Monsieur G. est âgé de 80 ans et vit seul à domicile. Habituellement en excellente santé, il consulte pour une toux apparue il y a une semaine, fébrile «depuis la veille». Il est également plus essoufflé que d’habitude. Vous diagnostiquez une pneumonie sans complication, mais nécessitant un traitement antibiotique. M. G. veut être traité à la maison. Il a compris qu’il souffre d’une maladie infectieuse pouvant mettre sa vie en danger, et que son état pourrait s’aggraver subitement. Il est d’accord de prendre un traitement, mais ne veut pas aller à l’hôpital. Il craint de décéder, comme d’autres autour de lui, ou de perdre sa capacité à se déplacer. Rester chez lui le rassure. Il vous assure que tout va bien se passer, qu’il ne risque rien en restant à la maison. Son fils unique, dit-il, aura le temps de s’occuper de lui s’il en a besoin. Il est capable de répéter son choix.
La capacité de discernement d’un patient joue un rôle central dans la manière d’aborder les décisions le concernant. Un patient capable de discernement devra consentir à toute intervention médicale. En revanche, si le patient est incapable de discernement, les décisions le concernant seront prises sur des bases différentes.1
L’évaluation de la capacité de discernement dans les cas les plus courants doit donc faire partie de l’outillage de tout praticien. La manière de procéder à cette évaluation en pratique n’est cependant pas toujours claire, ni simple. Cet atelier rappellera les éléments principaux de l’évaluation de la capacité de discernement, et abordera quelques techniques pour appliquer ces éléments dans la pratique clinique au quotidien.
Quatre éléments sont essentiels. Premièrement, la capacité de discernement doit s’évaluer pour un choix donné et à un moment donné. Deuxièmement, la capacité de discernement est présente ou absente. Dans la pratique, cela implique qu’il faudra se déterminer sur le niveau de capacité qui est suffisant pour estimer qu’elle est présente – ou absente. La détermination de ce qui est suffisant ou non devra dépendre de la gravité du choix considéré. Troisièmement, c’est une aptitude : à ce titre, elle doit être évaluée sur la base du processus de décision et non de son résultat. On peut être capable de discernement alors que l’on fait un «mauvais choix» aux yeux de l’évaluateur, ou incapable de discernement alors que l’on fait ce qu’il verrait comme un «bon choix». Finalement, la capacité de discernement est présumée chez les personnes majeures et chez une partie des personnes mineures. Il est très important de documenter le résultat de l’évaluation, quel qu’il soit.
Pour être capable de discernement, une personne doit être capable de comprendre les éléments pertinents de sa situation et du choix qui se présente à elle, d’en apprécier les implications dans sa situation concrète, de raisonner en termes d’alternatives, et d’exprimer un choix. Evaluer ces différentes composantes nécessite une réflexion préalable au cas par cas. La capacité de discernement, au sens du droit suisse, implique également la capacité à agir selon sa volonté, à faire un choix libre. Ce point doit également faire l’objet d’une évaluation spécifique.
Aucun de ces éléments ne se résume à la présence ou l’absence d’un diagnostic, notamment psychiatrique. L’évaluation de la capacité de discernement ne peut donc pas être réalisée sur la seule base d’une évaluation visant à déterminer la présence ou l’absence d’une pathologie.
La capacité de discernement peut s’évaluer au cours d’une discussion structurée qui abordera ses différents éléments point par point (tableau 1). Il existe également plusieurs outils pouvant servir de guide ou d’appui. Deux de ces outils, le questionnaire de Silberfeld2 et l’échelle MacCAT-T (échelle de MacArthur, traitement)3 seront présentés lors de cet atelier. Ces outils seront distribués et illustrés à l’aide d’exercices sur des cas pratiques. Ils serviront aussi à illustrer que la capacité de discernement n’est pas nécessairement un élément fixé du tableau clinique. Une approche systématique permet parfois d’aborder la capacité de discernement sous l’angle thérapeutique et ainsi de contribuer à rendre nos patients plus autonomes.
L’évaluation de la capacité de discernement est un outil essentiel de la pratique clinique. Son application demeure cependant souvent délicate. Etant donné qu’elle doit être suffisamment présente, ce seuil peut donner lieu à des hésitations et à des désaccords. Si certains outils d’évaluation proposent un seuil chiffré,2 il n’est pas évident que tous les manquements soient réellement équivalents. Les outils d’évaluation se focalisent par ailleurs sur l’aspect cognitif de la capacité de discernement, mais elle nécessite aussi la capacité d’agir selon sa volonté. La personne doit être en mesure de faire un choix suffisamment libre. La meilleure manière d’évaluer cet aspect demeure incertaine.4
‣ La capacité de discernement est fondamentale à l’exercice de l’autonomie. C’est une aptitude et non une mesure du résultat. On peut être stupide et autonome, d’accord avec son médecin et non autonome
‣ Elle est présumée chez les personnes majeures, et chez certaines personnes mineures
‣ Elle est présente – ou absente – par rapport à un choix donné à un moment donné
‣ Son évaluation repose essentiellement sur une conversation structurée portant sur la compréhension, l’appréciation, le raisonnement et l’expression d’un choix
‣ Il existe des outils permettant de mieux systématiser et documenter l’évaluation de la capacité de discernement. Tous ces outils doivent reposer sur une part de jugement subjectif. La compréhension suffisante, une raison valable, la cohérence logique du choix : il y a des seuils dans l’évaluation