Le cancer testiculaire, bien que peu fréquent, revêt une importance particulière en oncologie ; il représente actuellement un modèle pour optimiser un suivi radiologique tout en essayant de diminuer l’apparition de tumeurs radio-induites.En effet, cette pathologie présente un taux très élevé de survie nécessitant, au vu du jeune âge des patients, des bilans radiologiques à long terme, auxquels pourront être liés des effets secondaires, en particulier les tumeurs secondaires.Afin de diminuer cela, les recommandations de prise en charge ont évolué et les protocoles de radiologie s’améliorent afin d’exposer à moins de rayonnements ionisants pour un résultat identique.Il est donc devenu primordial de maintenir un suivi optimal tout en essayant d’en minimiser la toxicité.
Le cancer testiculaire est une tumeur peu fréquente et représente environ 1% des cancers chez l’homme. Toutefois, il s’agit de la tumeur solide maligne la plus fréquemment diagnostiquée chez les hommes jeunes, âgés de 15 à 35 ans, avec notamment 390 nouveaux cas chaque année en Suisse, dont les symptômes surviennent souvent à un stade précoce.1,2
Depuis les années 1970, grâce aussi à l’introduction du cisplatine, le traitement du cancer testiculaire a grandement évolué, tout comme sa prise en charge.3 Il devient donc le modèle d’un cancer solide, curable également à un stade métastatique. Actuellement, le pronostic est globalement excellent, avec une survie à cinq ans de 90%, tous stades confondus.4 Le taux de survie atteint même 99% chez les patients diagnostiqués au stade I.5
A la lumière de ces évidences, il est donc important de sélectionner les patients candidats à un traitement adjuvant et ceux pouvant bénéficier d’une surveillance active. L’objectif global est de réduire les effets secondaires liés aux traitements ainsi qu’aux irradiations diagnostiques.
Notre article se concentre sur le suivi radiologique des tumeurs germinales de stade I. Pour les multiples situations post-traitement, nous conseillons la lecture de l’article de Cathomas et coll.6
Le bilan initial, en cas de suspicion clinique et/ou biologique de cancer testiculaire, comprend une échographie testiculaire afin de déterminer la nature (kystique ou solide), la localisation (intrinsèque, extrinsèque) ainsi que la taille de la lésion. Le dosage des marqueurs tumoraux (alpha-fœtoprotéine (AFP), βHCG et lactate déshydrogénase (LDH)) est également essentiel au moment du diagnostic ainsi que pour le suivi et le CT-scan (CT) thoraco-abdomino-pelvien est nécessaire pour le bilan d’extension. Lors du bilan initial, il est primordial, au vu de la moyenne d’âge des patients, de proposer une cryopréservation du sperme à effectuer avant tout traitement, que ce soit par chirurgie, radiothérapie ou chimiothérapie.7
Le bilan biologique, radiologique et histologique permet ensuite d’évaluer le staging de la tumeur. Les tumeurs testiculaires sont généralement divisées en tant que séminomateuses et non séminomateuses. La classification se fait ensuite selon le système de classification TNM (Tumor, Node, Metastasis), dans laquelle les marqueurs tumoraux, postorchidectomie, sont également pris en considération (tableaux 1A, B, C).7
La βHCG et la LDH peuvent être augmentées lors d’un séminome, contrairement à l’élévation de l’AFP, qui signe la présence d’une tumeur non séminomateuse ou mixte.
La classification est très utile car elle donne une indication sur le pronostic et apporte une aide aux décisions quant aux suites des traitements.
Afin d’optimiser les investigations radiologiques et d’éviter des irradiations inutiles, il est important de connaître le risque de récidive selon la pathologie, d’évaluer la situation clinique en fonction du temps depuis le diagnostic et de considérer l’examen à pratiquer selon la partie du corps à explorer.
