Cet article décrit les contraceptifs médicaux selon une classification en deux groupes et propose au médecin généraliste de travailler sur la contraception en employant l’approche BERCER afin de favoriser l’observance. Les contraceptifs réversibles de longue durée d’action peuvent être recommandés à toute femme n’envisageant pas de grossesse. Ils ne demandent souvent que peu d’effort pour une efficacité élevée. Un enseignement en matière de contraception d’urgence est requis en cas d’utilisation de méthodes de courte durée d’action.L’interruption de grossesse reste possible, car aucun contraceptif n’est efficace à 100%. L’avortement médicamenteux tend à être plus utilisé que la chirurgie et peut, sous certaines conditions, être proposé à domicile.
La grossesse non désirée (GND) doit être prévenue, car elle engendre des coûts importants pour l’individu, la famille et la société. Le médecin de premier recours peut jouer un rôle important. De par sa fonction, il a une relation privilégiée avec ses patientes, ce qui lui permet de détecter les situations à risque. Néanmoins, les questions liées à la santé sexuelle sont insuffisamment traitées durant les consultations par manque de connaissances du médecin, manque de temps, ou selon une conception souvent erronée que parler de sexualité est désagréable pour la patiente.1 L’Organisation mondiale de la santé a publié une approche en six points sous l’acronyme BERCER (GATHER en anglais) qui permet d’aborder la santé reproductive et la contraception de manière concise et structurée durant une consultation. Le médecin pourra proposer les méthodes contraceptives les plus efficaces en tenant compte de la sensibilité et des besoins de sa patiente. Il veillera à explorer les éventuelles craintes et représentations personnelles de certaines méthodes qui pourraient être des freins à l’observance.2 Le choix éclairé conjoint favorise l’implication active de l’utilisatrice dès le départ, ce qui est primordial en termes d’efficacité.
Cet article aborde les différentes étapes de l’approche BERCER tout en présentant les contraceptifs médicaux disponibles en Suisse, répartis en deux groupes, selon leur efficacité. Il se termine en décrivant les méthodes d’interruption de grossesse (figure 1).
La phase d’accueil instaure un climat de confiance qui permet de parler de santé sexuelle avec la patiente ou le couple et de travailler sur le choix d’une contraception. Idéalement, le temps d’une consultation devrait être dédié à ce sujet. Les adolescentes sont reçues de préférence seules ; un rappel sur le secret médical est indispensable.
Le choix d’une méthode de contraception est influencé par une multitude de facteurs provenant du vécu de la femme, du couple ou issus du milieu socioculturel, religieux ou économique. En plus d’une anamnèse complète, le médecin s’efforcera de déterminer les représentations et éventuels obstacles aux méthodes les plus efficaces (Long Acting Reversible Contraceptives (LARC)).
L’indice de Pearl théorique correspond à l’efficacité d’une contraception lorsqu’elle est employée de manière idéale et ne tient pas compte de l’utilisation réelle et ses imprévus. Selon la méthode et le groupe de population étudiée, la différence entre l’efficacité théorique et pratique peut varier de manière importante.
Les méthodes de courte durée d’action n’offrent que peu de marge d’erreur d’utilisation (par exemple, 3 heures d’écart pour la pilule progestative microdosée) et leur efficacité dépend donc fortement de l’utilisatrice.
Les contraceptifs de longue durée d’action (LARC) se démarquent par une efficacité élevée, équivalente à la vasectomie ou à la ligature des trompes, avec l’avantage d’être totalement réversibles (tableau 1).3 Une fois en place, les LARC ne demandent pas d’effort particulier, sauf en cas d’effets indésirables qui se manifestent principalement par une modification du saignement menstruel. Ils peuvent être proposés à toute femme ne désirant pas de grossesse y compris les adolescentes nullipares.4
Le tableau 2 présente ces méthodes : dispositif intra-utérin (DIU) au cuivre, DIU au lévonorgestrel et implant sous-cutané de progestatif.
Les LARC n’ont que très peu de contre-indications et n’augmentent pas le risque d’événement thromboembolique.5 Depuis 2014, un DIU de taille réduite (Jaydess) plus adapté à l’adolescente ou la jeune femme nullipare est disponible sur le marché. Il est imprégné de progestatif et a une durée d’action de trois ans.4,6,7 Le DIU au lévonorgestrel (Mirena) est remboursé par l’assurance-maladie pour la prise en charge des hyperménorrhées idiopathiques.
