L’occlusion coronaire totale chronique (CTO) est considérée comme la dernière frontière dans le traitement percutané de la maladie coronarienne. Bien que présentes chez 15-30% des patients, les CTO sont très rarement revascularisées de manière percutanée (
Dans un entretien réalisé deux semaines avant son décès accidentel en 1985, Andreas Gruentzig, le père de l’angioplastie coronarienne, avait prédit l’importance du traitement de l’occlusion coronaire totale chronique (chronic total occlusion, CTO) en cardiologie interventionnelle : «70% des patients qui sont récusés en vue d’une angioplastie coronarienne sont des patients avec une CTO dans au moins une des artères coronaires. La CTO est un réel problème ; si nous ne sommes pas capables de résoudre la problématique causée par la CTO, nous ne pourrons probablement jamais aborder la question de l’angioplastie de la maladie coronarienne pluritronculaire». Aujourd’hui, près de 40 ans après la première angioplastie coronaire, le traitement percutané des lésions de CTO demeure un défi technique majeur en cardiologie interventionnelle et constitue le dernier obstacle pour permettre à une revascularisation coronarienne complète dans le traitement percutané de la maladie coronarienne pluritronculaire. L’intérêt pour le traitement percutané des CTO a longtemps été limité par la complexité et la difficulté techniques de ces procédures caractérisées par des taux de succès plus faibles et de complications plus élevés, par rapport à l’angioplastie des lésions non CTO. Les développements récents dans le domaine de la revascularisation des CTO ont suscité un regain d’intérêt pour le traitement percutané de ces lésions coronaires complexes.
Dans le document de consensus élaboré par un groupe d’experts européens (EuroCTO Club),1 une CTO est définie par l’absence complète de flux coronaire antérograde au sein de l’occlusion d’un segment d’une artère coronaire datant de ≥ 3 mois, sur la base de la présentation clinique, les caractéristiques angiographiques ou l’existence d’une imagerie coronarienne préalable (figures 1, 2 et 3). Dans la pratique clinique, l’ancienneté d’une occlusion coronaire est difficile à évaluer avec certitude et elle est souvent déterminée sur la base des antécédents médicaux et des symptômes du patient au cours des trois mois précédents le diagnostic.
Les lésions de CTO sont fréquentes dans l’activité contemporaine de la cardiologie interventionnelle. Leur incidence varie dans la littérature entre 16 et 50% chez les patients avec une maladie coronarienne significative (sténose ≥ 50% ou ≥ 70%) dans au moins une artère coronaire.2,3 Les études observationnelles montrent que 15 à 30% des patients avec une suspicion de maladie coronarienne et bénéficiant d’une coronarographie diagnostique présentent une CTO et que cette proportion tend à augmenter avec l’âge.3,4
La présentation clinique des patients avec une CTO est très variable, entre une angine de poitrine de novo ou chronique, une symptomatologie atypique, une ischémie myocardique silencieuse, une insuffisance cardiaque d’origine ischémique symptomatique (dyspnée) ou une découverte fortuite lors de l’angioplastie d’une autre artère coronaire en cas de syndrome coronarien aigu (SCA).1 Le mode de présentation intiale est le plus fréquemment une maladie coronarienne stable (MCS), bien qu’environ 50% des patients se présentent avec un SCA.3 Dans un registre canadien, environ 75% des patients avec une CTO sont symptomatiques sous la forme d’un angor d’effort, alors que seulement 5% des patients sont asymptomatiques.3 Ce même registre montre que plus de 50% des patients avec une CTO ont une fonction systolique ventriculaire gauche (VG) normale, alors que seulement 17% des patients présentent une dysfonction VG importante ou sévère.3 Les caractéristiques cliniques diffèrent de celles des patients avec une maladie coronarienne sans CTO : les patients avec une CTO sont en moyenne plus âgés, plus fréquemment de sexe masculin et possèdent un profil de risque cardiovasculaire plus élevé avec une prévalence significativement plus importante de tabagisme actif, diabète, hypertension artérielle, hyperlipidémie, antécédent d’infarctus du myocarde, accident cérébrovasculaire, insuffisance cardiaque et artériopathie périphérique.3 Dans la majorité des cas, la CTO est localisée au niveau de l’artère coronaire droite (47%) et des segments proximal et/ou moyen (78%).3 La CTO est située dans 20% des cas au niveau de l’artère interventriculaire antérieure, 16% au niveau de l’artère circonflexe et 17% au niveau de plusieurs artères coronaires simultanément.3
Les études histopathologiques ont grandement contribué à la compréhension des particularités anatomiques et physiopathologiques des lésions de CTO permettant le développement de matériel et de techniques d’angioplastie spécifiques destinés à accroître les chances de succès en cas de recanalisation percutanée.
