Les recommandations actualisées concernant la réanimation des arrêts cardiorespiratoires (ACR) ont été publiées le 15 octobre 2015 par l’International Liaison Committee on Resuscitation (ILCOR).1 Fruit de l’analyse systématique de 166 thématiques par 250 experts issus de 39 pays, ces recommandations réaffirment celles de 2010 en mettant l’accent – tant chez l’adulte que chez l’enfant – sur une alerte immédiate des secours professionnels, un massage cardiaque de haute qualité et une défibrillation précoce.
La préparation des nouvelles recommandations de prise en charge concernant la réanimation cardiopulmonaire (RCP) a débuté dès 2010, au lendemain de la publication des précédentes. Les groupes de travail de l’ILCOR ont sélectionné 166 thématiques spécifiques qui ont fait l’objet d’une démarche standardisée « PICO » (Population – Intervention – Comparator – Outcome) pour analyser la littérature scientifique. Le niveau de preuves des études a été classifié selon la méthodologie « GRADE » (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation). Elément notable, en 2015 – à l’instar de la majorité des pratiques en médecine d’urgence – 84 % des recommandations atteignent uniquement un niveau de preuves modéré ou faible (B ou C). Dans un souci de transparence, la méthodologie de revue a été diffusée sur une plateforme web « SEERS » (Systematic Evidence Evaluation and Review System) par l’American Heart Association (AHA), permettant aux professionnels du monde entier d’y contribuer.2 Les consensus qui en découlent ont été publiés par l’ILCOR le 15 octobre 2015 et repris simultanément par l’AHA3 et l’European Resuscitation Council (ERC)4 avec de minimes nuances. Le Swiss Resuscitation Council (SRC), organe faîtier qui promulgue les recommandations pour la Suisse, a intégré ces différentes sensibilités sous forme d’un algorithme unique.5 Comme par le passé, le SRC reconnaît la conformité des cours organisés tant sous l’égide de l’AHA que de l’ERC.
Tout comme en 2010, une importance particulière est apportée à la qualité de la RCP (figure 1) :
respecter la fréquence et la profondeur du massage cardiaque.
Permettre la relaxation complète du thorax entre chaque compression.
Minimiser les interruptions entre les compressions (aucune pause de plus de 10 secondes).
Eviter l’hyperventilation.
En présence d’une personne inconsciente et présentant une respiration absente ou anormale, l’alerte des secours professionnels constitue le premier élément de la chaîne de survie, qu’il s’agisse du 144 hors de l’hôpital ou d’une équipe de réanimation dédiée dans les institutions de santé. Le rôle du régulateur de la Centrale d’appels sanitaires urgents (CASU 144) est renforcé. Il doit non seulement engager les secours professionnels, mais aussi détecter précocement les situations évocatrices d’un ACR, afin d’aider les témoins à débuter un massage cardiaque et le cas échéant à utiliser le défibrillateur semi-automatique (DSA) le plus proche.6
En cas d’ACR, le massage cardiaque doit débuter le plus rapidement possible. La séquence « CAB » (plutôt que « ABC »), introduite en 2010, est confirmée (tableau 1). La RCP débute donc immédiatement par 30 compressions thoraciques (C), suivies de la libération des voies aériennes (A) et de deux ventilations (B). La prise du pouls, sujette à controverse, n’est recommandée que pour les professionnels de la santé, et pour une durée d’au maximum dix secondes. Les compressions thoraciques doivent être rapides (100 à 120/min) et puissantes (profondeur de 5 à 6 cm, ou d’au moins un tiers du thorax pour les enfants).
Lorsque le sauveteur est formé à la ventilation, il doit effectuer deux ventilations toutes les 30 compressions. Ceci reste toujours recommandé pour les professionnels de la santé, même s’ils sont seuls. A deux, le ratio est également de 30 : 2, excepté pour les enfants (de 1 an à la puberté) où il est de 15 : 2 (tableau 1). Si le sauveteur n’est pas formé à la ventilation, ou si la ventilation s’avère inefficace, un massage cardiaque seul est envisageable en attendant les secours professionnels. Une ventilation est considérée comme efficace lorsque l’on peut voir le thorax se soulever. Une fois le patient intubé, et à des fins de simplification, une fréquence de ventilation de 10 par minute (une ventilation toutes les six secondes), découplée du massage, est recommandée.
Un défibrillateur doit être utilisé dès que possible, en suivant les instructions propres à chaque modèle. L’analyse précoce du rythme cardiaque permet de distinguer les rythmes « chocables » (fibrillation ventriculaire – FV ; tachycardie ventriculaire sans pouls – pTV) des rythmes « non chocables » (activité électrique sans pouls – AESP ; asystolie). Après chaque défibrillation, le massage cardiaque doit être repris immédiatement. La réévaluation du rythme se fait aux deux minutes (après cinq cycles de 30 compressions : deux insufflations), sauf si la victime recouvre des signes de vie.