Le stérilet au cuivre possède le meilleur profil coût-bénéfice.8 Les effets indésirables principaux sont l’augmentation du flux menstruel et la dysménorrhée.
Les DIU n’augmentent pas le risque d’infection pelvienne à long terme chez les utilisatrices en bonne santé.7
Ce groupe englobe les méthodes combinées œstro-progestatives (pilule, patch, anneau), les méthodes progestatives orales (pilule progestative) ou injectables et sont présentées dans le tableau 3.
L’utilisation d’un contraceptif hormonal combiné augmente le risque thromboembolique. Il est cependant relativement bas si on le compare à la grossesse ou au post-partum.5 Le risque varie en fonction de la dose d’œstrogène et du type («génération») de progestatif. Le lévonorgestrel (progestatif de 2e génération) associé à une dose minimale d’éthinylestradiol (20-30 µg) représente la combinaison dont le risque thromboembolique veineux est le plus faible (risque relatif 2,38 fois plus élevé par rapport à une non-utilisatrice).9 La majorité des pilules de 3e génération et les anti-androgéniques augmentent ce même risque d’environ quatre fois 9 et ne devraient pas être prescrits en première intention. Le risque est également augmenté lorsqu’il est associé à d’autres facteurs comme l’immobilisation prolongée, l’obésité, la sclérothérapie ou autre chirurgie des varices, le tabagisme (≥ 15 cigarettes) et l’âge (>35 ans).5
Les méthodes hormonales combinées ont de multiples contre-indications et nécessitent une anamnèse approfondie afin de déterminer au mieux la balance risque-bénéfice pour chaque patiente.10 La recherche d’une thrombophilie ou d’une maladie thromboembolique veineuse dans l’anamnèse personnelle et familiale est exigée, car ce sont des contre-indications absolues.5 L’examen clinique doit inclure la mesure de la tension artérielle et le calcul de l’indice de masse corporelle. Un formulaire avec une check-list est à disposition sur le site internet de la Société suisse de gynécologie et obstétrique (www.sggg.ch) et aide à évaluer les risques.
La pilule progestative microdosée exige une prise quotidienne rigoureuse à heure fixe. Elle peut être prise durant le post-partum et en période d’allaitement.8,10 Le progestatif injectable dépôt n’est probablement pas un bon choix pour les adolescentes à cause de son effet négatif sur la densité osseuse.10
En raison de la diversité et des contre-indications de certaines méthodes, l’implication de la patiente pour aboutir à une décision partagée et éclairée est indispensable.
Les éléments pratiques concernant la méthode contraceptive choisie sont abordés. Il est important de rappeler que seul le préservatif protège du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles.
En cas de choix d’une méthode non-LARC, il convient de discuter des possibles erreurs d’utilisation et de décrire les situations nécessitant le recours à une contraception d’urgence.
Les deux méthodes de contraception d’urgence médicamenteuses semblent agir sur l’ovulation en la retardant et ne préviennent théoriquement pas une grossesse si un nouveau rapport à risque devait avoir lieu durant le même cycle. Elles n’ont pas de contre-indication absolue.11
Le lévonorgestrel (Norlevo Uno 1,5 mg) est disponible sans ordonnance et doit être pris dès que possible dans les 72 h après un rapport sexuel non protégé.11
L’acétate d’ulipristal (EllaOne) agit sélectivement sur des récepteurs de la progestérone et présente l’avantage de pouvoir être utilisé jusqu’à 120 heures après un rapport non protégé.11 Il est disponible depuis 2014 sous prescription médicale.
Toutefois, l’insertion en urgence d’un stérilet au cuivre, après exclusion d’une grossesse, reste la méthode la plus efficace et permet en même temps d’instaurer une contraception immédiate de longue durée.11,12 Elle doit être effectuée dans les cinq jours qui suivent le rapport non protégé, néanmoins certaines études suggèrent une bonne efficacité jusqu’à dix jours.11 Elle peut être proposée à une nullipare.
Un contrôle sera proposé dans un délai plus ou moins rapproché afin d’évaluer l’observance, de discuter de la satisfaction, des effets indésirables et de réévaluer l’adéquation de la contraception.
