C’est maintenant bien connu que l’obésité est associée à plusieurs maladies chroniques ainsi qu’à une morbi-mortalité accrue.1 Heureusement, la perte de poids améliore les résultats de santé associés à l’obésité.2 C’est pourquoi, au cours des dernières années, des efforts considérables ont été déployés pour identifier comment perdre du poids de façon durable.
Toutefois, la recherche a souvent montré des résultats contradictoires, rendant difficile, pour les professionnels de la santé et le public, le moyen de s’y retrouver. Deux domaines particulièrement controversés sont les régimes alimentaires et la vitesse idéale de perte de poids (figure 1).
Le but de cet article est d’examiner ces deux sujets et voir ce que la littérature la plus récente nous apporte.
L’une des principales stratégies pour perdre du poids est un régime alimentaire adéquat.3 Ainsi, au cours de cette dernière décennie, avec l’augmentation de la prévalence de l’obésité partout dans le monde, on a pu observer l’apparition d’une myriade de régimes. Très différents les uns des autres, une manière de les classer est selon leur composition en macronutriments (protéines, glucides et lipides) :
les régimes à faible teneur en glucides, par exemple, le régime Atkins. Ces régimes préconisent généralement moins de 40% du total des calories alimentaires qui doivent provenir des glucides. Le principe derrière ce type de régime est que le faible apport en glucides est associé à une oxydation privilégiée des lipides. Outre la perte de poids, le métabolisme des lipides conduit à la cétose, qui est connue pour diminuer l’appétit,4 ce qui permettrait donc d’améliorer l’adhésion à la restriction énergétique.5
Les régimes à faible teneur en lipides, par exemple, le régime Ornish. Dans ce type de régime, on recommande que 10 à 20% du total des calories alimentaires proviennent des lipides, et de privilégier les fruits et légumes. Cette approche résulte en un régime à faible densité d’énergie qui améliore la satiété en raison du grand volume de nourriture qui peut être consommé.6
Les régimes dits modérés en macronutriments, par exemple, les régimes Weight Watchers qui, comme le nom l’indique, recommandent des proportions équilibrées de protéines, glucides et lipides, mais avec une restriction des portions, et donc des calories.7 Le principe derrière ce type de régime est que la variété des macronutriments permet une meilleure adhésion au régime et d’éviter des carences alimentaires.
Indépendamment de la classe, le nombre de régimes ne cesse de croître et tous prétendent être les plus efficaces pour perdre du poids. Alors comment s’y retrouver (figure 2) ?
Une étude récente, publiée dans le JAMA, a mené une méta-analyse pour estimer l’efficacité relative des différents régimes alimentaires qui ont déjà été testés dans des études cliniques pour la perte de poids.8 L’étude a comparé les régimes selon la composition en macronutriments (glucides, lipides et protéines), mais aussi entre les différents noms de marque (par exemple, Atkins, Ornish, etc.).
La méta-analyse a inclus 59 articles qui ont recensé 48 essais cliniques, comprenant un total de 7286 participants (poids moyen de 94,1 kg, médiane de l’IMC de 33,7 kg/m2). Onze marques différentes de régimes alimentaires ont été comparées.
Les paramètres étudiés étaient la perte de poids et l’IMC à six et douze mois de suivi. Dans l’analyse des résultats, l’étude a pris en compte l’activité physique et les autres soutiens comportementaux fournis dans certains des essais cliniques.
L’étude a révélé que lorsque l’on compare les régimes selon la concentration en macronutriments, à six et douze mois de suivi, les régimes à faible teneur en glucides et ceux à faible teneur en lipides affichent les meilleurs résultats, avec un avantage pour les régimes pauvres en glucides. Cependant, la différence entre ces deux régimes n’est pas significative (tableau 1).
Lorsque l’on compare les différents régimes selon le nom de marque, l’étude a révélé que les différences de perte de poids entre les régimes individuels étaient minimes. De plus, l’étude a montré que l’exercice et le soutien comportemental ont été associés à un plus grand degré de perte de poids.
Par ailleurs, on a constaté que la perte de poids a diminué progressivement, et a régressé à douze mois de suivi, mettant en évidence le problème du maintien de la perte de poids à long terme.
Cette revue d’études confirme que pour perdre du poids, nul n’est besoin de mépriser un aliment ou un autre. Même si cela n’est pas une nouvelle notion, ce genre d’étude est utile car il permet de valider ce qu’on observe en clinique : «Ce n’est pas tant le régime suivi qui est important, c’est son adhésion». Cela confirme donc la pratique courante de recommander au patient un régime qui sera plus facile pour lui de respecter (figure 3). Quel est son régime souhaité ? Quelle démarche a déjà fonctionné ? Quel régime pour quelle personnalité ?9
Cette étude soulève aussi la question : «Comment maintenir dans le temps le poids perdu ?» La triste réalité semble être que quel que soit le type de régime suivi, maintenir la perte de poids à long terme est le véritable défi.10 Etant donné que la reprise de poids inverse les avantages pour la santé obtenus avec sa perte,2 il est important d’identifier les facteurs qui lui sont associés pour développer des stratégies afin que la perte de poids soit durable.
L’un des facteurs identifiés et bien étudiés qui influencent la reprise de poids est la vitesse initiale de la perte de poids. En effet, la perte de poids rapide a été associée à une reprise de poids plus importante et plus rapide que la perte de poids progressive, chez les personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire.11 Cependant, les recherches les plus récentes remettent cette notion en question.
