Des chercheurs de l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale, de l’Université Pierre et Marie Curie et de six CHU français se sont intéressés à l’impact de la consommation de tabac de la femme sur le développement cérébral de l’enfant – avant et après sa naissance. Des résultats qui, en toute rigueur sanitaire, devraient avoir des prolongements pédagogiques, médicaux et politiques, du moins là où existe une véritable politique publique cohérente de lutte contre le tabagisme. Ces résultats sont publiés dans la revue PLoS One.1
Les auteurs ont analysé les données d’exposition pré et postnatale au tabac au domicile de plus de cinq mille enfants scolarisés en primaire. Ils révèlent que cette exposition est associée au risque de troubles du comportement chez les enfants – et tout particulièrement des troubles dans le contrôle des émotions et des conduites. L’association est plus forte quand l’exposition au tabac a lieu à la fois pendant la grossesse et après la naissance. «Ces données révèlent le risque associé au tabagisme dans la vie précoce ainsi que ses répercussions comportementales lorsque l’enfant est en âge d’aller à l’école» souligne l’Inserm.
«Les conséquences de l’exposition au tabac sont largement documentées, rappellent les chercheurs. Celle-ci induit de nombreuses maladies dont l’asthme. Cependant, le rôle potentiel de la fumée de tabac ambiante (FTA) est beaucoup moins connu lorsqu’il s’agit de la relier aux problèmes comportementaux chez l’enfant.» C’est dans ce contexte que l’équipe d’Isabella Annesi-Maesano a examiné l’association entre l’exposition à la FTA dans la période pré et postnatale et les problèmes de comportement chez les enfants.
Ces données proviennent de six villes (Reims, Créteil, Strasbourg, Clermont Ferrand, Bordeaux, Marseille) et ont été recueillies auprès de 5221 enfants d’écoles primaires. L’exposition prénatale (tabagisme in utero) et postnatale à la fumée du tabac au domicile a été évaluée à l’aide d’un questionnaire standardisé, rempli par les parents. Les troubles du comportement ont, quant à eux, été évalués via le «Questionnaire des forces et difficultés (The Strengths and Difficulties Questionnaire, SDQ)» fréquemment utilisé pour évaluer le fonctionnement comportemental et l’adaptation psycho-sociale chez les enfants. Il était lui aussi rempli par les parents.
En pratique, les troubles émotionnels sont associés à l’exposition à la FTA à la fois pendant les périodes prénatale et postnatale – et ce pour 21% des enfants de l’étude. Des troubles de la conduite sont également associés à l’exposition à la FTA chez ces enfants. L’association existe aussi dans le cas d’une exposition prénatale ou postnatale seule (mais de manière moins prononcée).
Les auteurs écrivent : «Ces observations semblent confirmer celles réalisées chez l’animal : à savoir que la nicotine contenue dans la fumée de tabac peut avoir un effet neurotoxique sur le cerveau. Pendant la grossesse, la nicotine de la fumée de tabac stimule les récepteurs acétylcholiniques et est à l’origine d’altérations structurelles du cerveau. Dans les premiers mois de vie, l’exposition à la fumée de tabac engendre un déséquilibre protéinique à l’origine d’une croissance neuronale altérée. Nos données indiquent que le tabagisme passif, en plus des effets sanitaires bien connus, doit être évité aussi en raison des troubles comportementaux de l’enfant qu’il peut provoquer.»
Comment certains fumeurs peuvent-ils conserver une fonction pulmonaire plus ou moins intacte en dépit d’une forte consommation de tabac ? Ce phénomène troublant est un argument régulièrement avancé pour justifier la poursuite du tabagisme. Le fumeur renvoie le médecin à ses études et se gausse de la science épidémiologique. Big Tobacco, en coulisse, fait de même en brûlant des cierges pour que ces exceptions se multiplient.
La donne vient de changer avec un travail publié dans The Lancet Respiratory Medicine.2 C’est une somme signée par trente-neuf généticiens, dirigés par le Pr Ian P Hall, (Division of Respiratory Medicine, University of Nottingham, Queen’s Medical Centre, Nottingham). Travaillant pour le Medical Research Council britannique, cette équipe a décrypté les bases génétiques de plus de 50 000 personnes dont les échantillons biologiques sont conservés dans la «UK Biobank». Il s’agissait d’éclairer les mécanismes physiopathologiques de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), cet essouflement-asphyxie progressive qui (avec le cancer broncho-pulmonaire) constitue la principale complication mortelle de la consommation de tabac.
Ces chercheurs annoncent avoir identifié des mutations génétiques «favorables» en ce qu’elles semblent protéger le fumeur de la BPCO. Ils disent espérer trouver ainsi des voies médicamenteuses qui permettraient d’améliorer l’état des personnes concernées dont la vie est actuellement uniquement maintenue par l’administration plus ou moins permanente d’oxygène.
Pour autant, ces mêmes scientifiques rappellent le principal message à retenir : la meilleure option est de ne pas commencer à fumer du tabac – ou de tout mettre en œuvre pour arrêter de le faire. Il faut aussi ajouter que la BPCO peut toucher des personnes qui n’ont jamais consommé de tabac.
C’est la comparaison des génomes des fumeurs et des non-fumeurs qui a permis de parvenir à cette identification des «bons gènes» et des «mauvais gènes». Codirecteur de ce travail, le Pr Martin D. Tobin (National Institute for Health Research, Glenfield Hospital, Leicester) explique que ces gènes semblent jouer un rôle sur les mécanismes de développement et d’autoréparation des lésions pulmonaires. «Il ne semble toutefois pas y avoir une formule magique qui donnerait à quiconque une garantie totale de protection contre la fumée de tabac» a-t-il déclaré à la BBC – ajoutant que les personnes fumeuses et «protégées» ont néanmoins des poumons moins sains que ceux qu’elles auraient si elles n’avaient pas fumé. «La meilleure chose que les fumeurs puissent faire pour conserver leur santé future concernant la BPCO – mais aussi toutes les maladies liées au tabagisme, cancers et les maladies cardiaques – c’est d’arrêter de fumer.»
Une armée de généticiens dirigés par le Dr Anna Murray (Genetics of Complex Traits, University of Exeter Medical School, Exeter, UK) vient d’annoncer dans Nature 3 avoir identifié les fragments du génome féminin qui contrôleraient le timing de la ménopause. Avec, à la clef, l’hypothétique mise au point de nouveaux tests de fertilité ou de nouvelles thérapeutiques médicamenteuses. The Royal College of Obstetricians and Gynaecologists a qualifié ce résultat d’«important» pour les femmes connues pour être exposées au risque de ménopause précoce (ou insuffisance ovarienne précoce).
Les généticiens britanniques expliquent avoir découvert des mécanismes de réparation du patrimoine génétique impliqués dans ce timing – mécanismes qui fourniraient de nouvelles lumières biologiques expliquant les liens connus entre la ménopause précoce et certaines pathologies. Un test qui prédirait l’âge exact de survenue de la ménopause ? «Nous aimerions être en mesure de
pouvoir le faire, mais la réponse est non» a expliqué à la BBC le Dr Anna Murray. Elle estime toutefois que ces résultats pourraient aider à développer de nouveaux médicaments pour freiner cette perte prématurée des ovocytes qui caractérise l’insuffisance ovarienne précoce.
Les chercheurs ont également constaté que les gènes impliqués dans le timing de la ménopause le sont aussi dans celui de la puberté et le développement de certaines formes de cancer du sein. S’en étonner ?