Aucune contraception n’étant efficace à 100%, la GND reste toujours possible et peut nécessiter le recours à une interruption de grossesse (IG). En Suisse, depuis 2002, suite à une votation populaire, l’IG est légale dans le cadre du régime du délai. Ses coûts sont remboursés par l’assurance-maladie.
Au fil des dernières années, l’IG médicamenteuse tend à devenir de plus en plus prépondérante aux dépens de la chirurgie.13 Elle consiste à prendre dans un premier temps un antiprogestatif (mifépristone – Mifégyne) puis, après 24-48 h, en milieu hospitalier, un inhibiteur de la prostaglandine (misoprostol – Cytotec) qui provoquera des contractions utérines avec un avortement dans les deux à six heures.14,15 Plusieurs cantons proposent l’IG à domicile jusqu’à la 7e semaine d’aménorrhée sous certaines conditions (domicile à proximité de l’hôpital, absence de contre-indication psychiatrique, âge > 18 ans). Le misoprostol administré par voie vaginale est plus efficace et a moins d’effets indésirables que par voie orale (nausée, vomissement, diarrhée).16 Les contre-indications à l’utilisation de mifépristone-misoprostol sont rares et comprennent l’allergie à l’un des composants, la maladie d’Addison, la porphyrie et la grossesse ectopique.14
Parmi les méthodes chirurgicales, lors d’IG du premier trimestre, l’aspiration est plus efficace et sûre que le curetage. La pose d’un stérilet doit être proposée dans le même temps lors d’un avortement chirurgical.14
Les deux types de méthode sont sûrs et efficaces (0,2-2% d’échecs lors du 1er trimestre) et ne prétéritent pas le potentiel reproductif de la patiente. Le risque de complication chirurgicale majeure est de 0,7/1000 IG. Le risque hémorragique au cours du 1er trimestre est très faible.14
Après une IG médicamenteuse ou chirurgicale pratiquée avec succès avant la 9e semaine d’aménorrhée, l’auto-évaluation par la patiente (saignement important, fièvre, douleur mal contrôlée, symptômes de grossesse persistant 1-2 semaines après l’IG médicamenteuse) est suffisante et une consultation de suivi n’est pas nécessaire.14,16 Cependant, un contrôle après 2-3 semaines permettra de discuter du vécu de l’IG, de dépister une éventuelle situation de détresse persistante et de discuter de la suite de la contraception.14
La Suisse présente l’un des taux les plus faibles d’IG au monde. On assiste également à une diminution du nombre d’avortements plus marquée chez les jeunes femmes de 15 à 19 ans sur les dernières années.13 Les centres de planning familial jouent un rôle central en matière de santé sexuelle dans l’accompagnement, l’enseignement, la prévention des GND, du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles. Il conviendrait de les promouvoir et de favoriser la formation du médecin de premier recours en santé reproductive et sexuelle.
> Afin d’améliorer l’observance, le choix de la contraception pour chaque femme doit être personnalisé, adapté au maximum à son mode de vie et à ses besoins. Il se base sur une décision partagée patiente-médecin
> Les LARC devraient systématiquement être proposés en raison de leur haute efficacité, facilité d’utilisation, réversibilité, absence de contre-indications majeures
> Seules les méthodes œstroprogestatives combinées augmentent le risque thromboembolique
> Le lévonorgestrel est efficace comme contraception d’urgence jusqu’à 72 h après un rapport à risque et disponible sans ordonnance. L’acétate d’ulipristal et le stérilet au cuivre sont efficaces jusqu’à 120 h. Toutes ces méthodes peuvent être proposées aux adolescentes
> Le médecin généraliste doit connaître et conseiller un recours aux centres de planning familial qui constituent un réseau très utile et accessible gratuitement dans toute la Suisse
Family doctors can play an important role in preventing unplanned pregnancies.This article addresses the different contraceptives methods available in Switzerland, which are classified in 2 groups and recommends using the GATHER approach (Greet, Ask, Tell, Help, Explain, Return) to promote compliance.LARC (long acting reversible contraceptives) can be recommended to any woman who needs a reliable birth control method. These contraceptives require minimum effort for high efficiency.Further explanation regarding the use of an emergency contraception must be provided when short action contraceptives are chosen. Switzerland’s abortion rate is one of the lowest in the world. Medical abortion tends to be more and more prominent. Under certain circumstances, it can be self-administered at home.