Une récente étude australienne a cherché à comparer la perte de poids progressive, comme recommandée par les directives actuelles dans le monde entier, avec la perte de poids rapide en ce qui concerne le taux de poids perdu et le maintien dans le temps.12
L’essai comprenait 200 adultes obèses (IMC 30-45 kg/m²) qui ont été attribués au hasard soit au programme de perte rapide sur douze semaines, soit au programme de perte progressive sur 36 semaines. La perte de poids ciblée était ≥12,5% du poids corporel. Les participants qui ont réussi à atteindre le poids ciblé sont passés ensuite à la phase 2, un régime pour le maintien de poids pendant trois ans.
Les résultats montrent que les participants du groupe de perte rapide étaient plus susceptibles d’atteindre la perte de poids ciblée : 81% des participants vs 50% dans le groupe de perte progressive. On a trouvé surtout que la vitesse initiale de perte de poids n’affecte pas le degré ou la vitesse de reprise de poids chez les participants: la reprise de poids était d’environ 71% dans les deux groupes après trois années (tableau 2).
Cette étude a également cherché à étudier l’effet de la vitesse de perte de poids sur les taux sanguins des hormones leptine et ghréline, qui jouent toutes deux un rôle important dans la régulation de la prise alimentaire et le poids corporel.13
La leptine est sécrétée par le tissu adipeux et inhibe la prise alimentaire tout en augmentant la dépense énergétique.14 Dans cette étude, on a observé que les taux de leptine ont diminué davantage avec le programme de perte de poids rapide lors de la phase 1. Dans les deux groupes, les concentrations de leptine ont augmenté lors de la phase 2 (tableau 3). A signaler surtout, chez les participants qui ont retrouvé ≥75% du poids perdu à la fin de la phase 2 (n = 45), une augmentation importante des concentrations de leptine indépendamment de la vitesse initiale de perte de poids. Ceux qui ont repris moins de 25% du poids perdu (n = 15) ont vu leur taux de leptine rester en dessous du seuil de base (figure 4).
Ce résultat suggère une hypothèse pour de futurs traitements. Les patients qui reprennent du poids n’auraient-ils pas une résistance à la leptine ?
En ce qui concerne la ghréline, elle est produite principalement par l’estomac, et elle stimule la prise alimentaire et diminue la dépense énergétique.15 Il n’y a pas eu de différence significative de la concentration moyenne de la ghréline à jeun dans les deux groupes : elle a augmenté après la perte de poids et est restée un peu élevée dans la phase 2 (tableau 3). A nouveau, un traitement antighréline serait peut être une bonne voie pour perdre du poids à long terme.
Un autre paramètre étudié dans cette étude est le taux de 3-β-hydroxybutyrate, lié à la concentration de corps cétoniques circulants, connus pour supprimer l’appétit.4 Il a été mesuré à 5 et 10% de perte de poids au cours de la phase 1, et s’est avéré significativement plus élevé dans le groupe de perte de poids rapide. Cependant, cette différence a disparu à la fin de la phase 1.
Cette étude remet en question la notion très répandue que la perte de poids rapide est associée à un regain plus important et plus rapide de poids comparée à une perte de poids progressive. Effectivement, on observe que la reprise de poids est identique indépendamment de la vitesse initiale de perte de poids.
La perte de poids rapide paraît particulièrement intéressante car un plus grand nombre de patients atteignent le poids cible. Cependant, encourager toutes les personnes à adopter des programmes de ce type n’est pas conseillé car ils peuvent avoir des effets nocifs, par exemple une plus grande perte de masse musculaire. Egalement, chez les patients souffrant de troubles du comportement alimentaire, ce type de régime restrictif ne doit pas être prescrit. De plus, un régime très faible en calories peut aussi entraîner des carences de certains nutriments essentiels. Ces programmes devraient toujours être soigneusement supervisés par des professionnels expérimentés dans le traitement de l’obésité.
De toute évidence, les personnes réagissent de diverses manières à différents régimes et il y a encore peu de connaissances pour décider ce qui peut mieux réussir, avec quelle stratégie. Mais, de toute façon, les programmes de perte de poids rapide ne sont pas une solution à long terme et ne résolvent pas le problème du maintien à long terme d’une perte de poids.
Les niveaux d’hormones élevés, associés avec la reprise de poids, suggèrent une autre piste thérapeutique et un rôle pharmacologique pour améliorer le maintien de perte de poids.
Force est de constater qu’il n’y a pas «un meilleur moyen» pour tout le monde pour perdre du poids. Il n’y a pas de régime idéal ou de meilleure vitesse pour perdre du poids. Face au patient obèse, les professionnels de la santé doivent utiliser leurs connaissances diététiques pour développer un régime alimentaire individualisé, en prenant en compte les habitudes et l’état de santé du patient. L’obésité est une maladie chronique et son traitement représente un engagement à long terme. La meilleure solution est de développer des stratégies auxquelles le patient pourra le plus facilement adhérer.
La gestion efficace de l’obésité doit être fondée sur un partenariat entre un patient et des professionnels de santé qui sauront l’accompagner sur sa propre voie pour perdre du poids.
> Il n’y a pas de régime alimentaire idéal : il faut privilégier un régime qui convient le mieux au patient
> La reprise pondérale après un régime est fréquente, mais la vitesse de perte de poids ne semble pas être un facteur prédictif
> Les modifications hormonales de leptine et ghréline semblent être une piste de traitements possibles contre la reprise pondérale