Les mesures avancées de réanimation réalisées par les secours professionnels prolongent et complètent les gestes initiés par les témoins (figure 1). Les priorités « CAB », la qualité du massage et l’utilisation du défibrillateur demeurent identiques. Les interruptions des compressions thoraciques doivent être minimisées, y compris lors de la mise en place d’un accès vasculaire ou lors de l’intubation. Afin d’assurer une qualité optimale de massage cardiaque, il est également recommandé de remplacer toutes les deux minutes la personne chargée du massage.
En cas de FV ou de pTV, il est recommandé d’administrer 1 mg d’adrénaline (à renouveler toutes les 3-5 minutes, soit 1 cycle sur 2) après la deuxième défibrillation. Le patient ne reçoit ainsi pas d’adrénaline si la première défibrillation est efficace. Une dose de 300 mg d’amiodarone (renouvelable une fois avec 150 mg) est également préconisée après la troisième défibrillation. La vasopressine n’ayant montré aucun avantage dans l’ACR, elle a été retirée de l’algorithme de prise en charge. Enfin, l’administration préventive de lidocaïne post-ACR n’est pas indiquée.
La défibrillation n’est pas indiquée en cas d’asystolie ou d’AESP. Par contre, il est recommandé d’administrer 1 mg d’adrénaline le plus précocement possible (à renouveler toutes les 3-5 minutes, soit 1 cycle sur 2). La recherche d’une cause réversible (« 5H & 5T », tableau 2) à l’origine de l’ACR doit être systématique, en particulier en cas d’AESP, et corrigée dès que possible (administration libérale d’oxygène, remplissage vasculaire, exsufflation d’un pneumothorax sous tension, etc.).
La mesure du CO2 expiré à l’aide d’une capnographie (ETCO2) est recommandée afin de confirmer le positionnement du tube endotrachéal, de monitorer la qualité du massage cardiaque (cible ETCO2 > 10 mmHg) et de détecter précocement le retour à une circulation spontanée efficace (RACS ; avec typiquement un ETCO2 > 40 mmHg, un pouls palpable et une tension artérielle mesurable).
L’utilisation de dispositifs de rétroaction évaluant la qualité de la RCP pourrait être bénéfique, en particulier dans le domaine de l’enseignement de la réanimation, mais leur usage systématique ne peut être recommandé de routine en l’absence de preuves suffisantes. Ceci est également le cas pour l’application d’algorithmes de filtration d’artéfacts lors de l’analyse de l’ECG pendant le massage cardiaque. La faiblesse des preuves ne permet également pas de recommander à l’heure actuelle l’usage systématique d’un dispositif mécanique automatisé de massage cardiaque ou d’une valve d’impédance visant à optimiser les pressions intrathoraciques durant le massage. Par contre, le transfert d’un patient sous massage vers un centre disposant de cathétérisme cardiaque ou de moyens d’assistance circulatoire extracorporelle est envisageable au cas par cas, selon les circonstances et de manière protocolée.
Les guidelines 2015 s’attardent enfin sur les spécificités de prise en charge de certaines situations particulières (noyade, grossesse, embolie pulmonaire, overdose d’opiacés, intoxication aux anesthésiques locaux, cathétérisme cardiaque).7
En cas de retour à une circulation spontanée (RACS), il est recommandé de titrer l’administration d’oxygène en ciblant une SpO2 de 94-98 %, d’assurer une tension artérielle systolique supérieure à 90 mmHg (tension artérielle moyenne > 65 mmHg), et de maintenir une température corporelle cible entre 32 et 36°C pendant les 24 premières heures au moins (stratégie de contrôle de la température). L’induction active d’une hypothermie thérapeutique n’est plus recommandée, tout comme le refroidissement préhospitalier des patients. Tout patient pour lequel une éventuelle étiologie ischémique de l’ACR est suspectée devrait bénéficier d’une angiographie coronarienne urgente, en particulier en cas d’élévation du segment ST.
Malgré les efforts déployés pour faire connaître et pratiquer la RCP dans la population et en dépit des améliorations techniques récentes, la survie après un ACR survenant en préhospitalier reste médiocre, de l’ordre de 6-9 %.8 Néanmoins, la plupart des patients qui sortent de l’hôpital après un ACR ont peu de séquelles fortement handicapantes. L’accès rapide à des directives anticipées ou à des informations précises sur l’état de santé du patient devrait permettre de limiter le risque de réanimations futiles, mais leur disponibilité immédiate manque trop souvent en cas d’urgence.
A l’avenir, il est probable que les recommandations internationales ne soient plus mises à jour uniquement tous les cinq ans, mais de manière plus continue en fonction de l’évolution des connaissances, de manière à en faire bénéficier plus rapidement les patients victimes d’ACR.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ En présence d’un arrêt cardiorespiratoire, l’appel à l’aide (144) et le début du massage cardiaque doivent être réalisés sans délai
▪ Une réanimation de base de haute qualité et une défibrillation précoce déterminent les chances de survie du patient
▪ La qualité du massage cardiaque (fréquence 100-120/min, profondeur 5-6 cm) et des interruptions minimales sont primordiales
▪ En cas de difficulté de ventilation, le massage cardiaque seul est envisageable en attendant les secours professionnels