Les organisations internationales sont souvent accusées d’avoir des agendas qui sont en décalage avec les besoins réels de la population. Ceci n’est certainement pas le cas pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une institution sérieuse, connue pour ses luttes implacables contre des maladies infectieuses graves comme la variole dans le passé ou la maladie d’Ebola aujourd’hui.
Le 24 mai 2014, s’est tenue à Genève la 67e Assemblée mondiale de la santé. La considération du problème qu’est la maladie du psoriasis a fait l’objet d’un rapport (intitulé du nom «article d’ordre du jour 13.5») :
«… Pourquoi l’OMS devrait-elle prendre soin du psoriasis en même temps que de la maladie d’Ebola ? …»
L’OMS reconnaît :
Par cette déclaration, l’OMS reconnaît le psoriasis comme une maladie non transmissible grave qui nécessite de meilleurs connaissances et traitements au niveau mondial. L’OMS charge les décideurs politiques d’améliorer l’éducation sur le psoriasis et les comorbidités qui lui sont associées, l’accès au traitement et la recherche dans le domaine. Il s’agit d’une reconnaissance importante pour la dermatologie mais qui soulève également de nombreuses questions.
Pourquoi l’OMS devrait-elle prendre soin du psoriasis en même temps que de la maladie d’Ebola ? L’OMS suit un plan d’action mondial pour la prévention et le contrôle des maladies non transmissibles. Dans ce contexte, l’OMS reconnaît le lourd fardeau du psoriasis cutané, mais également l’importance de ses comorbidités, à savoir les maladies cardiovasculaires et le diabète, deux maladies présentes sur la liste du top 5 des maladies non transmissibles que l’OMS a l’intention de combattre (document WHA66/2013/REC/1, annexe 4).
En quoi cette résolution concerne la Suisse… aussi ? On pourrait croire que l’accès aux soins de qualité (en matière de psoriasis) est un problème qui touche principalement des pays lointains aux systèmes de soins de santé peu développés. Il est vrai, par exemple, qu’au Tchad, un pays 30 fois plus grand que la Suisse et avec une population 50% plus élevée, on ne compte que deux dermatologues ! Mais en réalité, chez nous également, seule une minorité de patients atteints d’un psoriasis sont traités adéquatement. Une étude allemande montre que seulement la moitié des patients atteints de psoriasis modéré à sévère ont effectivement reçu une photothérapie ou des thérapies systémiques selon les «Guidelines».1 En Suisse, on ne dispose pas d’étude qui confirme cela, mais les discussions entre collègues nous laissent à penser que le «sous-traitement» est également une réalité chez nous.
La résolution de l’OMS est un appel à l’action pour nous les dermatologues mais également pour l’ensemble des praticiens. Nous devons vérifier davantage que nos approches thérapeutiques soient en accord avec les normes actuelles de soins en identifiant clairement lorsque les traitements systémiques doivent être prodigués. Aussi, le dépistage des comorbidités doit bénéficier de toute notre attention. Enfin, nous devrions discuter et définir des objectifs de traitements avec nos patients. Les médecins généralistes doivent être conscients de l’augmentation du risque cardiovasculaire des patients atteints d’une forme modérée à sévère de psoriasis et devraient donc prendre les mesures appropriées pour limiter ce risque supplémentaire.
«… les discussions entre collègues nous laissent à penser que le «sous-traitement» du psoriasis est également une réalité chez nous …»
Un travail d’information à la population doit également être fait. Il est important qu’il y ait une sensibilisation concernant la nature et le fardeau que représente cette maladie afin de réduire les préjugés et améliorer l’intégration sociale de ces patients. Le système de soins de santé suisse, nous l’espérons, continuera à fournir les ressources suffisantes pour garantir la haute qualité des soins établie dans ce pays.
Nous devons soutenir la recherche dans le domaine du psoriasis afin de mieux comprendre les différentes formes de la maladie, de cibler encore plus précisément leur pathogenèse et enfin développer des traitements plus efficaces et abordables. Un autre grand axe de recherche est la compréhension du lien entre le psoriasis et ses comorbidités et, par conséquent, la nécessité d’un contrôle précoce et efficace de la maladie cutanée.
Une belle occasion de sensibiliser au sujet de toutes les questions relatives au psoriasis est le Swiss Psoriasis Day, qui a lieu chaque année à une date proche de celle du World Psoriasis Day. Cette année les deux événements se dérouleront simultanément le 29 octobre 2015. Nous serions donc particulièrement heureux de vous accueillir nombreux à la Swiss Psoriasis Day le 29 octobre 2015 à Berne.