La plaque de la CTO se modifie avec le temps et la durée de l’occlusion coronarienne.2 L’occlusion thrombotique aiguë à l’origine de la CTO évolue progressivement vers la formation d’une plaque «molle» pour finalement constituer une plaque «dure» de nature fibrocalcique, caractérisée par des degrés variables de calcification et dont le contenu en collagène et en calcium augmente avec l’ancienneté de la CTO.2 Le collagène constitue l’élément prédominant de l’extrémité (chape, cap) proximale de l’occlusion et il agit comme une barrière occlusive en partie responsable du taux plus élevé d’échecs de revascularisation percutanée en comparaison des lésions non CTO.2
Les lésions de CTO sont caractérisées par la présence fréquente d’une intense néoangiogenèse, composée par un réseau interconnecté de microvaisseaux d’un diamètre moyen de 200 μm qui se développe selon un pattern temporel et géographique déterminé.2 Avec l’ancienneté de la CTO, un microcanal intravasculaire unique et tortueux est retrouvé dans 85% des lésions.2
La circulation collatérale constitue un sytème de bypass naturel capable de fournir un flux sanguin rétrograde au niveau du territoire myocardique dépendant de la CTO (figures 2 et 3). Les collatérales se développent à partir d’anastomoses intra-artérielles préexistantes et contribuent à limiter le dommage myocardique et à maintenir la viabilité du myocarde dans le territoire de la CTO.2 Cependant, la présence d’une circulation collatérale ne guarantit pas l’absence d’ischémie myocardique ou la préservation de la viabilité du myocarde.5 Inversément, l’absence de visualisation d’une circulation collatérale n’est pas nécessairement synonyme d’une faible probabilité de viabilité myocardique, dans la mesure où de nombreuses artères collatérales possèdent un diamètre plus petit (< 100-200 μm) que le pouvoir de résolution de l’angiographie coronarienne et ne peuvent par conséquent pas être visualisées.6
Le traitement percutané de la CTO a longtemps été considéré comme inutile, techniquement difficile, coûteux et associé à un risque élevé de complications. Les options thérapeutiques sont longtemps restées prudentes et limitées à un traitement médical conservateur dans les atteintes coronariennes monotronculaires, même en présence d’une ischémie myocardique documentée, ou à un traitement chirurgical dans les atteintes coronariennes bi ou tritronculaires.2 Les données d’un registre canadien récent démontrent que, bien que 18% des patients avec une maladie coronarienne significative présentent une CTO, seulement 10% de ceux-ci bénéficient d’une revascularisation percutanée. La grande majorité des patients bénéficient d’un traitement médical conservateur (64%) ou d’une chirurgie cardiaque (26%).3 Cette discordance entre l’incidence élevée de ces lésions et leur faible taux de revascularisation, en particulier percutanée, témoigne du mythe répandu au sein de la communauté médicale considérant la CTO comme une lésion coronaire de nature bénigne et de la méconnaissance des bénéfices cliniques potentiels de la revascularisation de ces lésions. Actuellement, on considère que les mêmes recommandations de prise en charge et de traitement devraient être appliquées pour tous les patients avec une MCS, avec ou sans CTO.
