Quand la maladie frappe, c’est la rencontre avec l’incompréhensible qui occupe la scène. Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Ou tout simplement, pourquoi ? Guggenbühl-Craig (Vom Guten des Bösen, 1992) commence la réflexion à ce sujet avec l’histoire de Job. L’Ancien Testament nous raconte que Job, homme pieux, honnête, dévoué, perd tous ses biens, sa famille et finalement sa santé. Quand ses amis le questionnent sur l’ampleur des pêchés commis pour mériter tout ceci, Job refuse cette idée, tout en étant incapable de s’expliquer le pourquoi d’autant de malheur. Job alors demande à Dieu. Sa demande lui permettra de recevoir la réponse de Dieu mais sans pour autant d’obtenir une explication.
«… Cet appel à la psychologie peut devenir une manière de contrôler l’inquiétude …»
Ce passage de l’Ancien Testament est riche de contenus psychologiques que nous rencontrons au quotidien en psychiatrie de liaison. Les patients qui font l’expérience de la maladie physique, surtout quand elle bouleverse un équilibre existentiel qui semblait établi et pas menacé, sont en quête d’explications. Parfois et surtout quand la science médicale dans son versant empirique et mécaniciste n’arrive pas à en fournir de suffisantes pour combler la demande, un appel est fait à la psychologie. L’hypothèse psychosomatique introduit alors la possibilité qu’un «désordre psychologique» pourrait être à l’origine de la maladie du corps. Cet appel à la psychologie peut devenir, si pas suffisamment clarifié, une manière de contrôler l’inquiétude générée par l’absence de compréhension. Mais cette hypothèse explicative peut aussi se révéler très culpabilisante : «c’est ma faute alors si je suis malade, je ne supporte pas assez le stress et les émotions». Pour cette raison, l’histoire de Job est une parabole psychologique qui doit être prise en compte par le psychiatre de liaison. La maladie du corps arrive parfois sans explications, sans anticipations, comme la foudre. Le psychiatre de liaison peut aider le patient à la réinsérer dans son histoire de vie et à explorer les ouvertures possibles qu’elle représente en permettant la rencontre avec le sens sans pour autant avoir l’objectif d’expliquer l’incompréhensible. Traduire ce que l’âme veut dire à travers le corps, à un moment donné de la vie du patient, peut se faire seulement en gardant l’humilité sur nos possibilités de traduire une langue qui nous est parfois obscure et inconnue et qui demande peut-être seulement à être entendue.