La prévalence et l’incidence du diabète sont en augmentation constante ces dernières décennies et ont atteint des taux épidémiques dans plusieurs pays. Afin de différencier le diabète de type 1 du diabète de type 2, différents critères doivent être pris en compte, tels que l’âge du patient, l’indice de masse corporelle, la présence d’acidocétose lors de décompensation, la sécrétion résiduelle d’insuline, l’anamnèse familiale et le dosage des auto-anticorps pancréatiques. Toutefois, cette distinction n’est pas toujours évidente. En effet, certains patients vont présenter des arguments à la fois pour l’une et l’autre de ces deux classes. Il s’agit de diabètes intermédiaires comme le latent autoimmune diabetes in adults (LADA) ou le ketosis prone diabetes (KPD).1–4 Il a été suggéré que les diabètes de type 1 et de type 2 représentent les extrêmes du spectre de la maladie diabétique et que la traditionnelle classification dichotomique fait place à une classification de plus en plus nuancée.
Cet article a pour objectif de résumer brièvement les types classiques de diabète et de s’attarder sur les formes intermédiaires, moins connues, mais dont le diagnostic revêt de l’importance en raison de la prise en charge et de l’évolution clinique qui sera différente d’un type à l’autre.
Le diabète de type 1 consiste en une destruction auto-immune des cellules β du pancréas, résultant en une absence complète de sécrétion d’insuline. En conséquence, en cas de décompensation diabétique, les patients développent une acidocétose. La recherche d’auto-anticorps pancréatiques permet de confirmer le diagnostic de cette maladie auto-immune. Les auto-anticorps recherchés sont les anticorps anti-acide glutamique décarboxylase (GAD), les anticorps antiprotéine tyrosine phosphatase (IA2), les anticorps anti-îlots de Langerhans et les anticorps antitransporteurs du zinc 8 (ZnT8). Un ou plusieurs de ces auto-anticorps sont retrouvés chez 85-90% des patients au moment du diagnostic.5 A noter qu’il existe un diabète de type 1 idiopathique sans évidence d’auto-immunité, que l’on classifie en diabète de type 1b, et qui touche essentiellement des sujets de descendance africaine ou asiatique.6
Le diabète de type 2 est quant à lui associé à une insulinorésistance qui s’inscrit en général dans un contexte d’obésité. La sécrétion d’insuline est généralement conservée les premières années après la découverte de la maladie mais ne permet pas de répondre de façon suffisante à la résistance augmentée à l’insuline.5 L’anamnèse familiale est en général positive.
Le diabète monogénique (MODY, maturity-onset diabetes in the young) implique également un défaut de sécrétion d’insuline mais en présence de cellules β intactes. Il s’agit en effet d’un défaut de production d’insuline impliquant des mutations génétiques à différents niveaux. Un âge inférieur à 25 ans lors du diagnostic, une anamnèse familiale positive (transmission autosomale dominante), des faibles besoins en insuline et une absence de signes cliniques de résistance à l’insuline (acanthosis nigricans, obésité, etc.) doivent faire évoquer ce diagnostic.7
Finalement, le diabète secondaire peut résulter d’une endocrinopathie par le biais d’un excès d’hormones (acromégalie, syndrome de Cushing, glucagonome, phéochromocytome, etc.), d’une atteinte du pancréas (pancréatite chronique, pancréatectomie, mucoviscidose, etc.), dans le contexte de syndromes génétiques ou encore médicamenteux (glucocorticoïdes, thiazides, agonistes β-adrénergiques, etc.).5 Le diabète cortico-induit8 et le new-onset diabetes after transplantation (NODAT)9 sont des types de diabète secondaires à la prise de glucocorticoïdes et de médicaments antirejet respectivement (tableaux 1 et 2).
