Patiente de 30 ans, qui se présente pour une baisse de l’acuité visuelle gauche. Dans ses antécédents, on relève, il y a cinq ans, des troubles de la sensibilité de l’hémicorps droit, face non comprise, pendant quelques jours, spontanément régressifs et pour lesquels elle n’avait pas consulté.
Patiente de 30 ans, qui se présente pour une baisse de l’acuité visuelle gauche. Elle n’a aucun antécédent neurologique.
Pour la première patiente, le diagnostic de sclérose en plaques (SEP) peut être posé de manière purement clinique, grâce au fait que la patiente a présenté deux poussées séparées dans le temps et n’intéressant pas le même territoire neurologique. En effet, le premier épisode neurologique évoque une atteinte médullaire cervicale, tandis que le deuxième épisode est caractéristique d’une névrite optique rétrobulbaire.
La seconde patiente présente aussi une névrite optique rétrobulbaire, en revanche, elle n’a pas d’antécédent neurologique. Il s’agit donc d’un syndrome clinique isolé. Grâce aux progrès dans notre compréhension de cette maladie,1 il est maintenant possible, dans certains cas, de poser le diagnostic de SEP, même après une seule poussée.
La SEP est une maladie qui commence typiquement à l’âge de 20-30 ans. C’est la deuxième cause de handicap neurologique chez les jeunes adultes, après les traumatismes craniocérébraux.
Malgré d’intenses recherches, une cause précise de cette maladie n’a pas été identifiée. Les spécialistes s’accordent à dire que des facteurs environnementaux (carence en vitamine D, mononucléose infectieuse, tabagisme) précipitent le début de la maladie, chez des patients présentant un terrain génétique à risque (HLA DRB1*1501 en particulier). Une récente étude génétique, portant sur des dizaines de milliers de patients et sujets contrôles, a montré que de nombreux gènes codant pour des facteurs d’inflammation exhibaient de légères différences (polymorphismes d’un seul nucléotide ; single nucleotid polymorphisms (SNP)) par rapport aux sujets sains, ce qui démontre le rôle primordial de l’inflammation dans cette maladie.2
Du point de vue histopathologique, la SEP se caractérise par des lésions inflammatoires – les plaques - dans le cerveau ou la moelle épinière. Cette inflammation est responsable de troubles neurologiques divers, résultant avant tout d’une démyélinisation, c’est-à-dire une perte de la gaine de myéline entourant les axones. D’un point de vue clinique, il est important de retenir que puisque les plaques peuvent survenir n’importe où dans le système nerveux central, de nombreuses manifestations cliniques sont possibles : perte de vision d’un œil (névrite optique rétrobulbaire), diplopie (ophtalmoplégie internucléaire), maladresse ou troubles de la coordination (atteinte cérébelleuse), troubles sphinctériens (atteinte médullaire), névralgie du trijumeau, etc. En général, les déficits neurologiques liés aux poussées sont réversibles, du moins au début. Entre ces poussées, on observe des intervalles libres de maladie, d’où le terme de sclérose en plaques de forme poussées-rémission (SEP-PR), qui constitue la forme la plus fréquente de la maladie (figure 1).
Au fur et à mesure que la maladie progresse, des aspects neurodégénératifs prennent le pas sur l’inflammation. On ne sait pas actuellement si cette neurodégénérescence est indépendante ou secondaire à l’inflammation prédominante dans les premières années de la maladie. Cliniquement, cela se traduit par une augmentation de l’intervalle entre les poussées et une diminution de l’intensité de celles-ci, ainsi que par une progression insidieuse et irréversible du handicap neurologique. A ce stade, on parle alors de SEP secondaire progressive (figure 1). 10% des patients entrent d’emblée dans la SEP par une forme uniquement progressive, sans poussée, d’où le nom de SEP primaire progressive.
Jusqu’à il y a quelques années, il fallait au moins deux poussées séparées dans le temps et l’espace (c’est-à-dire n’affectant pas le même territoire neurologique) pour poser le diagnostic de SEP. Un tel diagnostic, pour être établi, pouvait donc nécessiter des années. Depuis l’avènement de l’imagerie par résonance magnétique (IRM), on peut diagnostiquer une SEP lors de la toute première manifestation clinique de la maladie, que l’on appelle le syndrome clinique isolé.1 Le fait de pouvoir poser le diagnostic de SEP plus précocement a des répercussions thérapeutiques importantes. En effet, les différents traitements immunomodulateurs sont d’autant plus efficaces qu’ils sont pris tôt dans le décours de la maladie, c’est-à-dire lorsque les phénomènes inflammatoires (atteinte inflammatoire de la gaine de myéline) prédominent par rapport aux phénomènes neurodégénératifs (perte axonale). Ces nouveaux traitements, bien que non curatifs, ont révolutionné la prise en charge de ces patients en permettant un ralentissement de la progression du handicap. Toutefois, les formes progressives de la maladie, qu’elles soient secondaires ou primaires progressives, restent hermétiques au traitement. Il s’agit donc là d’un défi majeur que de nombreuses équipes de recherche s’attachent à relever.