La surveillance active consiste en un suivi rapproché par des contrôles cliniques, biologiques et radiologiques, permettant d’éviter des traitements adjuvants pour une population de patients présentant un taux important de rémissions complètes après orchidectomie seule. Les patients présentant un cancer testiculaire de stade I devraient se voir proposer ce mode de prise en charge tout en étant informés que les multiples contrôles médicaux peuvent être contraignants et qu’une compliance adéquate à long terme est nécessaire. Environ 50-80% des patients chez qui l’on diagnostique un cancer testiculaire pourraient bénéficier de cette procédure. La surveillance est souvent la prise en charge préférée, en particulier en Amérique du Nord.8
Plusieurs protocoles de surveillance active ont été proposés. Kollmannsberger et coll. ont analysé les données de 2500 patients connus pour une tumeur germinale testiculaire de stade I. En utilisant les données des rechutes (timing, site, groupe pronostic), ils ont établi des recommandations de suivi, lesquelles sont résumées dans le tableau 2.
Lorsqu’on compare ces recommandations à celles proposées par Martin et coll. et celles publiées par le NCCN (National Comprehensive Cancer Network), on remarque des différences majeures avec, par exemple, une réduction de 50% du nombre de CT proposés.
Les tumeurs non séminomateuses de stade I sont divisées en deux catégories. Les tumeurs ne présentant pas d’invasion lymphovasculaire au moment du diagnostic, facteur de risque le plus prédictif de rechute, sont classées low risk, avec un taux de récidives de 15 à 20%.1 Le traitement de choix est donc de proposer une surveillance active.
Pour les tumeurs classées high risk, avec invasion lymphovasculaire au moment du diagnostic, le taux de récidives va jusqu’à 40 à 50%. Pour ces tumeurs, il est également possible d’effectuer une surveillance active. Cependant, au vu du risque, une chimiothérapie est souvent effectuée ; elle peut diminuer le taux de rechutes de 50 à 2% environ (tableau 3).9
Le risque d’induction de cancer suite à une exposition aux rayonnements ionisants est 3 à 4 fois plus élevé chez les enfants/adolescents que chez les adultes.2,10 Tout examen radiologique doit être médicalement justifié, mais il faut également s’assurer que le protocole d’examen délivre la dose d’irradiation la plus faible possible tout en fournissant l’information nécessaire à l’établissement du diagnostic (ALARA : as low as reasonably achievable).
L’optimisation des protocoles d’examens en radiologie est donc particulièrement importante. Même si les examens CT représentent seulement 6% de tous les examens radiologiques en Suisse, leur contribution à l’irradiation de la population suisse liée à l’imagerie médicale est de l’ordre de 70%.11,12 Ainsi, une réduction des doses ionisantes délivrées lors des examens CT s’avèrera très efficace pour diminuer les doses reçues par la population. Ceci est particulièrement important chez les jeunes patients oncologiques qui, dès la fin de leur traitement, nécessitent des suivis médicaux à long terme, souvent sous forme de CT réalisés à intervalles réguliers.
Depuis quelques années, les constructeurs de machines CT introduisent de nouveaux protocoles d’acquisition d’images qui permettent de conserver la qualité diagnostique des images, tout en réduisant l’exposition des patients aux rayons X.
L’algorithme traditionnel de reconstruction d’images, introduit en 1990, est dit filtered back-projection (FBP). L’acquisition des données du patient examiné est réalisée sous forme d’une hélice (les détecteurs tournent sur un axe fixe et la table du CT avance perpendiculairement) afin d’obtenir un cylindre de données brutes. Elles sont ensuite retravaillées par l’algorithme FBP afin de reconstruire des images d’épaisseur millimétrique, en général dans le plan axial. Malheureusement, l’algorithme FBP nécessite une dose d’irradiation relativement élevée, sinon les images comporteraient «trop de bruit», ce qui signifie une perte de netteté dans les détails.
Dans ce contexte, une nouvelle manière de reconstruire les images, dite «reconstruction itérative», vient d’être introduite. Cette méthode utilise deux étapes (itératives), qui sont répétées un certain nombre de fois jusqu’à ce que les données virtuelles de l’objet scanné et celles de l’image acquise soient les plus ressemblantes possibles. Les algorithmes de reconstructions itératives varient légèrement selon les fabricants, mais ils ont la même fonction : augmenter la qualité de l’image en diminuant les artéfacts et le bruit, ce qui a pour conséquence une diminution de la dose d’irradiation délivrée au patient.
