La colique néphrétique est un motif fréquent de consultation aux urgences. Sa prévalence est en constante augmentation dans les pays industrialisés, avec un ratio homme / femme d’environ 2 / 1. Le taux de récidives après un premier épisode est très élevé : de 15 % à un an, il monte à 40 % à cinq ans et 75 % à vingt ans. En Suisse, l’Office fédéral de la statistique a dénombré en 2013 plus de dix mille cas de lithiase urinaire nécessitant une hospitalisation.1 La plupart du temps (environ 80 %), l’évolution est favorable avec l’expulsion spontanée du calcul en moins d’un mois. Cependant en urgence, il faut connaître les facteurs de gravité (tableau 1) et savoir quand recourir à un avis urologique. Cet article destiné aux médecins de premier recours et urgentistes fait le point sur les nouveautés diagnostiques et thérapeutiques dans la prise en charge et l’orientation des coliques néphrétiques.
La bandelette urinaire doit toujours être réalisée en première intention, car elle peut renseigner sur le pH urinaire (lorsqu’il est inférieur à 6, il favorise la formation de cristaux d’acide urique), ainsi que sur la présence de leucocytes et de nitrites qui orientent vers un tableau infectieux. Toutefois, la présence isolée de leucocytes dans les urines, sans autre signe d’infection, est fréquemment retrouvée et ne doit pas justifier une culture urinaire systématique.2 Rappelons que l’hématurie microscopique n’est présente que dans 70 à 90 % des cas. La durée entre le début des symptômes et la réalisation du prélèvement est déterminante : l’hématurie est retrouvée chez 95 % des patients au premier jour, mais uniquement chez 65 % des patients au troisième jour.3
Le bilan biologique, comprenant une créatinine, un hémogramme et une protéine C-réactive, peut s’avérer nécessaire lorsqu’une colique néphrétique compliquée est suspectée, de même qu’un bilan de la crase (TP, PTT) en prévision d’une éventuelle intervention urologique.
Le « STONE score » est un outil d’aide à la décision qui a été développé afin d’évaluer la probabilité d’une colique néphrétique chez un patient présentant une douleur abdominale.4 Ce score, basé sur cinq éléments, permet de catégoriser les patients à probabilité faible (9 %), moyenne (51 %) ou haute (89 %) (tableau 2). Les auteurs de l’étude estiment qu’en cas de probabilité haute (score 10-13 points), le diagnostic de colique néphrétique peut être posé avec suffisamment de certitude, de sorte qu’aucun examen complémentaire n’est nécessaire. Notons que ce score ne prend pas en compte les coliques néphrétiques compliquées.
L’intérêt de ce score est évident tant pour les durées de séjour aux urgences que sur les doses d’irradiation reçues par les patients. Ce score a été validé prospectivement sur 491 patients, parmi lesquels un diagnostic alternatif (appendicite, diverticulite, tumeur, cholécystite et anévrisme aortique) a toutefois été posé chez 2 % des patients avec un score élevé.
Dans une seconde étude de validation, des auteurs ont récemment évalué la performance de ce score à partir d’une étude randomisée, contrôlée, évaluant les performances diagnostiques du CT et de l’US.5 La sensibilité et la spécificité du STONE score élevé étaient de 53 et 87 % respectivement. D’aucuns estiment que l’âge et les caractéristiques de la douleur devraient être pris en considération pour éviter de manquer des diagnostics aux conséquences graves. Ce score ne semble pas avoir les performances diagnostiques suffisantes pour remplacer la stratégie diagnostique incluant les examens urinaire, biologique et radiologique.
Un examen d’imagerie est nécessaire lors des premiers épisodes de colique néphrétique, afin d’orienter la prise en charge du patient selon le nombre, la localisation ou la taille des calculs.
L’examen de choix pour une colique néphrétique simple est actuellement un CT low-dose (CT abdominal, sans produit de contraste (PC)), avec une dose d’irradiation réduite d’environ un facteur 6 par rapport au CT standard6 (tableau 3).
Ses performances diagnostiques sont excellentes pour les calculs > 3 mm, avec une sensibilité de 97 % et une spécificité de 96 %. Le CT low-dose offre de moins bonnes performances diagnostiques pour les calculs < 3 mm que l’uro-CT, mais rappelons qu’environ 95 % de ceux-ci passeront spontanément.
Pour les coliques néphrétiques avec des signes de gravité (tableau 1) ou chez les patients avec un IMC > 30 kg / m2, il est recommandé de réaliser un Uro-CT7 (CT abdominal, sans produit de contraste). Celui-ci ayant une sensibilité de 95-98 % et une spécificité de 100 % (pour les calculs < 3 mm), il est indiqué en première intention dans ces situations où la localisation et la taille du calcul détermineront la prise en charge chirurgicale, en excluant des diagnostics alternatifs (tableau 3).
L’abdomen sans préparation n’a plus sa place dans la prise en charge des coliques néphrétiques aux urgences. Les performances diagnostiques du CT low-dose, de même que son taux d’irradiation plus ou moins identique ont fait sortir l’ASP de l’arsenal diagnostique des lithiases urinaires.8 Cet examen reste toutefois indiqué pour le suivi des patients avec des calculs radio-opaques en combinaison avec l’ultrason.
L’utilisation systématique du scanner a été remise en question en raison du risque non négligeable d’irradiation, notamment chez des patients jeunes à haut risque de récidive.
Une récente étude randomisée multicentrique,9 incluant 2759 patients, a comparé l’échographie effectuée par un urgentiste (au lit du malade), celle standard réalisée par un radiologue et un CT-scan (non low-dose) lors d’une suspicion de lithiase urinaire.
