La première description de l’aspect échographique des articulations et du tissu périarticulaire date de 1950 mais, durant ces dix dernières années, l’échographie ostéoarticulaire a connu une évolution majeure. En particulier, le développement de sondes de haute fréquence a permis l’évaluation de structures très superficielles comme les tendons. Son coût raisonnable, son accessibilité et l’absence d’irradiation comptent parmi les nombreux avantages qui contribuent au rôle majeur que l’échographie occupe aujourd’hui dans la prise en charge des pathologies musculosquelettiques. Il s’agit également d’un examen dynamique, qui permet de guider des gestes diagnostiques (ponctions) ou thérapeutiques (infiltrations). Pour toutes ces raisons, depuis 2011, l’échographie fait partie du cursus obligatoire de la spécialisation FMH en rhumatologie.
Considérée comme une technique «examinateur-dépendant», il a souvent été reproché à l’échographie de manquer de reproductibilité. Cependant, la plupart des études évaluant la corrélation interobservateur trouvent une reproductibilité bonne à très bonne, significativement meilleure que celle des examens cliniques et souvent comparable à l’IRM. Le développement de consensus et de définitions précises contribue à l’amélioration de sa fiabilité.1 Il est néanmoins vrai que la qualité et le réglage de la machine ainsi que l’expertise de l’examinateur restent des paramètres importants à prendre en compte.2
Le tendon est une structure fibrillaire qui relie les muscles à l’os. Il est capable de transférer à l’os la charge mécanique générée par le muscle afin de stabiliser une articulation ou d’engendrer un mouvement. Pour comprendre son aspect échographique, il est important de connaître sa structure histologique. Le tendon est composé d’environ 70% d’eau. Sa masse sèche est principalement constituée de collagène arrangé en fibrilles, elles-mêmes organisées en fascicules qui ont, la plupart du temps, un parcours parallèle à l’axe du tendon. Cette structure complexe contribue à sa résistance : un tendon d’1 cm2 pouvant supporter une charge allant jusqu’à une tonne. Les fascicules sont entourés de tissu conjonctif, le périténon, qui s’étend entre les fascicules pour constituer l’endoténon et contient les nerfs et les vaisseaux. Certains tendons, soumis à des courbes importantes, sont entourés d’une gaine synoviale. C’est le cas, par exemple, des fléchisseurs des doigts, des tendons extenseurs au niveau des poignets ou des tendons périmalléolaires. A l’inverse, les tendons d’Achille, les tendons au niveau de l’épicondyle ou les tendons quadricipitaux n’ont pas de gaine synoviale.
L’enthèse, du grec «enthesis», est la zone d’attachement sur l’os des tendons, capsules ligamentaires ou ligaments. Il s’agit d’une zone de transition où le tendon est progressivement remplacé par du fibrocartilage, puis du fibrocartilage calcifié avant de devenir de l’os.
Les tendons comme leur zone d’attachement au niveau de l’enthèse sont le site de lésions qui peuvent être d’origine traumatique, dégénérative, de surutilisation ou inflammatoire. L’imagerie est essentielle dans l’évaluation de ces lésions et l’échographie apparaît comme un outil de choix étant donné l’importante teneur en eau des tendons. L’analyse des lésions tendineuses par échographie est particulièrement aisée pour les tendons superficiels mais pour les tendons plus profonds comme ceux du pelvis, elle est plus difficile.3 L’examen est également plus délicat chez les patients obèses ou diabétiques.
