Rien de nouveau me direz-vous ! Dominique Wolton, Directeur de l’Institut des sciences de la communication du CRNS (ISCC), nous le rappelle dans un ouvrage incisif, intitulé : «Informer n’est pas communiquer».
L’auteur suscite la réflexion par des affirmations qui ne peuvent laisser indifférent, telles que «penser le passage de l’information à la communication, c’est détechniser la communication, remettre la technique à sa place» ou «le paradoxe ? C’est la victoire de l’information qui révèle cette difficulté croissante de la communication». Examinée sous cet aspect, la communication sera le thème de ce numéro de la Revue médicale suisse, non par effet de mode, mais bel et bien comme fruit d’une réflexion partagée entre soignants et cadres de mon service.
«… la très grande majorité des dysfonctionnements implique, à un moment ou à un autre, un problème de communication …»
Cette prise de conscience se fit suite à l’analyse de tous les événements critiques et indésirables survenus dans le Service de médecine interne. Obligation institutionnelle, cette revue systématique des incidents fait l’objet d’un recueil (RECI), dans lequel tous les événements sont consignés et analysés, pour finalement (et idéalement) viser des objectifs d’amélioration dans les prises en charge des patients hospitalisés.
A cet égard, j’avoue ne pas être particulièrement fier des quelque 400 annonces répertoriées en une année… En revanche, je suis reconnaissant d’être entouré de tant de collaborateurs qui ont un souci constant d’amélioration et de transparence en annonçant tous ces événements, parfois de peu d’importance, mais quelquefois critiques.
En examinant de plus près tous ces incidents, j’ai constaté que la très grande majorité des dysfonctionnements implique, à un moment ou à un autre, un problème de communication. En effet, la communication peut être déficiente envers nos patients, mais aussi bien souvent entre partenaires institutionnels. Elle accentue alors les difficultés inhérentes aux interfaces et dès lors à la bonne gestion des prises en charge.
Aussi ai-je souhaité retenir ce thème de la communication, de grande importance en médecine, pour ce numéro de la Revue médicale suisse.
Les sujets des articles sont très différents, mais complémentaires et tous au cœur de notre activité professionnelle. Ainsi, la place de la spiritualité, l’annonce d’une mauvaise nouvelle, la gestion de la transition de l’hôpital à l’ambulatoire, la qualité de l’enseignement et la restitution de données génétiques aux patients ont toutes un dénominateur commun : la communication. En fait, les informations sur chacun de ces thèmes sont disponibles dans les livres, revues et nouveaux médias, notamment internet. La googlisation de la médecine conduit le praticien à devoir trier une quantité énorme d’informations pour communiquer in fine une information utile, structurée et j’espère assortie d’une touche d’empathie. Quand la googlisation de la médecine offre un accès illimité et donc excessif à l’information, parfois totalement erronée, c’est au médecin de travailler sur la bonne restitution de cette information.
L’information génétique est à ce titre exemplaire : elle est facile d’accès, mais gérer l’évaluation du risque et son impact sur le plan individuel est d’une complexité redoutable. C’est là que doivent être exercés les talents de la communication. J’aurais pu d’ailleurs intituler cet éditorial «Informer est sage, mais savoir communiquer est un art…». Le médecin doit rester au cœur de cette noble activité qu’est la relation patient-médecin en communiquant de manière optimale, afin d’éviter les effets d’une nouvelle tour de Babel du 21e siècle.
«… Informer est sage, mais savoir communiquer est un art …»