Les membres de la communauté DIYbio, née en 2008, et ayant essaimé aux Etats-Unis, en Asie et en Europe, sont des amateurs de science venant de milieux socio-économiques différents, ayant ou non un background scientifique, et appartenant à toutes les tranches d’âge. Ce qu’ils ont en commun : le désir de démystifier la biologie et les biotechnologies. En particulier la biologie moléculaire ou synthétique, qu’ils désirent pratiquer à leur manière. Ils créent des laboratoires, dans des garages, pour tenter des expériences inédites, bricoler des essais nouveaux, avec comme principe de penser hors des chemins balisés, « to think outside the box », et surtout d’innover à tout prix. Ils établissent des nouvelles pratiques, qu’ils conçoivent comme une démocratisation de la science et de l’accès à celle-ci.
Le groupe principal – DIYBio.org – est une organisation de plus de 2000 membres dans 30 pays, avec pour la plupart des équipements simples, qualifiés parfois de « culinaires », alors que d’autres mettent en place des laboratoires communautaires. Les intérêts sont multiples, incluant la biosécurité, le développement d’outils diagnostiques, d’autres ont des buts scientifico-artistiques, investissant un champ qu’ils définissent comme du bio-art qui peut inclure des organismes génétiquement modifiés. Tout cela n’est pas sans risque, même s’ils s’orientent à partir d’un code éthique clairement défini (DIYbio code of ethics) et en suivant des standards propres à leur communauté (pour l’élimination des déchets potentiellement dangereux par exemple).
Que des amateurs fassent de la science, l’expérimentent, s’y essayent, créent un savoir et le diffusent simplement : pourquoi pas ? S’agit-il d’une mode ? On pourrait l’apparenter à celle des patients qui cherchent leurs diagnostics sur internet – une tendance qui va de pair avec le fait qu’il y a aussi aujourd’hui des études épidémiologiques qui demandent la participation de tous, et qui utilisent les ressources des réseaux sociaux, par exemple pour un suivi plus efficace des épidémies via internet.
Quel va être le résultat de ces démarches nouvelles ? Quelles motivations sont en jeu ? Comme le disait Einstein : « inventer, c’est penser à côté » ; peut-être ce type de pratique va-t-il ouvrir un champ qui facilitera l’émergence de futures découvertes pour la science, qui évoluera peut-être d’une façon renouvelée dans des cuisines et des garages, et cassera les prix et l’accès à certaines approches techniques coûteuses. Mais on peut se demander aussi quels seront les risques de tout cela ? La science est devenue à un tel point un pouvoir, une force et une croyance, que chacun veut à son tour se l’approprier : difficile de ne pas imaginer que des hurluberlus se risqueraient ainsi à cloner un lapin dans leur salle de bains, ou bien pire.