On ne plaisante plus avec la bioéquivalence. Du moins dans l’Union européenne. Le 16 juillet dernier, la Commission a imposé aux Etats membres de suspendre les autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments pour lesquels la partie clinique des études de bioéquivalence avait été réalisée sur le site de GVK Biosciences à Hyderabad en Inde – et ce depuis 2004. La décision de la Commission européenne prendra effet le 20 août 2015.
En France, cette décision avait été mise en œuvre dès que la procédure européenne l’avait rendue possible. Ainsi, les AMM de vingt-cinq spécialités génériques commercialisées concernées avaient été suspendues dès le 18 décembre 2014, puis huit autres le 5 février 2015. «Ces suspensions d’AMM ont été prises à titre de précaution, l’invalidation des études de GVK Biosciences ne signifie pas que les médicaments concernés présentent un risque pour la santé humaine. Elles n’ont entraîné aucune situation de rupture de stock compte tenu des alternatives disponibles sur le marché français» vient de rappeler l’Agence nationale française du médicament (Ansm).
Comment comprendre ? La procédure européenne fait suite à une inspection du site de GVK Biosciences à Hyderabad – inspection «qui a mis en évidence des irrégularités dans des documents associés à des essais de bioéquivalence réalisés sur ce site entre juillet 2008 et 2014». «Il est notamment apparu que tous les essais présentés comme ayant été réalisés ne l’avaient pas été» nous a, avec un sens aigu de l’euphémisme, confié un responsable de l’Ansm. Extrait d’un document officiel de l’Union européenne :
«Les résultats suivants ont été consignés dans le rapport de l’inspection française du 2 juillet 2014 auquel GVK Bio a répondu le 18 juillet 2014, et dans le rapport final de l’inspection, qui a été publié le 21 juillet 2014 : des manipulations de données d’électrocardiogrammes (ECG) ont été détectées dans chacun des neuf essais inspectés par l’Ansm. Ces manipulations de données suscitent des doutes quant à l’authenticité de tous les autres dossiers cliniques (…). Par conséquent, ils ont été considérés par l’Ansm comme non conformes aux Bonnes pratiques cliniques (BPC) et comme non fiables pour appuyer les demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM).
Les manipulations de données ont eu lieu au moins entre le mois de juillet 2008 et l’année 2013. La nature systématique des manipulations de données d’ECG, l’étendue de la période pendant laquelle elles ont eu lieu et le nombre de membres du personnel impliqués mettent en évidence de graves déficiences dans le système de qualité en vigueur à la clinique de GVK Bio à Hyderabad. Ils font également ressortir un manque de formation aux BPC, un manque de sensibilisation et de compréhension des membres du personnel de GVK Bio, un manque de compréhension par ces membres de l’importance de l’intégrité des données et des conséquences possibles de leurs actes, ainsi que l’absence d’une vue globale des activités d’essais cliniques menées par les investigateurs. La gravité des déficiences constatées et la non-conformité aux BPC à la clinique de GVK Bio à Hyderabad soulèvent des questions quant à la fiabilité des études menées entre 2008 et 2014 sur le site inspecté, ainsi que de la partie clinique de tous les autres essais de bioéquivalence menés avant 2008».
A la suite de cette découverte, toutes les spécialités autorisées dans l’Union européenne dont la partie clinique des études de bioéquivalence ont été réalisées sur ce site, ont fait l’objet d’une procédure européenne de réévaluation de leur rapport bénéfice/risque.1 L’ensemble des données fournies par les titulaires d’AMM et par GVK Biosciences a été réévalué. Pour certaines spécialités, les données complémentaires ont été considérées comme satisfaisantes et ces médicaments n’ont pas à faire l’objet de mesure de suspension.
«Les suspensions des AMM pourront être abrogées dès lors que la bioéquivalence avec un médicament de référence de l’UE sera établie sur la base de nouvelles données de bioéquivalence, précise-t-on auprès de l’Ansm. Pour sa part, la France procède actuellement aux évaluations des données fournies par les laboratoires et lève, au cas par cas, des suspensions d’AMM.»
Cette affaire soulève, entre autres questions, celle de savoir pour quelles raisons l’Inde devient un pays qui attire de plus en plus les promoteurs des essais cliniques ? Réponse du correspondant du Monde en Inde : «Avec près de 16% de la population mondiale, une grande diversité ethnique et près d’une maladie sur cinq recensées sur la planète, l’Inde est idéale pour tester un grand nombre de molécules. Seuls 2,7% des essais cliniques y sont effectués, mais ce chiffre a progressé de 3,7% depuis 2007, alors qu’il a chuté aux Etats-Unis et en Europe.» Avec le déplacement massif de la production des matières premières, le véritable motif d’inquiétude pharmaceutique est peut-être là.
L’avenir de la pharmacie est-il soluble dans la 3D et ses imprimantes ? La question vaut d’être posée avec une première mondiale que l’on doit à la FDA : l’administration américaine vient de donner le feu vert au premier médicament élaboré avec la technologie de la 3D. C’est le Spritam (leveteracitam) d’Aprecia Pharmaceuticals. C’est un anticonvulsivant généricable depuis 2008.
La FDA avait déjà donné son feu vert à des prothèses médicales 3D mais il s’agit ici de la première spécialité pharmaceutique ; elle est issue d’une technique développée sous le nom de ZipDose.2 La firme vante les mérites de cette technique en termes de galénique, de biodisponibilité et de «médecine personnalisée».
«Depuis un demi-siècle, nous avons fabriqué des comprimés dans des usines et nous les avons expédiés dans les hôpitaux. Pour la première fois, ce nouveau processus signifie que nous pouvons produire des comprimés beaucoup plus près du patient » se félicite pour sa part, sur le site de la BBC, le Dr Mohamed Albed Alhnan, professeur de pharmacie (University of Central Lancashire).
Ajuster au microgramme près la dose de principe actif en fonction des besoins de tel ou tel patient… ? Après celui de la médecine, l’Eldorado de la pharmacie personnalisée… ? Spritam 3D sera sur le sol américain à compter du premier trimestre 2016. Un peu partout ailleurs dans le monde ensuite. En Suisse, en France, les pharmaciens hospitaliers auront-ils, bientôt, des imprimantes 3D ? Et leurs confrères qui œuvrent dans leurs officines ? Si oui, à quels prix ?