du Valais a pris des mesures pour affronter ce risque de pénurie, spécialement dans les vallées latérales du canton où le risque est potentiellement plus sérieux que dans la plaine du Rhône. Il a mandaté une commission en lui donnant la mission de proposer des mesures qui pourraient permettre de limiter les effets d’une pénurie. La commission a réuni tous les responsables des groupes professionnels de la santé en Valais, médecins, pharmaciens, infirmiers, physiothérapeutes, cadres des hôpitaux, services de soins à domicile (liste annexée) ainsi que des représentants des autorités politiques locales (communes et préfet de district). La variété, mais aussi la complétude des professions représentées, devait permettre une réflexion inédite dans le canton du Valais, visant à développer l’interdisciplinarité de ces professions, probablement indispensable dans le contexte de la pénurie prévue.
Dans un premier temps, sur mandat de cette commission, l’Observatoire valaisan de la santé (OVS) a fait l’état de la couverture médicale dans le canton. Les résultats de l’étude ne représentant pas l’activité effective, le nombre d’autorisations de pratiquer ne tenant pas compte des temps partiels. Afin d’avoir une idée plus claire, le Service de la santé publique a mené une enquête. Le risque élevé de pénurie a été confirmé notamment dans les vallées : dans les zones investiguées, on a remarqué par exemple, que plus de la moitié des médecins généralistes avaient plus de 55 ans.
Certains membres de la commission ont commencé la démarche visant à réunir les différents partenaires du système de santé valaisan dans le but de créer des synergies qui pourraient être utiles en cas de pénurie dans une région donnée. Ils ont créé dans chaque région sanitaire du canton du Valais des groupes de réflexions multidisciplinaires. Un autre groupe s’est intéressé aux relations entre l’hôpital et les praticiens.
Un troisième groupe s’est chargé de l’aspect cabinet de groupe/maison de santé. Ces membres ont visité un grand nombre de médecins installés dans le Haut-Valais, dans les vallées latérales du Valais central et dans le Chablais. Tout âge confondu, plus de la moitié des médecins interrogés se sont déclarés prêts à se rassembler dans des cabinets de groupe ou des maisons de santé, s’il s’en créait dans leur région. Ils étaient fortement motivés par la possibilité d’attirer ainsi des jeunes médecins et de leur léguer leur clientèle une fois l’âge de la retraite atteint.
Fort de ces résultats, la commission a décidé de rencontrer ensuite les autorités politiques locales des vallées et des régions investiguées, ce qui a été réalisé avec le soutien notamment de «Antenne Région Valais romand» et «Regions-und Wirtschaftszentrum Oberwallis». Le but était de les informer du risque de pénurie dans leur région, de les rendre attentifs aux causes et conséquences de la pénurie de médecins (risque de dépeuplement compte tenu notamment du vieillissement de la population, risque pour le tourisme dans certaines régions, prolongation du délai d’attente dans les urgences des hôpitaux) et d’échanger sur les pistes possibles, notamment le développement de cabinets de groupe ou de maisons de santé, afin de répondre au problème de la pénurie médicale. Leur avis et leur soutien étaient importants pour saisir si le développement d’un centre médical faisait sens dans leur vallée et si oui, à quel endroit. Cette demande a donc entraîné une réflexion en termes de région. L’expérience nous a montré également que tout soutien logistique et/ou financier de la part des communes participe à rendre leur région attractive aux yeux des jeunes médecins qui souhaiteraient dès lors s’y installer.
Finalement, l’approche conjointe des médecins concernés et des autorités politiques locales a permis de dresser un premier bilan positif de la démarche. En effet, treize projets de cabinet de groupe ou de maison de santé sont actuellement en cours, en plaine et dans les vallées du canton du Valais. Certains projets sont encore à un niveau plutôt conceptuel alors que d’autres sont très proches de la phase de construction (figure 1).
Certains centres faisaient déjà l’objet de discussion avant la mise sur pied de la commission. Cependant, nous pensons que la volonté du canton du Valais de prendre en main cette problématique de pénurie, importante pour le développement futur du canton, a permis d’informer l’ensemble des partenaires, de favoriser les contacts entre les médecins et les autorités politiques locales et de faire émerger ainsi d’autres projets concrets.
Pour plus d’informations, les jeunes internistes-généralistes intéressés par une installation future dans le canton peuvent s’adresser à Mme Nathalie Moret-Ducret, secrétariat de la commission, Avenue du Midi 7, 1950 Sion, nathalie.moret-ducret@admin.vs.ch.
C. Ambord, R.-M. Antille, E. Bonvin, P. Dellabianca, J.-P. Deslarzes, P. Germanier, I. Imesch, W. R. Kuonen, W. Lorétan, J. Meizoz, M. Moix, F. Moos, N. Moret-Ducret, A. Pécoud (président), J.-B. Von Roten et C. Zufferey.