Le diabète de type 1 reste le plus fréquent chez les enfants. L’étude SEARCH for Diabetes in Youth a montré une augmentation de la prévalence du diabète de type 1 de 23% chez les jeunes Américains entre 2001 et 2009, et une augmentation de 21% du diabète de type 2.10 L’augmentation de l’obésité et de la sédentarité chez les enfants et les adolescents a conduit à un accroissement du nombre de diabétiques de type 2 dans cette tranche de la population. L’apparition du diabète de type 2 est fréquente durant le pic pubertaire et probablement associée à une résistance transitoirement augmentée à l’insuline secondaire à une augmentation de l’hormone de croissance.11 L’appartenance ethnique et le sexe constituent des facteurs de risque supplémentaires. En effet, les Afro-Américains, les Hispaniques, les Asiatiques et les Amérindiens ont un risque augmenté de diabète de type 2.10 Il en est de même pour les jeunes femmes qui ont un risque augmenté de développer un diabète de type 2 par rapport aux jeunes hommes.10
Le diagnostic de diabète de type 1 repose classiquement sur la présentation clinique avec présence d’une acidocétose, une absence de signes cliniques d’insulinorésistance et sur la présence d’auto-anticorps. Néanmoins, ces signes cliniques sont de plus en plus souvent retrouvés dans le diabète de type 2. En effet, l’acidocétose est mise en évidence chez 20% des jeunes patients diabétiques de type 2 aux Etats-Unis,12 de façon semblable à celle retrouvée dans le KPD chez l’adulte.4 De plus, des auto-anticorps sont retrouvés chez les patients présentant cliniquement un tableau de diabète de type 2. En Allemagne, une étude a montré la présence d’auto-anticorps chez 46/128 enfants de 1-19 ans ayant été diagnostiqués diabétiques de type 2 (36%). Dans une plus grande étude effectuée aux Etats-Unis, 118/1206 enfants âgés de 10-17 ans lors du diagnostic de diabète de type 2 (9,8%) avaient des auto-anticorps positifs.13,14 Par analogie, ce sous-groupe de patients pourrait être assimilé aux patients adultes présentant un LADA.3 Des études supplémentaires sont nécessaires afin d’établir si cette population avec auto-anticorps développera un déficit de sécrétion d’insuline dans le futur.
Traditionnellement, l’âge (plus de 40 ans), la présence d’un syndrome métabolique ou d’une obésité, l’anamnèse familiale, l’absence d’auto-anticorps et la sécrétion d’insuline résiduelle (qui peut être évaluée par le dosage du C-peptide avant et après injection de glucagon) sont utilisés pour différencier le diabète de type 1 du diabète de type 2. Cependant, certaines présentations cliniques peuvent conduire à une mauvaise interprétation. En effet, les patients diabétiques de type 1 conservent une fonction sécrétoire durant les premières semaines ou mois suivant la décompensation diabétique (aussi appelée la phase de «lune de miel»). Dans ce contexte, un dosage de la fonction sécrétoire résiduelle de la cellule β mènerait à une erreur d’évaluation. De la même façon, un diabète de type 2 peut ne pas avoir été diagnostiqué durant des années avant qu’une insuffisance insulinique soit mise en évidence. Ces deux cas de figure peuvent conduire à une mauvaise interprétation de la classe de diabète et donc du traitement à introduire.
Deux sous-classes de diabète ont été décrites. Elles représentent des formes intermédiaires de diabète situées entre le type 1 et le type 2. Elles peuvent être corrélées aux variations présentées par les enfants et adolescents. Il s’agit du LADA et du KPD.