En échographie, le tendon va apparaître comme une structure fibrillaire, bien délimitée et légèrement plus échogène (plus blanche) que le tissu adipeux (figure 1). L’examen d’un tendon pathologique (figure 2) va révéler une perte de la structure fibrillaire homogène avec un tendon qui prendra un aspect hypoéchogène (plus noir) et pourra être épaissi de manière localisée ou diffuse. Les contours sont souvent mal délimités et le tendon peut être le siège d’une activité Doppler pathologique. L’échographie permet également d’identifier facilement des ruptures tendineuses, qu’elles soient partielles (image anéchogène visible dans deux plans orthogonaux, parfois accompagnée d’un amincissement du tendon) ou complètes avec une perte de continuité du tendon et une rétraction. On peut aussi voir une calcification ou, plus rarement, un tophus intra-tendineux. Au niveau de son insertion (enthèse), l’échographie peut révéler des érosions osseuses (interruption de la corticale visible dans deux plans orthogonaux) ou des calcifications, appelées des enthésophytes (image hyperéchogène souvent avec un cône d’ombre). Finalement, les entésopathies peuvent s’accompagner d’une bursite, également aisément identifiée par l’examen échographique.
L’épicondylite est une tendinopathie qui touche le tendon commun des extenseurs sur l’épicondylite latérale (tennis elbow) ou l’insertion des tendons fléchisseurs sur l’épicondyle médial (golfer’s elbow). L’épicondylite latérale est nettement plus fréquente que l’épicondylite médiale et touche en particulier l’insertion du court extenseur radial du carpe et l’extenseur commun des doigts.4 L’échographie montre un tendon épaissi avec une zone hypoéchogène, focale ou diffuse, parfois associé à une activité Doppler intratendineuse. Des irrégularités de la corticale osseuse ainsi que des calcifications intratendineuses peuvent être retrouvées mais ces lésions corrèlent rarement avec l’activité de la maladie. Finalement, l’imagerie est utile également dans la mise en évidence de ruptures tendineuses, partielles ou complètes.
Bien que le résultat des études soit variable, il est communément accepté que l’échographie est un examen sensible pour la détection d’une épicondylalgie mais semble moins spécifique.5 Ainsi, l’échographie apparaît utile pour confirmer le diagnostic d’une épicondylite si la présentation clinique est atypique ou l’évolution défavorable. Un examen négatif devrait conduire à envisager un diagnostic alternatif. L’échographie semble toutefois moins performante que l’IRM.6
L’intérêt de l’échographie réside également dans l’évaluation du ligament collatéral latéral du coude.
La mise en évidence d’une lésion de ce ligament est essentielle, le traitement chirurgical de l’épicondylite pouvant alors paradoxalement aggraver le tableau clinique. Le syndrome du tunnel radial est aussi à l’origine de douleurs de la face latérale du coude. Il s’agit d’une compression du nerf interosseux postérieur au niveau de l’arcade de Frohse, près du faisceau superficiel du muscle supinateur.7 Le nerf est aisément identifié à l’échographie et un saut de calibre peut être visualisé s’il est comprimé. Dans de rares cas, l’échographie peut montrer une cause extrinsèque de compression. Finalement, l’échographie permet une évaluation de l’articulation entre le radius et l’humérus parfois également le siège d’une lésion responsable de douleurs latérales.
Les lésions de la coiffe des rotateurs représentent la cause la plus fréquente d’omalgies. L’imagerie peut mettre en évidence des tendinopathies, des calcifications intra-tendineuses, des ruptures partielles ou complètes et des bursites. Sur la base de la clinique, un diagnostic précis est souvent difficile. L’échographie apparaît comme un outil de choix pour l’évaluation de l’épaule douloureuse. Une littérature très abondante a évalué la valeur de l’échographie souvent en utilisant l’IRM comme gold standard. Récemment, un consensus d’experts a conclu que, pour l’identification des lésions de la coiffe des rotateurs, la sensibilité et la spécificité de l’échographie étaient comparables à celles de l’IRM.8 L’échographie apparaît en particulier fiable pour l’identification des bursites, des tendinopathies ou des ruptures affectant la coiffe des rotateurs ou le long chef du biceps. Toutefois, l’identification de ruptures partielles, en particulier dans un tendon très dégénératif, peut être difficile et le gold standard reste l’arthro-IRM. L’IRM est aussi l’examen de choix lorsqu’une prise en charge chirurgicale est envisagée, permettant de mieux évaluer la rétraction tendineuse, l’infiltration graisseuse et l’atrophie musculaire.