La présence d’une CTO est associée à un pronostic clinique défavorable, en lien avec une augmentation significative de la mortalité par rapport aux patients sans CTO.7 Chez les patients avec un infarctus aigu du myocarde bénéficiant d’une angioplastie coronarienne primaire, la présence d’une CTO dans une artère coronaire «non coupable» est associée à une augmentation de la taille de l’infarctus, une diminution de la fonction systolique du VG et constitue un facteur prédicteur indépendant de survie, avec une augmentation du risque de mortalité à court et long termes.2,8,9 Finalement, la présence d’une CTO est associée à une augmentation du risque d’événements cardiovasculaires majeurs et de mortalité en cas de lésion sur une autre artère coronaire, l’artère coronaire avec la CTO étant incapable de fournir une circulation collatérale.2
Le bénéfice de la revascularisation des lésions de CTO reste cependant controversé, en l’absence d’étude randomisée contrôlée comparant le bénéfice clinique d’une revascularisation coronarienne versus un traitement médical conservateur, et d’une revascularisation coronarienne percutanée versus chirurgicale. L’évidence actuelle provient de multiples études rétrospectives et de registres comparant le devenir clinique après un succès versus un échec de recanalisation percutanée.4,10–17 Les données de ces études démontrent que le succès de recanalisation percutanée d’une CTO est associé à une amélioration de la symptomatologie clinique, de la capacité fonctionnelle et de la qualité de vie,10 une amélioration de la fonction systolique et du volume télédiastolique du VG,11 une amélioration de la stabilité électrique myocardique responsable d’une diminution du risque d’arythmies ventriculaires malignes,12 une diminution de la nécessité d’une revascularisation chirurgicale4,13–15 et une amélioration de la survie à court et long termes,4,11,14,15 en particulier pour les patients avec une maladie coronarienne pluritronculaire bénéficiant d’une revascularisation coronarienne complète16,17 (tableau 1). La limitation principale de ces études est le biais de sélection inhérent aux études observationnelles non randomisées et l’absence d’un groupe contrôle constitué de patients avec une CTO non revascularisée et traitée de manière conservatrice. Des études prospectives randomisées sont nécessaires pour confirmer le bénéfice clinique de la revascularisation percutanée des CTO.
L’objectif principal de la revascularisation coronarienne dans la MCS demeure l’amélioration de la qualité de vie du patient. Plusieurs études ont montré que la recanalisation d’une CTO est associée à une amélioration de la symptomatologie d’ischémie myocardique, la capacité fonctionnelle et la qualité de vie.10,13 FACTOR a été la première étude à démontrer l’importance des bénéfices cliniques de la revascularisation percutanée sur l’état de santé des patients avec une CTO. Dans cette étude, le succès de recanalisation percutanée est associé à une diminution significative de la fréquence des épisodes d’angine de poitrine et à une amélioration significative de la capacité physique et de la qualité de vie.10 De manière intéressante, l’étude montre que ce bénéfice est comparable à celui constaté chez les patients après une revascularisation percutanée ou chirurgicale de lésions non CTO.10
Plusieurs petites études observationnelles ont montré un effet bénéfique de la revascularisation d’une CTO sur la fonction systolique et le volume télédiastolique du VG. Dans une méta-analyse récente,11 incluant 34 études et 2243 patients, le succès de recanalisation percutanée d’une CTO est associé à une amélioration significative de la fraction d’éjection (+ 4,4%) et du volume télédiastolique (- 6,1 ml/m2) du VG. Au-delà de la récupération de myocarde viable, ces données témoignent de l’effet bénéfique potentiel de la recanalisation d’une CTO sur la réduction de la dilatation et du remodelage adverse du VG.
