Cette rubrique présente les résultats d’une revue systématique récente telle que publiée par la Collaboration Cochrane dans la Cochrane Library (http://www.thecochranelibrary.com). Volontairement limité à un champ de recherche circonscrit, cet article reflète l’état actuel des connaissances de ce domaine. Il ne s’agit donc pas de recommandations pour guider la prise en charge d’une problématique clinique considérée dans sa globalité (guidelines). Les auteurs de ce résumé se basent sur la revue systématique et ne remettent pas en question le choix des articles inclus dans la revue.
Un patient de 58 ans a reçu un stent enrobé suite à un infarctus du myocarde il y a une année. Très souvent en déplacement, il oublie régulièrement la prise d’un de ses cinq médicaments (statine, bêtabloquant, inhibiteur de l’enzyme de conversion, clopidogrel, acide acétylsalicylique).
Un traitement combiné à dose fixe (polypilule) pourrait-il l’aider à prendre ses médicaments plus régulièrement?
Les maladies cardiovasculaires sont la principale cause de décès et d’invalidité dans le monde. La polypilule, une combinaison d’au minimum un antihypertenseur et une statine, a été développée principalement à l’usage des pays émergents et en voie de développement pour faciliter le contrôle de certains facteurs de risque cardiovasculaires. Celle-ci pourrait cependant également être utile dans les pays riches, par exemple pour améliorer l’observance. Pourtant, des incertitudes persistent quant à l’efficacité de la polypilule et à la survenue d’effets indésirables. L’objectif de cette revue était d’évaluer, en prévention primaire et secondaire, les effets d’un traitement par polypilule sur la mortalité toutes causes confondues, les événements cardiovasculaires non mortels, la pression artérielle et les taux de lipides sanguins.
Neuf essais contrôlés randomisés (7407 participants) ont été retenus.
Comparé aux soins habituels, à un placebo ou à une composante médicamenteuse unique, un traitement par polypilule :
n’avait pas d’effet significatif sur la mortalité toutes causes confondues (RR 1,3 ; IC 95% : 0,7-2,4 ; 2 essais n = 3465) ni sur la survenue d’événements cardiovasculaires (RR 1,4 ; IC 95% : 0,9-2,1 ; 2 essais n = 2479).
et était associé à:
une pression artérielle systolique (WMD -7,1 mmHg ; IC 95% : -10,2 à -3,9) et diastolique (WMD -3,7 mmHg ; IC 95% : -5,4 à -1,9) plus basse (9 essais n = 5787),
un taux de cholestérol total (WMD -0,8 mmol/l ; IC 95% : -1,1 à -0,5 ; 9 études n = 5569) et de cholestérol LDL (WMD -0,8 mmol/l ; IC 95% : -1,1 à -0,5 ; 8 essais n = 5365) plus bas,
des effets secondaires plus fréquents (myalgie, élévation des enzymes hépatiques, toux, dyspepsie, saignement) (RR 1,2 ; IC 95% : 1,1-1,3 ; 7 essais n = 4864) et
une meilleure observance (RR 1,3 ; IC 95% : 1,3-1,4 ; 1 essai n = 1002) mais également un arrêt du traitement plus fréquent (RR 1,3 ; IC 95% : 1,0-1,6 ; 6 essais n = 2423).
Risque important d’erreurs systématiques dans cinq des neufs études (notamment biais de sélection, de performance, de détection et d’attrition).
Hétérogénéité des résultats pour la pression artérielle et les taux de cholestérol, possiblement due à des différences d’efficacité entre les antihypertenseurs ou statines utilisés, à des différences dans le traitement des groupes comparés et entre les participants.
Durée d’intervention et de suivi souvent très courte.
Les effets d’une polypilule sur la mortalité toutes causes confondues et les événements cardiovasculaires sont incertains en raison d’un risque de biais élevé et d’un taux d’événements qui était généralement bas. La diminution de la pression artérielle et des taux de lipides était plus faible que prévue. Plus d’essais sont nécessaires pour mieux évaluer l’efficacité d’un traitement par polypilule sur les événements cardiovasculaires en prévention primaire et secondaire.
Les données existantes, de qualité globalement insuffisante, n’ont pas permis d’établir de manière probante l’efficacité de la polypilule à réduire la mortalité globale ni les événements cardiovasculaires. En revanche, la seule étude ayant fait cette comparaison montre une augmentation d’un tiers environ de l’adhérence thérapeutique (autorapportée), un objectif important chez ce patient. La décision finale doit être partagée avec lui, après l’avoir dûment informé.
Cet article est paru dans Praxis : Praxis 2015;104:305-6.