Le traitement du mélanome métastatique a été révolutionné depuis 2010 avec l’apparition de nombreuses nouvelles molécules. Actuellement, les oncologues, dermatologues et médecins généralistes sont de plus en plus confrontés aux effets secondaires de ces molécules dans leur pratique quotidienne. Deux classes de thérapie sont disponibles pour le traitement du mélanome métastatique : 1) l’immunothérapie (anti-CTLA-4, anti-PD-1/anti-PD-L1) et 2) les thérapies ciblées avec les inhibiteurs de BRAF et de MEK. L’immunothérapie a une efficacité clinique remarquable, par contre un nombre important de patients développent des effets secondaires immunologiques qui peuvent parfois être fatals. La prise en charge rapide et selon des algorithmes précis de ces effets secondaires immunologiques par les médecins de diverses spécialités est primordiale.
Le traitement du mélanome métastatique a été révolutionné depuis 2010 avec l’apparition de nombreuses nouvelles molécules. Actuellement, les oncologues, dermatologues et médecins généralistes sont de plus en plus confrontés aux effets secondaires de ces molécules dans leur pratique.
Deux grandes nouvelles classes de thérapie sont disponibles pour le traitement du mélanome métastatique : l’immunothérapie, qui comprend les anti-CTLA-4 et les anti-PD-1/anti-PD-L1 et les thérapies ciblées avec les inhibiteurs de BRAF et de MEK.
Cet article discute le mécanisme d’action, l’efficacité et la prise en charge des toxicités des immunothérapies. Les thérapies ciblées seront traitées séparément.
L’ipilimumab est le premier traitement à influencer l’histoire naturelle du mélanome métastatique. Il s’agit d’un anticorps dirigé contre le récepteur CTLA-4, un frein physiologique de notre réponse immunitaire. Pour que la réponse immunitaire cellulaire se réalise, il est nécessaire d’avoir deux signaux d’activation entre la cellule T (récepteur TCR et CD28) et la cellule présentatrice d’antigène (CMH et complexe B7, respectivement). Pour réguler la réponse immunitaire, il existe un mécanisme d’inhibition dans lequel le récepteur CTLA-4 se lie au complexe B7 à la place du récepteur CD28. L’ipilimumab bloque le récepteur CTLA-4, et avec ceci, le frein de la réponse immunitaire. Un tel blocage est également associé à des réactions auto-immunes chez 60% des patients.1
Ce traitement permet une augmentation significative de la survie dans un collectif de patients préalablement traités.1 L’association ipilimumab et dacarbazine a également montré un bénéfice de survie, en première ligne, au prix d’une toxicité hépatique plus élevée.2 Dans l’étude de phase 3 publiée en 2010,1 le taux de réponses à l’ipilimumab était de seulement 10 à 15% chez les patients atteints d’un mélanome métastatique, avec cependant une amélioration de la survie de 10,1 mois dans le groupe ipilimumab versus 6,4 mois dans le groupe vaccin (p < 0,001). Une actualisation des données a été présentée au Congrès européen ESMO en 2013. Après plus de trois ans de suivi, un plateau de la courbe de survie est observé.3 Les patients, qui sont en vie à trois ans, ont une probabilité de survie quasiment inaffectée jusqu’à dix ans, même si une grande fraction d’entre eux n’est pas en rémission complète.