Dans une étude retrospective incluant 162 patients porteurs d’un défibrillateur automatique implantable (DAI) pour une dysfonction systolique du VG secondaire à une cardiomyopathie d’origine ischémique, la présence d’une CTO est associée à une augmentation significative du risque de survenue d’arythmies ventriculaires nécessitant une thérapie par le DAI (hazard ratio, HR : 3,5).12 Ces données suggèrent un effet bénéfique potentiel de la recanalisation d’une CTO chez les patients avec une dysfonction systolique du VG et/ou porteurs d’un DAI pour réduire le trigger ischémique responsable d’une automaticité anormale des cellules myocardiques ventriculaires et du risque d’arythmie ventriculaire.
Plusieurs études observationnelles ont montré une diminution significative de la nécessité d’une revascularisation coronarienne chirurgicale à long terme en cas de succès de revascularisation percutanée d’une CTO. Dans une méta-analyse récente de 23 études observationnelles incluant 12 970 patients,15 le succès de recanalisation d’une CTO est associée à une diminution significative de 75% de la nécessité d’une revascularisation chirurgicale. Dans une large étude observationnelle internationale prospective incluant 1791 patients, le succès de revascularisation percutanée d’une CTO constitue un facteur prédicteur indépendant de non-recours à une revascularisation chirurgicale à long terme avec une diminution du risque de 79%.4
Les résultats de nombreuses études observationnelles coïncident pour suggérer une amélioration significative de la survie en cas de succès de revascularisation d’une CTO en comparaison des patients avec un échec de recanalisation.4,11,14–17 Deux larges études observationnelles avec un suivi au long cours montrent qu’un succès de revascularisation d’une CTO est associé à une réduction significative de 68%15 de la mortalité de toutes causes confondues et de 60% de la mortalité d’origine cardiovasculaire.4 Ces données sont confirmées par les résultats d’une méta-analyse récente incluant 27 études et 15 432 patients qui confirment qu’un succès de revascularisation d’une CTO est associé à une réduction significative de 48% de la mortalité à long terme.11
De manière intéressante, un large registre anglais récent, incluant 13 443 patients, démontre que le succès de recanalisation d’une CTO est associé à une réduction significative de 28% de la mortalité18 et que, en contradiction avec les données d’un autre registre incluant 1734 patients qui suggère un bénéfice en termes de mortalité uniquement en cas de recanalisation des artères interventriculaire antérieure et circonflexe,19 cette étude montre que le bénéfice en termes de survie est indépendant de l’artère épicardique recanalisée.18 De manière importante, l’étude révèle que le bénéfice clinique dépend de la qualité de la revascularisation coronarienne, avec un taux de mortalité significativement plus faible chez les patients avec une revascularisation coronarienne complète versus incomplète (HR : 0,70) ou avec un échec de revascularisation (HR : 0,61).18 Ces résultats confirment l’analyse post-hoc des résultats à quatre ans de l’étude SYNTAX17 comparant une revascularisation percutanée versus chirurgicale pour les patients avec une maladie coronarienne tritronculaire ou du tronc commun. Cette étude montre que la présence d’une CTO constitue le facteur prédictif indépendant principal de revascularisation coronarienne incomplète chez les patients bénéficiant d’une revascularisation percutanée et qu’elle est associée à une augmentation significative du taux d’événements cardiovasculaires majeurs et de mortalité. Ces données témoignent de l’importance que représente la revascularisation percutanée complète des patients avec une CTO afin d’améliorer leur pronostic clinique à long terme.