Actuellement, deux catégories de méthodes itératives sont disponibles : la première méthode (ASIR, General Electrics ; IRIS, Siemens ; iDose, Philips) permet de réduire les doses de 30 à 50% tout en produisant des images qui ressemblent fortement à celles obtenues à pleine dose avec l’ancien algorithme FBP. Cette réduction de dose est rendue possible car la reconstruction itérative réduit le bruit de l’image et augmente ainsi sa qualité. Cette technique a récemment fait l’objet de nombreuses études scientifiques et est aujourd’hui validée pour la routine, donc utilisée dans la plupart des protocoles CT, néanmoins toujours en association avec l’algorithme de base (FBP), nécessaire pour maintenir la qualité diagnostique de l’image.
La nouvelle méthode itérative (Veo, General Electrics ; SAFIRE, Siemens ; iDose4, Philips) nécessite plus de temps de calcul, puisqu’elle tient compte de davantage de paramètres que la première méthode.13 Ainsi, la reconstruction des images pour un examen prend 30-60 minutes environ. Néanmoins, elle permet, selon le constructeur, de diminuer l’exposition aux rayons X du patient de 80% au maximum tout en produisant des images dont l’aspect ressemble à celles obtenues traditionnellement avec la méthode FBP à pleine dose.13–16 Cet algorithme est utilisé seul, sans que l’association de l’algorithme FBP ne soit nécessaire. Néanmoins, il n’est pas encore suffisamment standardisé pour faire partie de la routine clinique, d’autant plus que les limites diagnostiques en sont mal connues. Selon une étude récente, au-delà de 80% de réduction de dose, les lésions millimétriques à bas contraste, notamment celles situées dans le foie, ne sont plus détectées.17
En utilisant l’une de ces techniques de reconstruction itératives d’images, les jeunes patients oncologiques, qui ont des suivis réguliers par CT, bénéficieront d’une diminution importante d’irradiation.
L’utilisation de la résonance magnétique est également en cours d’investigation clinique. En raison de l’absence de rayons ionisants, cette méthodologie semble appropriée pour le suivi radiologique. Toutefois, les protocoles d’acquisition d’images ne sont actuellement pas standardisés et il serait judicieux d’attendre les résultats de l’étude TRISST (NCT00589537).
Le cancer germinal testiculaire est une maladie oncologique tout à fait particulière pour plusieurs raisons. Il s’agit effectivement d’une tumeur qui, dans la majorité des cas, est diagnostiquée à un stade précoce et dont le taux de guérison est très élevé même pour les maladies métastatiques d’emblée. Elle se différencie également de par l’âge des patients.
Il est donc très important de prévenir autant que possible les effets secondaires tardifs, y compris ceux provoqués par les examens radiologiques effectués lors du suivi. Pour cela, une détermination précise des récidives, dans le temps et l’espace, a permis d’établir des protocoles de suivi très sûrs en effectuant toutefois un minimum d’examens.
Le développement technique actuel du CT permettra de diminuer l’exposition aux rayons X diagnostiques en réduisant ainsi probablement le risque d’induire des cancers secondaires à long terme.
Grâce aux progrès importants et constants en oncologie, l’exemple du cancer testiculaire, maladie fortement létale il y a quelques années encore mais dont les taux de guérison actuels sont importants, peut servir de modèle à d’autres pathologies oncologiques dans le futur.
> La prise en charge des patients diagnostiqués pour un cancer testiculaire doit se faire selon des schémas bien précis afin d’optimiser le bénéfice d’un diagnostic de récidive précoce et de diminuer les risques induits par les rayons diagnostiques
> Les dernières recommandations ont permis de diminuer l’exposition aux rayons ionisants de moitié
> Le cancer testiculaire est devenu un modèle d’optimisation de suivi oncologique chez les jeunes patients avec une maladie hautement guérissable
Despite being rare cancers, testicular seminoma and non-seminoma play an important role in oncology : they represent a model on how to optimize radiological follow-up, aiming at a lowest possible radiation exposure and secondary cancer risk.Males diagnosed with testicular cancer undergo frequently prolonged follow-up with CT-scans with potential toxic side effects, in particular secondary cancers.To reduce the risks linked to ionizing radiation, precise follow-up protocols have been developed. The number of recommended ct-scanners has been significantly reduced over the last 10 years. The CT scanners have evolved technically and new acquisition protocols have the potential to reduce the radiation exposure further.