La comparaison portait entre autres sur la dose d’irradiation reçue, et sur le taux de complications, à savoir des diagnostics à haut risque qui auraient pu être manqués, (par exemple : rupture d’anévrisme abdominal, appendicite perforée, pyélonéphrite).
Alors que les groupes « ultrason » ont reçu logiquement moins d’irradiation, les taux de complications, de même que les taux de réadmissions et les scores de douleur ne différaient pas entre les trois groupes.
En ce qui concerne la détection d’un calcul, la sensibilité de l’ultrason effectué par un urgentiste ou un radiologue était respectivement de 85 et 84 %, et ne différait pas significativement de celle du CT-scan (88 %). A noter qu’il s’agissait d’une étude pragmatique qui laissait la possibilité au médecin en charge d’effectuer un examen radiologique complémentaire en cas de doute diagnostique. Un CT-scan fut dès lors réalisé chez 41 % des patients initialement attitrés au groupe ultrason au lit du malade, représentant une limite de l’étude. Les auteurs concluent toutefois que dans la prise en charge initiale d’une colique néphrétique simple aux urgences, un ultrason devrait être systématiquement réalisé. Cet examen permet de mettre en évidence une hydronéphrose, d’objectiver un blocage complet avec disparition du jet urétéral ainsi que de révéler un calcul rénal à la jonction pyélo-urétérale ou la jonction urétéro-vésicale. Selon la qualité de cet examen, le médecin en charge décidera si un scanner doit compléter ou non le bilan ou si un avis urologique doit être demandé.
Lors d’une suspicion de colique néphrétique, l’antalgie doit être initiée avant les résultats des divers examens. Le premier choix doit se porter sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui ont démontré un meilleur pouvoir antalgique sur les douleurs de lithiase urinaire que les opioïdes.10
La MET (medical expulsive therapy) consiste en l’administration d’un antagoniste alpha-adrénergique (par exemple : tamsulosine, Pradif) ou anticalcique (par exemple : nifédipine, Adalat) afin d’agir sur le muscle lisse de l’uretère, y induire une relaxation, conduisant à une diminution de la douleur et à une meilleure expulsion du calcul.
Une récente étude publiée dans le Lancet en 2015, incluant 1167 patients, a comparé les effets de la tamsulosine, de la nifédipine et d’un placebo sur la nécessité d’une intervention chirurgicale dans les quatre semaines après le diagnostic de lithiase urinaire. L’étude conclut que ni la tamsulosine ni la nifédipine n’affecte la proportion de patients nécessitant une intervention chirurgicale durant les quatre à douze semaines suivant le diagnostic, remettant en question la nécessité d’un tel traitement à long terme.11 Cependant, selon les recommandations urologiques 2015,10 il est tout de même conseillé d’utiliser un traitement MET en aigu, non pas pour diminuer le taux d’interventions chirurgicales mais pour diminuer la douleur, et faciliter le passage des calculs en accord avec les nombreuses études précédentes, analysant près de 7000 patients. Dans ces cas, la tamsulosine a démontré sa supériorité par rapport à la nifédipine. N’oublions pas qu’aucune de ces deux molécules ne doit être donnée en cas de colique néphrétique compliquée.
La taille et la localisation du calcul sont des éléments déterminants du passage spontané du calcul. En effet, pour les calculs de 1 mm de diamètre le pourcentage d’expulsions spontanées est d’environ 87 % ; 60 % pour ceux de 5 à 7 mm et 25 % pour ceux > 9 mm.12,13 Un traitement conservateur sera généralement proposé pour les calculs ≤ 6 mm.
Le débat concernant la restriction hydrique versus l’hyperhydratation reste ouvert, la littérature, actuellement, ne permettant toujours pas de trancher. La restriction hydrique reste cependant plus fréquemment prescrite afin de diminuer les douleurs.14
L’avis urologique doit être demandé pour toute colique néphrétique compliquée et pour le suivi d’un calcul > 6 mm, de même que chez les patients dont le traitement conservateur a échoué dans les deux à quatre semaines après le diagnostic. Environ 15 % des patients nécessitent une prise en charge chirurgicale, celle-ci se fait principalement par voie endoscopique.
A partir du deuxieme episode ou lors d’une colique nephretique compliquee, une consultation specialisee en lithiase renale permettra d’identifier une cause reversible afin d’eviter une recidive.15
La prise en charge des coliques néphrétiques aux urgences s’est simplifiée ces dernières années (figure 1). En l’absence de critères de gravité, le recours systématique à l’échographie par l’urgentiste ou le radiologue permet d’écarter une obstruction complète avec une souffrance rénale. S’il faut compléter l’imagerie par un scanner, les améliorations techniques l’ont rendu nettement moins irradiant. La plupart du temps, le traitement conservateur conduit à l’expulsion du calcul en quelques semaines, mais le recours à l’urologue est nécessaire pour les coliques néphrétiques compliquées et les calculs > 6 mm.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ Le STONE score ne semble pas avoir les performances diagnostiques suffisantes pour remplacer la stratégie incluant l’anamnèse, l’examen urinaire, biologique et radiologique
▪ Pour les coliques néphrétiques simples, un ultrason devrait être réalisé en première intention
▪ Le premier choix pour l’antalgie des coliques néphrétiques doit se porter sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui ont démontré un meilleur pouvoir antalgique que les opioïdes
▪ Les traitements facilitant l’expulsion(MET) restent une solution pour diminuer la douleur aiguë et faciliter la descente des calculs, mais n’ont pas montré d’influence sur la prise en charge chirurgicale