Le récepteur PD-1 (programmed-death-1) est un récepteur inhibiteur des cellules T qui interagit directement avec les ligands présents dans les tissus périphériques et les cellules tumorales, PD-L1 et PD-L2 (programmed-death ligand-1/2), empêchant l’activité cytotoxique de la cellule T. Cette interaction se produit dans la phase effectrice de la réponse immunitaire contrairement à l’ipilimumab qui agit dans la phase dite de priming.4
Les données cliniques prometteuses de l’anticorps anti-PD1 nivolumab, publiées en 2012,5 ont été confirmées en 2014 avec l’étude de phase 1 d’un autre anticorps monoclonal anti-PD1, le pembrolizumab.6 Ce dernier a montré un taux de réponses de 26% après un suivi de huit mois. Le traitement a été bien toléré. Les effets secondaires les plus fréquents étaient la fatigue (33 à 37%), des démangeaisons (19 à 26%) et un rash cutané (18%). Les effets secondaires de grade 3 ou 4 ont été rares (6%) et comprenaient des hépatites auto-immunes, des diarrhées, des hypophysites, des rashs, des pancréatites ou des pneumonies. La majorité de ces effets indésirables étaient réversibles après interruption du traitement et introduction d’une corticothérapie. Chez les patients préalablement traités avec l’ipilimumab, le nivolumab a montré des taux de réponses plus élevés que la chimiothérapie. L’étude de phase 3 en première ligne avec nivolumab versus dacarbazine a montré une augmentation de la survie à une année de 72,9% avec le nivolumab versus 42,1% avec la chimiothérapie. Le taux de réponses obtenu était de 40% plus favorable qu’avec l’immunothérapie par ipilimumab.7
En raison de leur mécanisme d’action différent, les deux cibles thérapeutiques (CTLA-4 et PD1) peuvent être inhibées en même temps pour obtenir un effet synergique. L’étude de phase 1 combinant le nivolumab et l’ipilimumab a confirmé ce synergisme théorique. Cette combinaison est actuellement testée dans une étude de phase 3.8 Le taux de réponses observé avec la combinaison a été de 61%, versus 11% dans le groupe ayant reçu l’ipilimumab seul. La toxicité de cette combinaison est plus importante que les deux monothérapies (54% de toxicité de grade 3 ou 4 avec la combinaison versus 24% avec l’ipilimumab seul) mais la majorité des événements peuvent être résolus avec un traitement immunosupresseur.
Les études de phases 1 à 3 avec l’ipilimumab ont montré que les effets secondaires auto-immuns sont très fréquents (60%).1 Les effets secondaires sévères (de grade 3 ou 4) sont présents chez 10 à 15% des patients, affectant spécialement le tube digestif, le foie, la peau et le système endocrine. Les premiers effets secondaires à apparaître sont les effets secondaires cutanés, en moyenne trois à quatre semaines après la première administration. Après six à sept semaines, les effets secondaires touchant le tractus gastro-intestinal et le foie surviennent et c’est seulement après neuf semaines que les effets secondaires d’origine endocrine se développent (figure 1).9,10 Il faut signaler qu’il s’agit d’analyses rétrospectives d’essais cliniques. Ces effets indésirables peuvent apparaître à n’importe quel moment pendant le traitement.
La majorité des patients (40%) présentent une toxicité cutanée (démangeaisons, rash ou vitiligo), habituellement d’intensité légère (grade 1). L’apparition du rash maculopapulaire peut être expliquée par une stimulation périvasculaire lymphocytaire.11 Normalement, il n’est pas nécessaire d’arrêter la thérapie. L’utilisation de corticostéroïdes topiques de classe III ou IV (par exemple, bêtaméthasone 0,1%) ou une hydratation avec des crèmes à base d’urée et/ou de polidocanol (Cold Cream 5%) sont recommandées.10 En cas de non-amélioration d’une toxicité de grade 1-2 après 1-2 semaines de traitement topique, une corticothérapie orale avec de la prednisone à la dose de 1 mg/kg/jour doit être introduite. En cas de toxicité cutanée de grade 3, le traitement doit être suspendu, jusqu’à une résolution de la toxicité cutanée au moins au grade 1 et une corticothérapie orale doit être administrée. En cas de rash de grade 4 ou de prurit de grade 3, le traitement doit être arrêté définitivement et une corticothérapie par voie intraveineuse doit être introduite.
Les diarrhées sont des effets secondaires aussi très fréquents (27 à 31%) et environ 12% des patients peuvent avoir une colite de grade 3 ou 4, avec un risque de perforation intestinale allant jusqu’à 0,5%.10 Tous les patients doivent être surveillés et une origine infectieuse doit être exclue. Histologiquement, l’infiltrat peut être neutrophilique, lymphocytaire ou mixte. Le côlon descendant est le site le plus fréquemment affecté.
Chez les patients avec des symptômes légers (grade 1 ou 2), un traitement de lopéramide est indiqué. En cas de non-amélioration après 5-7 jours, une corticothérapie de prednisone à la dose de 1 mg/kg per os est indiquée. Dès l’amélioration des symptômes, les corticoïdes doivent être sevrés sur au moins quatre semaines.
Un examen endoscopique est recommandé en cas de diarrhées de grade 3 ou 4, ou grade 2 persistantes, ou de rectorragie (rectosigmoïdoscopie). Le patient doit être hospitalisé et recevoir une corticothérapie par voie intraveineuse (par exemple, méthylprednisolone à la dose de 2 mg/kg/jour). En cas de symptômes réfractaires, un traitement anti-TNF par infliximab (5 mg/kg) en dose unique est indiqué.
