Reconnaissons-le, l’adage «Mieux vaut prévenir que guérir» reste d’une vibrante actualité. Si les interventions thérapeutiques du médecin sont importantes et gratifiantes, nous sommes tous concernés en tant que citoyens par le message puissant de la prévention. Toutefois, force est de constater que ces messages de santé publique sont difficiles à faire passer. Comment convaincre le citoyen bien portant de s’astreindre à une activité physique minimale, de consacrer ses deniers à une alimentation saine, de s’abstenir de fumer… et comment transmettre le message politique à nos industries agro-alimentaires, du tabac ou de l’alcool pour les convaincre d’assumer leurs responsabilités de prévention en matière de santé communautaire.
Dans ce contexte, nos facultés de médecine ont contribué à une prise de conscience sur le plan de l’éducation en prévention. Nos étudiants sont désormais formés aux techniques usuelles visant à optimaliser le partage des décisions avec les patients, à exercer leurs talents dans les entretiens motivationnels et à effectuer des travaux de recherche dans le domaine de la santé publique. Bel effort à encourager! Toutefois, l’art de communiquer n’est pas inné: il demande beaucoup de diplomatie et d’empathie. Oui, car il ne s’agit pas simplement d’être un sympathique médecin, mais bel et bien un soignant capable de prendre en compte les perceptions du patient dans le but ultime de l’aider… sans excès de paternalisme. En outre, la communication idéale passe par l’intégration des concepts ou procédures de négociation. Négocier, c’est savoir ce que «je veux» et ce que notre interlocuteur souhaite. La négociation vise un but et non pas un travail sur le passé et c’est exactement ce processus dans lequel la prévention devrait s’engager. Notre société (ou le médecin) connaît les recommandations de prévention publique à même de sauver des vies et l’interlocuteur (patient ou citoyen) n’est pas nécessairement au clair avec les objectifs de santé qu’il souhaite. Nous devons donc l’aider à les définir et dès lors travailler par négociation, en cherchant à atteindre un but commun perfectible de santé publique et/ou individuel, ce que seul un suivi à long terme d’un patient permet.
Le médecin est en principe un expert de la communication et de la négociation. Il ne peut toutefois pas assumer l’ensemble des missions de prévention et il appartient aux politiciens et à la collectivité de faire de la prévention une priorité de société. L’investissement est coût-efficace. Prenons un exemple simple: l’absence de syndrome métabolique et d’excès pondéral suppose l’adhérence à un régime méditerranéen ainsi que la pratique d’une activité physique régulière à 50 ans. Ce sont le meilleur gage d’un vieillissement harmonieux… en diminuant de beaucoup le risque de développer une maladie neurodégénérative [1–3].
Ce numéro commun de la Revue médicale suisse et du Swiss Medical Forum explore quelques aspects pragmatiques de prévention de santé mentale et somatique. Après le rejet définitif d’une «loi sur la prévention» par le Parlement après plus de 10 ans de discussion, un article illustre la 1ère tentative de faire des recommandations suisses pour le bilan de santé au cabinet médical, en ayant impliqué toutes les universités suisses et avec le soutien des principales sociétés représentant la médecine interne générale. Les enjeux politiques de cet engagement sont également abordés par notre Conseiller fédéral, M. Alain Berset, Chef du Département fédéral de l’intérieur.