Les patients devant être traités avec des psychotropes présentent fréquemment des pathologies somatiques.1 Il est important de tenir compte du profil d’effets indésirables de ces médicaments lors de leur prescription chez des patients polymorbides. Le tableau 1, qui ne prétend pas être exhaustif, mentionne quelques situations particulières (pathologies ou facteurs de risque) à prendre en compte avant de prescrire un psychotrope. Le texte ci-dessous fournit des détails à ce sujet, y compris en cas d’associations médicamenteuses.
Prise de poids. Elle est associée à l’utilisation de mirtazapine et pourrait être liée à une augmentation de la sécrétion de leptine, qui n’est pas observée avec la venlafaxine et la paroxétine.2
Antécédents ou risque élevé de cancer du sein. Les ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) ne sont généralement pas associés avec une hausse des taux de prolactine, mais la littérature rapporte des cas avec pratiquement toutes les molécules. Une mesure des taux de prolactine avant et un mois après le début du traitement pourrait être envisagée.
Ostéoporose. Les patients déprimés sont à plus haut risque d’ostéoporose.3 Bien que les études soient contradictoires, la sérotonine réduirait l’activité des ostéoblastes.4 Les antidépresseurs ayant une haute affinité pour le transporteur à la sérotonine seraient particulièrement à risque.5 Une méta-analyse a revu treize études et démontre une augmentation du risque fracturaire de 1,7.6 La perte osseuse semble être plus élevée chez les patients ayant une bonne adhérence au traitement.7
Risque de chute. Bien que les ISRS n’aient qu’une faible affinité pour les récepteurs α-adrénergiques, ils sont associés à une augmentation marquée du risque de chute. Le risque est plus élevé en présence d’un hypnotique.8
Syndrome des jambes sans repos. Dans un collectif de 270 patients consultant pour un syndrome des jambes sans repos, une association entre la survenue de ce trouble et la prise d’antidépresseurs a été mise en évidence dans environ 10% des cas. La mirtazapine semble être particulièrement incriminée.9
Médicaments influençant la coagulation (aspirine, AINS, AVK, NACO). Les ISRS réduisent la captation de sérotonine dans les plaquettes, les rendant ainsi moins réactives. Ces antidépresseurs n’ont que peu d’effets sur la coagulation en monothérapie, mais augmentent le risque hémorragique lorsqu’ils sont utilisés en association avec les AINS, l’aspirine ou les anticoagulants (saignement des gencives, hématomes spontanés). La mirtazapine est certainement plus sûre dans ce contexte.
Diurétiques. Les ISRS sont associés à la survenue de SIADH (syndrome inapproprié d’hormone antidiurétique). Dans une étude prospective menée avec la paroxétine dans un collectif âgé en moyenne de 70 ans, la fréquence de SIADH était de 12%.10 Le sexe féminin et un faible IMC sont également des facteurs de risque de SIADH.
Syndrome des jambes sans repos. Les antipsychotiques bloquent les récepteurs dopaminergiques, en particulier les D2. Leur utilisation peut être associée à un syndrome des jambes sans repos.11
Syndrome métabolique, diabète. L’incidence plus élevé de diabète chez les patients traités par un antipsychotique ne semble pas uniquement être secondaire à une prise pondérale.12 Un IMC bas, le sexe féminin, ainsi qu’une prise de poids élevée durant les quatre premières semaines de traitement sont des facteurs de risque permettant de prédire une surcharge pondérale importante (> 12%) chez les patients traités avec l’olanzapine13 durant 30 semaines. Parmi les approches médicamenteuses permettant de limiter cet effet indésirable, l’utilisation de metformine est certainement la mieux validée lorsque des mesures diététiques et l’exercice ne sont pas suffisants pour contrecarrer une prise de poids.14 Ce médicament permet de réduire le risque cardiovasculaire au-delà d’une perte pondérale.
Une réduction du poids de l’ordre de 3 kg est observée lorsque la metformine est introduite chez des patients traités avec un psychotrope. Cet antidiabétique n’est pas métabolisé par le système des cytochromes, ce qui réduit le risque d’interactions médicamenteuses. De plus, la metformine a une excellente tolérance au niveau du système nerveux central (SNC).
Le topiramate, proposé comme stabilisateur de l’humeur, est un des rares antiépileptiques associés à une perte pondérale. D’une manière générale, le topiramate amène une plus faible perte pondérale que la metformine.15 Ses effets sur la mémoire peuvent toutefois limiter son utilisation.
L’ aripiprazole est un antipsychotique qui n’a que peu d’effets métaboliques. Il a été testé en association avec succès à la dose de 5-15 mg/j chez des patients stabilisés avec de la clozapine. Après quatre mois de traitement, une perte pondérale supérieure de 2 kg par rapport au placebo a été objectivée.16
Antécédents ou risque élevé de cancer du sein. L’ association entre l’utilisation d’antipsychotiques augmentant la prolactine et la survenue de cancer du sein est bien établie.17 Chez les patientes à risque, le choix devrait se porter sur un antipsychotique plus rarement associé à une élévation de la prolactine (aripiprazole, clozapine, olanzapine, quétiapine).
Antécédents de maladie thromboembolique. Les antipsychotiques augmentent le risque de thrombose veineuse et d’embolie pulmonaire. Le risque serait plus élevé avec les antipsychotiques de seconde génération.18 Attention en particulier chez les patients âgés chez qui le risque absolu est plus élevé.
Hypertension. Les médicaments tels que les diurétiques, les IECA (inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine) et les sartans sont a priori contre-indiqués chez les patients hypertendus, en raison d’un risque d’augmentation de la lithémie. Les anticalciques et les β-bloquants représentent de meilleures alternatives.
A l’heure où l’on fête les 25 ans de l’introduction de la fluoxétine (Fluctine, Prozac), un éditorial du British Journal of Psychiatry rappelle que parmi les huit études soumises à la FDA en vue de son enregistrement, la fluoxétine n’avait globalement qu’un effet marginal et que quatre études ne montraient pas de différence avec un placebo.19 Depuis lors, aucun médicament n’a montré de manière convaincante une efficacité supérieure. Ce rappel doit être mis en balance avec les risques encourus par les patients traités avec des psychotropes, dont les effets indésirables ne touchent pas seulement le SNC.
‣ Les antidépresseurs de la famille des ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) sont associés à la survenue d’effets indésirables classiques tels que céphalées, nausées, vomissements et insomnie
‣ Cette classe de médicaments affecte également le tissu osseux, est associée à la survenue d’hyponatrémie et potentialise les effets indésirables gastriques des AINS ou de l’aspirine
‣ Les antipsychotiques peuvent être associés à la survenue ou au déséquilibre du diabète, un effet indésirable qui n’est pas nécessairement lié à une prise pondérale