Le LADA est une forme hétérogène de diabète. Le diagnostic de LADA repose sur trois critères, bien que cela soit débattu : diagnostic à l’âge adulte (en général plus de 35 ans), auto-anticorps positifs, insulino-indépendance transitoire (en général durant au moins six mois).3 Les anticorps retrouvés sont dans 90% des cas des anti-GAD et dans 18-24% des anti-IA2 ou anti-ZnT8.15 Dans une étude norvégienne, la HUNT study, 41% des patients diagnostiqués avec un LADA ont eu une disparition des auto-anticorps après dix ans.16
Afin de différencier le LADA du diabète de type 1 ou 2, la présentation clinique, l’évolution clinique et le dosage des auto-anticorps seront d’une grande aide. En effet, la progression vers l’insulinothérapie est plus rapide en présence d’auto-anticorps. De plus, en présence de plusieurs types d’auto-anticorps (anti-GAD, anti-ZnT8 et anti-IA2), le risque de progression vers l’insulinothérapie est plus élevé.17 Bien que la présence d’un syndrome métabolique (obésité, dyslipidémie et hypertension artérielle) soit le plus souvent associée au diabète de type 2, il peut également être retrouvé chez les patients atteints d’un LADA (figure 1). En effet, dans l’étude finlandaise Botnia, 83% des patients diabétiques de type 2 et 33% de patients LADA présentaient un syndrome métabolique concomitant.18 Le dosage des auto-anticorps ainsi que la mesure de la réserve fonctionnelle des cellules β (test au glucagon) sont une aide utile au diagnostic. Finalement, le LADA peut être associé à d’autres atteintes auto-immunes, comme par exemple l’hypothyroïdie.
Le KPD est une forme intermédiaire de diabète qui partage également des caractéristiques de diabète de type 1 et de diabète de type 2. Il ne comporte pas la composante auto-immune retrouvée dans le LADA. Aussi appelé Flatbush diabetes, il a été décrit chez les jeunes Afro-Américains des banlieues de Brooklyn à New York. La présentation clinique est caractérisée par une décompensation acidocétosique et une dépendance transitoire à l’insuline. Dans 76% des cas, les patients n’auront en effet plus besoin d’insuline. En pratique, un arrêt progressif de l’insulinothérapie au profit d’antidiabétiques oraux, en l’absence de contre-indications, est possible dès l’amélioration de la glucotoxicité et si la dose d’insuline passe en dessous de 0,42 U/kg.19 Ces patients présenteront des récidives de décompensation acidocétosique dans 90% des cas dans les dix ans qui suivent.20 Les hommes obèses de peau noire sont le plus souvent touchés. Le système de classification du Baylor College of Medicine et de l’Université de Washington propose une classification en quatre sous-groupes. Elle fait une distinction en sous-groupes avec ou sans anticorps et avec ou sans réserve fonctionnelle des cellules β. Il existe dès lors quatre sous-groupes A+β- (patients avec anticorps et sans réserve fonctionnelle de cellules β), A+β+ (patients avec anticorps et avec réserve fonctionnelle de cellules β conservée), A-β- (patients sans anticorps et sans réserve fonctionnelle de cellules β) et enfin A-β+ (patients sans anticorps et avec réserve fonctionnelle de cellules β conservée). Ce système appelé Aβ s’est avéré le plus précis en termes de prédiction de la fonction β. La constellation obtenue permet de classer les patients dans l’un de ces quatre sous-groupes et dès lors d’orienter la prise en charge.4
La classification habituelle des patients en diabétiques de type 1 et de type 2 nécessite une attention particulière. En effet, l’apparition de formes superposées de diabète revêt une importance clinique dans la prise en charge de ces patients. Une erreur d’évaluation pourrait conduire à un traitement inadapté, raison pour laquelle il est important de savoir que ces formes de diabète intermédiaires existent. En cas de suspicion d’un tel cas, il est utile de collaborer avec les spécialistes pour débuter le traitement adéquat et instaurer un suivi spécialisé, si nécessaire.
> Un autre type de diabète doit être suspecté face à un(e) patient(e) dont la présentation clinique et l’évolution ne correspondent classiquement ni à un diabète de type 1 ni à un diabète de type 2
> Le LADA (latent autoimmune diabetes in adults) nécessite l’introduction d’une insulinothérapie le plus souvent dès six mois après le diagnostic
> Les patients présentant un KPD (ketosis prone diabetes) sont à risque de récidives de décompensations acidocétosiques nécessitant une insulinothérapie souvent temporaire