Une imagerie doit être effectuée en cas de douleur abdominale sévère ou de signes de péritonite. La prise en charge de la colite auto-immune est décrite dans l’algorithme 1 de la figure 2.
Une toxicité hépatique sur la forme d’hépatite auto-immune peut être aussi observée dans 8% des cas. Une évaluation des transaminases et de la bilirubine doit être effectuée avant chaque administration. D’autres causes d’élévation des enzymes hépatiques doivent être exclues (métastases hépatiques, hépatite virale ou autres médicaments). En cas d’élévation des transaminases supérieure à 8 fois la norme ou de la bilirubine supérieure à 5 fois la norme, le patient doit être hospitalisé pour une corticothérapie par voie intraveineuse. La prise en charge de la toxicité hépatique est décrite dans l’algorithme 2 de la figure 2.
La toxicité endocrine se manifeste le plus fréquemment sous la forme d’une hypophysite, plus rarement comme une thyroïdite et occasionnellement comme une insuffisance surrénalienne primaire.12
L’hypophysite reste un effet indésirable rare (1-6%) en monothérapie. Les symptômes cliniques incluent céphalées, nausées, vertiges, troubles visuels et asthénie. Le bilan biologique avec ACTH, cortisol basal, TSH, T4 libre, T3 libre, FSH, LH et testostérone (homme) permet de poser le diagnostic. Une IRM cérébrale doit être effectuée, qui montre le plus fréquemment une tuméfaction et un réhaussement de l’hypophyse (figure 3). Celle-ci permet aussi d’exclure une métastase qui est le diagnostic différentiel. Une fois le diagnostic confirmé, une consultation d’endocrinologie doit être demandée. La prise en charge de l’hypophysite (algorithme 3 de la figure 2) réside aussi en l’administration de stéroïdes à haute dose (méthylprednisolone à la dose de 1-2 mg/kg ou déxaméthasone 4 mg toutes les six heures) avec un sevrage progressif sur 4-6 semaines. Il s’agit d’une complication potentiellement irréversible et un traitement d’hydrocortisone à dose physiologique doit souvent être maintenu au long cours. Une substitution de l’axe thyréotrope et gonadotrope doit être effectuée en cas d’atteinte. La récupération de la fonction thyroïdienne a été décrite dans 37 à 50% des cas.
D’autres effets indésirables rapportés chez les patients sous immunothérapie sont :
Les anti-PD-1/anti-PD-L1 ont une meilleure tolérance clinique, avec surtout moins de toxicité digestive. Cependant, la toxicité pulmonaire sous forme de pneumonie autoimmune, qui reste rare avec cette classe de médicaments, est plus fréquente par rapport au traitement d’ipilimumab en raison de la présence des récepteurs PD-L2 dans le poumon.
Les nouvelles immunothérapies ont permis, pour la première fois, de modifier significativement la survie des patients souffrant d’un mélanome de stade IV. Ces approches se caractérisent par un éventail de toxicités nouvelles qui doivent être connues non seulement des oncologues médicaux, mais également des internistes, des urgentistes et de tous les acteurs de la prise en charge des patients oncologiques. Une détection rapide et l’application précoce des algorithmes présentés dans cette revue permettent la résolution complète des symptômes dans la quasi-totalité des cas. Toutefois, si ces symptômes sont ignorés, l’évolution peut aboutir à des toxicités sévères pouvant même entraîner le décès.
> Les patients sous immunothérapie pour un mélanome métastatique doivent être pris en charge rapidement lors de l’apparition d’une toxicité immunologique au moyen des algorithmes disponibles
> Les principales toxicités immunologiques sont cutanées, gastro-intestinales, hépatiques et endocrines
> Le développement des immunothérapies a permis d’obtenir une prolongation significative de la survie des patients atteints de mélanome
In recent years the therapy of metastatic melanoma has been revolutionized from a disease with very few efficient treatment options to one with access to multiple therapies which can impact on patient survival. Two main classes of therapies have been developed : 1. Immunotherapy by immune checkpoint inhibitors and 2. Small molecule inhibitors of the MAPK pathway. Immunotherapies achieved by either inhibition of CTLA-4 or the PD1/PD-L1 axes are impacting the overall survival in an important fraction of patients. In addition, the side effects of these immune therapy approaches require early detection by all the specialists involved as well as early management according to precise guidelines for optimal outcome.