Par contre, l’échographie est plus sensible que l’IRM et la radiographie pour l’identification des calcifications. Plus de 50% des calcifications mises en évidence à l’imagerie étant asymptomatiques, l’échographie pourrait également se révéler utile pour interpréter la signification clinique d’une calcification. En effet, dans une étude comparant 57 épaules douloureuses à 24 épaules asymptomatiques, la mise en évidence d’une activité Doppler intratendineuse ou d’un épaississement de la bourse sous-acromiale était significativement associée à la présence de symptômes.9
Finalement, l’échographie apparaît particulièrement utile pour guider les infiltrations. Si la pratique d’une infiltration «à l’aveugle» reste valable, jusqu’à un tiers des infiltrations effectuées ne le sont pas dans la bourse. Après six semaines, en comparaison à une infiltration à l’aveugle, une infiltration effectuée sous guidage échographique amène un bénéfice significatif en termes de douleurs et de fonction.10,11
Comme les autres insertions tendineuses, celle du tendon d’Achille sur le calcanéum est le siège de lésions dégénératives, favorisées par l’activité physique, les troubles statiques du pied et le surpoids. Mais les enthèses sont également le site privilégié d’atteintes inflammatoires, en particulier dans le contexte des spondylarthropathies (SpA). La présence d’une enthésite (talon) fait partie des nouveaux critères de classification pour des SpA établis en 2009 par l’ASAS (Assessment of SpondyloArthritis International Society).12 Des études ont montré que l’échographie permettait la détection d’enthésites chez les patients souffrant d’une spondylarthrite.13
Plusieurs scores ont été établis mais manquent encore de validation avant d’être inclus dans la pratique quotidienne. Ainsi, face à une talalgie, le challenge est souvent de différencier une origine mécanique d’une origine inflammatoire.
Wiell et coll. ont comparé la présence de lésions échographiques de l’insertion du tendon d’Achille chez 24 patients remplissant les critères de classification de l’ASAS pour une SpA à celles de 30 patients souffrant de talalgies mécaniques.14 L’enthésophyte était la seule lésion retrouvée plus fréquemment dans le groupe SpA, les bursites et toutes les autres modifications de l’enthèse étant retrouvées avec la même fréquence dans les deux groupes. Deux patients contrôles sur vingt sans talalgies avaient également une vascularisation pathologique, identifiée par une activité Doppler, à l’insertion du tendon. En définissant l’IRM comme gold standard, l’échographie était globalement plus sensible que l’examen clinique avec une excellente spécificité (sensibilité médiane : 0,83 et spécificité : 0,93).
Ainsi, l’échographie est un examen fiable pour les tendinopathies d’Achille mais actuellement aucun critère ne permet de différencier une atteinte dégénérative d’une atteinte inflammatoire.
L’échographie est un outil fiable pour l’évaluation des lésions tendineuses. Il permet un examen dynamique et est un guide pour les gestes thérapeutiques. Son faible coût et son accessibilité en font un examen de choix pour l’évaluation des tendinopathies. Néanmoins, bien qu’elle soit également performante pour la mise en évidence des enthésites dans le contexte de SpA, l’échographie ne permet pas de différencier une origine dégénérative d’une origine inflammatoire. Ainsi, un examen échographique est toujours à interpréter dans un contexte clinique donné.
> Les avancées technologiques ainsi que le développement de consensus ont considérablement amélioré la reproductibilité de l’échographie pour autant qu’on reste attentif à la qualité de la machine et à l’expérience de l’examinateur
> L’échographie est un examen fiable pour l’évaluation des tendinopathies et apparaît ainsi comme un examen de choix en médecine de premier recours
> L’examen échographique ne permet pas de différencier une lésion tendineuse d’origine dégénérative d’une atteinte inflammatoire. Son interprétation devra toujours tenir compte du contexte clinique