L’objectif principal de la revascularisation des patients avec une CTO est l’amélioration des symptômes et/ou du pronostic clinique sur la base d’une évaluation individuelle des risques et des bénéfices, en tenant compte de la maladie coronarienne mais également de la situation globale du patient. Selon les recommandations de la Société européenne de cardiologie,20 la recanalisation percutanée d’une CTO doit être considérée chez les patients pour lesquels une réduction de l’ischémie dans le territoire myocardique correspondant est attendue et/ou pour soulager la symptomatologie angineuse (classe de recommandation IIa, niveau d’évidence B). De manière pratique, l’indication à une revascularisation percutanée d’une CTO doit être considérée en présence de :
Le bénéfice clinique de la revascularisation d’une CTO est étroitement lié à la quantité de myocarde ischémique.20 La détermination de la présence et de l’étendue d’une ischémie myocardique dans le territoire de la CTO est par conséquent nécessaire afin d’identifier les patients pouvant bénéficier d’une revascularisation, en particulier chez les patients asymptomatiques.2 L’évidence actuelle suggère que le territoire myocardique dépendant d’une CTO constitue une zone d’ischémie myocardique persistante malgré la présence d’une circulation collatérale bien développée.21,22 La circulation collatérale permet de bien préserver la viabilité myocardique mais elle ne prévient la présence d’une ischémie myocardique au sein du territoire dépendant de la CTO. L’analyse des résultats d’une étude incluant des patients avec une CTO23 pour lesquels une recherche d’ischémie myocardique par une imagerie de perfusion a été effectuée avant et après un succès de recanalisation percutanée, suggère qu’une ischémie myocardique ≥ 12,5% du total du myocarde correspondrait au seuil optimal permettant d’identifier les patients pour lesquels la recanalisation de la CTO serait associée à une réduction significative de l’ischémie myocardique. Cependant, de larges études randomisées sont nécessaires pour valider de manière prospective le seuil d’ischémie myocardique associé à une amélioration du pronostic clinique.
La documentation de la présence et de l’étendue d’une viabilité myocardique dans le territoire de la CTO constitue un prérequis indispensable pour justifier l’indication à la revascularisation et identifier les patients pouvant bénéficier le plus d’une recanalisation percutanée. La probabilité de récupération de la fonction systolique globale et segmentaire du VG diminue avec l’étendue de myocarde non viable.2 Plusieurs modalités d’imagerie non invasives sont actuellement disponibles pour évaluer la viabilité myocardique (échocardiographie de stress, PET-CT myocardique, IRM). Une combinaison de paramètres de viabilité myocardique évalués par IRM cardiaque, incluant la réserve contractile à la dobutamine, l’étendue transmurale de l’infarctus et l’épaississement de la paroi du reste des segments myocardiques normaux, permet de prédire de manière précise l’amélioration de la fonction myocardique avant une revascularisation de CTO.24
L’évolution technologique du matériel d’angioplastie, le développement de nouvelles techniques et stratégies opératoires et l’apparition de cardiologues interventionnels spécialement formés ont contribué à améliorer les taux de succès de ces procédures complexes25 (figure 3). Les taux de succès des procédures d’angioplastie de CTO sont significativement plus faibles que ceux des lésions non CTO (59% vs 96%, respectivement),25 avec une grande variation des résultats en fonction du volume opératoire du centre d’angioplastie et de l’expérience de l’opérateur (85-90% pour les opérateurs spécialisés les plus expérimentés).25 Cette amélioration des taux de succès procéduraux est associée à une augmentation progressive de la complexité des lésions de CTO traitées au cours de la dernière décennie,26 contribuant ainsi à repousser toujours plus loin les limites de ces interventions percutanées complexes. L’utilisation de stents actifs a également contribué à améliorer les résultats à long terme de la revascularisation percutanée des CTO27 avec des taux de perméabilité à 6-9 mois de l’ordre de 97% pour les stents actifs de dernière génération,28 comparables aux taux de perméabilité à une année des pontages mammaires (99%) et supérieurs à ceux des pontages veineux (80%) utilisés en cas de revascularisation chirurgicale.29
L’analyse des données du registre japonais J-CTO30 a permis d’identifier cinq variables permettant de prédire de manière indépendante la difficulté de recanalisation percutanée d’une CTO : un échec préalable de recanalisation et la présence d’un moignon non effilé (blump stump), d’une courbure > 45°, d’une calcification au niveau de la lésion ou d’une longueur d’occlusion ≥ 20 mm. Ces paramètres constituent le score J-CTO30 qui permet de classer les lésions de CTO en quatre catégories de difficulté croissante pour prédire les chances de succès d’une recanalisation percutanée.
