Internet est actuellement la source d’informations la plus efficace pour répondre aux nombreuses questions que rencontre le médecin dans son quotidien. Même si cela nécessite un certain apprentissage, utiliser internet en médecine n’est pas compliqué. Pour être un peu schématique, nous pourrions dire que deux sites suffisent, un moteur de recherche et un site médical. Au fil de ses navigations, chaque médecin découvrira ensuite les sites qui correspondent à ses besoins.
Google, le Compendium suisse des médicaments, l’annuaire des médecins de la FMH, Safetravel, UpToDate ; n’importe lequel de ces sites justifie déjà par lui-même la présence d’un ordinateur connecté sur le bureau du médecin.
Le médecin est un gros consommateur d’informations. Il utiliserait deux millions d’informations pour gérer les problèmes quotidiens de ses malades et passerait un tiers de sa vie professionnelle à les recueillir et à les traiter.1
Des études réalisées en médecine ambulatoire montrent que les médecins se posent en moyenne plus de trois questions tous les dix patients2 mais ne cherchent la réponse que dans une minorité des cas, le plus souvent par manque de temps.3,4 L’accès aux informations manquantes pourrait modifier une partie des décisions : «lors d’une demi-journée normale de consultations, quatre décisions auraient pu être différentes si l’information requise par le médecin avait été disponible au moment du face à face avec le malade».4
Actuellement, internet est capable de répondre à une partie de ces besoins, pourquoi s’en priver ?
Mais quelles sont ces questions que le médecin de famille se pose dans son quotidien médical ? Tirées de l’expérience de l’auteur, ces six questions illustrent les besoins en information du médecin praticien :
Vous trouverez à la fin de l’article «Les réponses» mentionnant les sites utilisés pour répondre à ces questions.
Pour être un peu schématique, nous pourrions dire que deux sites suffisent, un moteur de recherche et un site médical. Certaines recherches nécessitent un site médical, d’autres donneront de meilleurs résultats avec un simple moteur de recherche.
Quel site médical utiliser ? Notre préférence va à la base de données payante UpToDate (uptodate.com), même si d’autres alternatives existent :5 Clinical Evidence (clinicalevidence.bmj.com), Dynamed (dynamed.com) ou les sites gratuits eMedicine (emedicine.medscape.com) et TripDatabase (tripdatabase.com). En français, l’offre est moins riche, nous proposerions le site français Cismef (cismef.org).
UpToDate est une base de données médicales de grande qualité, elle a cependant deux défauts : son prix (499.– USD par an) et son inquiétante hégémonie.6
Cette base de données américaine donne accès à des informations à la fois utiles et valides dans la plupart des spécialités médicales, son utilisation est simple. Pour être schématique, on pourrait dire qu’UpToDate est un excellent compromis entre Google (couverture très large, validation faible) et la librairie Cochrane (validité élevée, couverture limitée). Les médecins trouvent dans cette base de données les réponses aux questions qu’ils se posent face à leurs patients.
Google peut et doit être utilisé en médecine. Pour limiter la faiblesse des informations trouvées, il faut utiliser plusieurs mots-clés médicaux précis. «Plusieurs» pour limiter le nombre de résultats, «médicaux» pour trouver des informations de qualité, «précis» pour que les résultats correspondent vraiment à vos besoins. Le choix des mots-clés est essentiel. L’utilisation de termes médicaux peut paraître une évidence, mais l’utilisation du terme «impuissance» vous amènera sur des sites destinés au grand public, le terme «dysfonction érectile» sur des sites destinés aux professionnels de la santé.
Au fil de ses navigations, le médecin découvrira progressivement d’autres sites qui lui seront utiles. Ces sites devront être enregistrés dans les favoris de son navigateur afin d’être retrouvés facilement lorsqu’il en aura besoin. Il est difficile de recommander une liste précise de sites qui corresponde aux besoins de tous, chaque médecin ayant ses propres besoins, en fonction de son type de consultation et de ses intérêts. Pour donner quelques exemples qui illustrent la grande diversité de sites que le médecin pourra utiliser, nous proposerions à titre d’exemples : le Compendium suisse des médicaments et son module d’interactions médicamenteuses, Infovac, la ligne directe d’informations sur les vaccins, Safetravel pour la médecine des voyages, le site de l’Office fédéral de la santé publique et sa rubrique «Maladies et médecine» ou encore PubMed Central pour retrouver un article gratuitement disponible en version intégrale.
Même s’il est vrai que l’utilisation d’internet en médecine ne nécessite qu’un ordinateur et une connexion internet, un usage efficace nécessite tout de même un certain apprentissage. A défaut de formations proposées aux médecins, chacun acquerra au fil de ses navigations de nouvelles compétences. Cela signifie la découverte de nouveaux sites mais aussi d’astuces de recherche.
