La multitude de microbes d’origines bactérienne, fongique ou virale qui colonisent plusieurs sites de notre corps tels l’intestin et la peau, constitue notre microbiote. Bien que débouchant le plus souvent sur des bénéfices réciproques, nos interactions avec ce microbiote peuvent également être à la base de diverses maladies. Dans l’intestin, le site le plus fortement colonisé et le mieux étudié sur ce plan, des liens solides ont été établis entre un dérèglement du microbiote et le développement d’une inflammation chronique, d’une obésité ou d’un diabète.1 Des données expérimentales suggèrent même qu’un déséquilibre de notre microbiote intestinal peut augmenter la susceptibilité aux allergies respiratoires.2
Grâce à l’émergence de nouvelles techniques de détection et d’identification basées sur l’analyse du matériel génétique microbien, le poumon lui-même s’inscrit dorénavant dans la liste des sites de notre corps abritant un microbiote riche et varié.3 Ainsi, après avoir été historiquement considérées comme stériles, les voies aériennes basses font l’objet d’un nombre grandissant d’études sur le microbiote.4 Il en ressort, comme observé dans l’intestin, qu’une exposition dès la période périnatale à un microbiote diversifié est requise pour une maturation optimale du système immunitaire pulmonaire. Ces événements précoces s’avèrent ensuite protecteurs vis-à-vis du développement d’asthme jusqu’à l’adolescence.5
L’impact du microbiote pulmonaire sur l’état de santé s’inscrit dans une réflexion écologique.6 Des pathologies telles que la bronchopneumopathie chronique obstructive, la fibrose idiopathique ou l’asthme s’accompagnent d’un net appauvrissement dans la diversité du microbiote pulmonaire.7–9 Dans ce cas, la raréfaction de certains microbes promeut la prolifération d’autres espèces, dont la surabondance modifie les réponses immunes et inflammatoires. En effet, certaines souches bactériennes activent, d’autres inhibent nos défenses immunes innées et secondairement les défenses adaptatives. Une meilleure compréhension de ces phénomènes va peut-être nous donner la clé du mécanisme des exacerbations qui ponctuent l’évolution de maladies comme les bronchectasies ou la mucoviscidose et il sera sans doute possible de mieux comprendre comment et pourquoi se forment des abcès pulmonaires (un thème abordé dans le présent numéro de la Revue Médicale Suise). Un consortium franco-suisse étudie en ce moment l’impact du microbiote sur la tolérance du greffon après transplantation pulmonaire.
La démonstration de la colonisation du poumon par un microbiote diversifié contribuant au fonctionnement optimal de l’organe nous incite, en pratique thérapeutique, à ne recourir aux antibiotiques que de manière ciblée. De plus, il n’est pas interdit dans le futur d’imaginer des interventions microbiologiques visant à renforcer l’impact positif de ces microbes sur notre souffle.