Les taux de complications lors de la recanalisation percutanée des lésions de CTO sont plus élevés, en comparaison de ceux de l’angioplastie des lésions non CTO.2,25 Cependant, les données de deux registres européen et américain25,31 montrent que les taux de complications restent faibles et similaires à ceux des lésions non CTO lorsque les procédures sont effectuées par des opérateurs expérimentés. De manière générale, le traitement percutané d’une CTO est cependant associé à une prolongation significative du temps de procédure et d’exposition à la fluoroscopie,25,31 à une utilisation plus importante de produit de contraste25,31 et à une incidence significativement plus élevée de perforation coronarienne.31
Plusieurs grandes études prospectives randomisées (EURO-CTO, DECISION-CTO, EXPLORE) sont actuellement en cours d’inclusion pour évaluer les bénéfices cliniques de la revascularisation percutanée des CTO par rapport à un traitement médical optimal sur la base de critères d’évaluation cliniques solides. Les résultats de ces études ne sont pas attendus avant 2018 et permettront vraissemblablement de combler le vide d’évidence randomisée actuel et d’établir définitivement la revascularisation percutanée comme une alternative thérapeutique solide dans le traitement des patients avec une CTO.
Les développements récents dans le domaine de la revascularisation percutanée des CTO ont ouvert une nouvelle voie dans le traitement de ces lésions coronaires complexes. Le paradigme actuel montre que, bien que les lésions de CTO soient fréquentes et associées à un pronostic clinique défavorable, une proportion encore élevée de patients est traitée de manière conservatrice. Une évidence solide démontre cependant les bénéfices cliniques de la revascularisation percutanée des lésions de CTO, en particulier une amélioration de la symptomatologie clinique, de la capacité fonctionnelle, de la qualité de vie et, surtout, de la survie à long terme en cas de succès de recanalisation. Une sélection optimale des patients, avec la documentation préalable de la présence d’une ischémie et d’une viabilité myocardiques dans le territoire de la CTO, permet d’identifier les patients pouvant bénéficier d’une revascularisation coronarienne en termes de pronostic clinique. L’évidence montre que les taux de succès et de complications du traitement percutané sont étroitement liés à l’expérience des centres et des opérateurs, suggérant que les patients avec une CTO devraient être référés dans les centres spécialisés afin d’optimaliser les chances de succès et de réduire les risques de complications du traitement de ces lésions complexes. Les résultats des études randomisées actuellement en cours devraient permettre d’établir définitivement au cours des prochaines années la revascularisation percutanée comme une alternative thérapeutique de choix dans le traitement des patients avec une CTO.
> L’occlusion coronaire totale chronique (CTO) est une lésion coronaire fréquente, présente chez 15 à 30% des patients avec une maladie coronarienne, et elle est associée à un pronostic clinique défavorable
> Dans la pratique clinique contemporaine, la majorité des patients avec une CTO sont traités de manière conservatrice, alors que seulement 10% des patients bénéficient d’une revascularisation percutanée
> La revascularisation percutanée des CTO est associée à une amélioration significative des symptômes, de la capacité fonctionnelle, de la qualité de vie et de la mortalité au long terme
> Les patients avec une CTO devraient bénéficier d’une revascularisation percutanée dans des centres spécialisés et par des opérateurs expérimentés afin d’augmenter les chances de succès et de diminuer les risques de complications de la procédure
Chronic total occlusions (CTOs) are considered as the last frontier of percutaneous coronary intervention (PCI). Despite an incidence of 15-30%, CTOs are largely undertreated (