Il est aussi utile de rappeler que la qualité des informations disponibles sur internet est très variable,7,8 les informations pouvant être non validées ou simplement commerciales. Même si les professionnels de la santé jouissent d’une expertise qui devrait leur permettre de plus facilement évaluer la qualité des informations retrouvées, un regard critique reste indispensable. Une chose reste vraie, les institutions réputées en dehors d’internet (centres scientifiques reconnus, centres universitaires, journaux médicaux réputés) ont tendance à publier des informations de qualité.
Il est important de comprendre que l’utilité d’internet ne se limite pas qu’à répondre à des questions cliniques, le médecin peut aussi utiliser internet pour répondre aux questions non médicales qu’il rencontre dans sa pratique quotidienne.
Il est donc schématiquement possible de distinguer quatre types de sites :
L’utilisation d’internet en médecine ne doit pas être imaginée que pour répondre aux questions cliniques complexes, internet peut être interrogé pour de très nombreuses questions, cliniques ou non, que le médecin se pose dans son quotidien. Des questions «non cliniques» ? Par exemple, le code d’un médicament à facturer sur www.listedesspecialites.ch ou l’adresse d’un spécialiste dans un centre universitaire sur www.chuv.ch ou www.hug.ch !
Au-delà d’internet, les médias sociaux apportent une nouvelle dimension au monde de la santé, permettant un échange entre le grand public, les patients et les médecins sur des sujets médicaux.11 Internet donne accès à la connaissance, les médias sociaux, eux, donnent accès aux individus. Que ce soit pour échanger entre eux ou pour interagir avec le grand public, les professionnels de la santé ont tout à gagner à investir les réseaux sociaux, Twitter, Facebook, les blogs et les forums par exemple,12 autant de canaux qui permettront d’intensifier les échanges entre les médecins et le grand public.13
«Why should physicians pay attention to social media ?
Because that’s where your patients are going to be»
Dr Kevin Pho14
L’œsophage de Barrett. «Dans quel délai doit être effectuée une OGD (œsophago-gastro-duodénoscopie) de contrôle chez un patient dont le dernier examen montre un œsophage de Barrett sans dysplasie ?» Une question pour une base de données médicale, UpToDate par exemple. Une recherche avec le mot «Barrett» aboutit sur la page «Management of Barrett’s esophagus». On peut y lire «For patients with no dysplasia or endoscopic signs of neoplasia following adequate biopsy sampling, we suggest surveillance endoscopy at an interval of every three to five years».
La hernie de Bochdalek. Une question pour Google. La simple introduction des mots «hernie de Bochdalek» vous permettra en une seconde de savoir qu’il s’agit d’une hernie diaphragmatique congénitale.
Comment enseigner à une patiente l’auto-injection d’Enbrel ? L’introduction du mot «Enbrel» sur YouTube vous permettra de découvrir qu’il existe plusieurs vidéos sur le sujet, certaines réalisées par des patients et vues plusieurs dizaines de milliers de fois…
Y a-t-il une interaction entre le millepertuis et une pilule contraceptive ? Le module «Interactions» du Compendium suisse des médicaments vous donnera la réponse positive.
Après quel délai faire un test VIH après une situation à risque de transmission VIH ? Avec l’introduction des termes «test hiv délai» sur Google.ch, vous trouverez une réponse détaillée sur le site de l’Aide suisse contre le SIDA (http://bit.ly/TestSida). On peut y lire «Il faut attendre au moins trois mois pour exclure une infection par le VIH, bien qu’une infection puisse être confirmée plus tôt».
Cette patiente âgée consomme-elle suffisamment de calcium ou dois-je lui prescrire un supplément ? Un bel exemple de l’utilité d’internet. Avez-vous déjà, à l’anamnèse, essayé d’évaluer la consommation de calcium d’un patient ? Pas très facile… Utilisez le questionnaire «Consommez-vous suffisamment de calcium ?» disponible en ligne sur le site de la Ligue suisse contre le rhumatisme (http://bit.ly/QuestionnaireCalcium). Vous obtiendrez une réponse précise et votre patient, qui aura rempli le questionnaire, saura pourquoi il doit chaque jour prendre un supplément calcique.
> L’utilisation d’internet en médecine n’est plus une option
> Utiliser internet en médecine n’est pas compliqué. Pour être un peu schématique, nous pourrions dire que deux sites suffisent, un moteur de recherche et un site médical
> Internet est utile au quotidien comme source d’informations médicales mais aussi pour répondre aux besoins non cliniques rencontrés par le médecin dans sa pratique médicale
> Les médecins doivent s’approprier internet comme source d’informations, les médias sociaux sont eux des moyens d’intensifier les échanges entre les médecins et le grand public
Internet is currently the most efficient source of information for doctors in their daily practice. Even though some training is necessary, it is easy to use the internet in medicine. Schematic though it may be, we can say only two websites are necessary : a research engine and a medical website. Progressively, each doctor then discovers websites that meet his/ her needs.