Ces quinze dernières années, la chirurgie cardiaque a évolué vers une chirurgie moins invasive en réduisant les incisions et en évitant l’écartement des côtes, la rendant moins traumatique et permettant une récupération plus rapide. Ses bénéfices sont bien établis, moins de douleurs, moins de saignements et une reprise d’activité physique et / ou professionnelle plus rapide. Finalement, un avantage cosmétique non négligeable.1
Cette évolution a été possible grâce aux progrès technologiques, rendant plus performants les systèmes de perfusion, notamment en utilisant des circulations extracorporelles (CEC) plus petites. Elles ont l’avantage de réduire considérablement la réaction inflammatoire générée par la CEC. Des nouvelles techniques de canulation ainsi que des canules plus performantes permettant d’utiliser des accès vasculaires périphériques (figure 1), essentiellement l’artère et la veine fémorale.2
Les systèmes de visualisation intrathoracique ont bénéficié également des avancées technologiques, passant de la 2D à la 3D permettant au chirurgien d’avoir encore plus de précision dans la manipulation des structures intrathoraciques ainsi qu’au niveau des gestes intracardiaques. La mise en place des sutures au niveau des têtes des muscles papillaires ou du bord libre des feuillets de la valve mitrale est grandement facilitée par la vision 3D.
L’instrumentation a suivi aussi la technologie développant des instruments de thoracoscopie adaptés aux petites incisions et permettant de travailler depuis l’extérieur du thorax. Ce sont des instruments longs transmettant une force de levier importante au bout de l’instrument pouvant déchirer facilement les tissus cardiaques. Ils amplifient aussi de façon importante le tremblement physiologique du chirurgien lui faisant perdre de la précision. Ces instruments ne reproduisent pas les mouvements du poignet en profondeur, limitant les mouvements sur deux plans. Cette technique est associée à un système de vision 2D avec les limitations mentionnées précédemment. Tel est le cas de la chirurgie minimalement invasive vidéo-assistée.3
Parallèlement s’est développée la télémanipulation des instruments, communément appelée chirurgie robotique, malgré qu’il ne s’agisse pas d’un robot à proprement parler. En effet, le chirurgien contrôle complètement et en permanence toutes les actions de la machine ainsi que des instruments.
Les instruments ont des articulations à leur extrémité permettant des mouvements de poignet à l’intérieur du cœur, augmentant considérablement la précision des gestes par rapport à la chirurgie thoracoscopique. La contribution de cette technologie à la chirurgie cardiaque minimalement invasive est de ramener les mains du chirurgien à l’intérieur du thorax, redonnant toute l’amplitude de mouvements nécessaire pour réaliser les réparations les plus complexes. Le système utilise une caméra 3D permettant au chirurgien de littéralement plonger dans le thorax.4
La chirurgie cardiaque robotique est le résultat de l’évolution de la chirurgie cardiaque minimalement invasive couplée à l’évolution de la technologie en matière d’instrumentation et de visualisation. Elle s’applique à la chirurgie valvulaire mitrale et tricuspide, à la chirurgie coronarienne, à la résection des tumeurs cardiaques et à la chirurgie congénitale chez l’adulte. Elle permet également de faire de l’ablation pour la fibrillation auriculaire, soit combinée à la chirurgie mitro-tricuspide, soit seule.
Les systèmes robotisés consistent en la manipulation d’instruments à distance du patient, à partir d’une console. Le robot da Vinci Xi (Intuitive Surgical, Mountain View, CA, Etats-Unis) est le dernier modèle de la série da Vinci, comportant 4 bras (figure 2), un système de vision 3D et une console.
Les instruments reproduisent les mouvements du poignet et des doigts, ce sont les mêmes que pour la chirurgie conventionnelle. Ils sont interchangés par le chirurgien à côté du patient et par l’instrumentiste. Ils passent la paroi thoracique à travers des trocarts.
Le chirurgien manipule les instruments depuis la console au moyen de capteurs des mouvements du poignet et des doigts. Le système de vision est contrôlé par les mains et les pieds et transmet les images à la console en haute définition et en 3D (figure 3). Pour faire de la chirurgie cardiaque robotique, il faut deux chirurgiens, un à côté du patient et un à la console.
La chirurgie mitrale constitue l’activité principale en chirurgie cardiaque robotique. Différentes équipes ont démontré depuis les années 2000 que cette technique permet de traiter toutes les pathologies touchant la valve mitrale. Les taux de réparations sont comparables à ceux des interventions réalisées par sternotomie ou par chirurgie minimalement invasive thoracoscopique.5,6 La mortalité rapportée à 30 jours est de 0,7 %, le taux d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) de 0,7 % également. La survie à 5 ans, évaluée par la méthode de Kaplan-Meyer, est équivalente à la chirurgie conventionnelle, de même que l’absence de réopération (97 et 94 % respectivement).
L’utilisation du robot da Vinci pour la chirurgie coronarienne est très variée. Elle va du prélèvement d’artère mammaire interne (IMA) seul avec confection d’une anastomose IMA-IVA (artère interventriculaire antérieure) à travers une minithoracotomie ou par sternotomie à cœur battant, à la revascularisation coronarienne complète totalement endoscopique (TECAB) à cœur arrêté.
De nombreuses équipes ont démontré la faisabilité et la sécurité de la revascularisation myocardique assistée par le robot.7,8 Des revascularisations de trois vaisseaux ont été réalisées en utilisant les deux artères mammaires internes avec des résultats encourageants.9
En l’état actuel de développement technologique, la chirurgie coronarienne impliquant plusieurs vaisseaux n’a pas montré de supériorité par rapport aux techniques ouvertes (sternotomie). Seuls les mono-pontages destinés à la paroi antérieure du ventricule gauche avec l’artère mammaire interne semblent montrer une supériorité par rapport à la sternotomie.
Des techniques hybrides voient le jour, associant la revascularisation chirurgicale robotique (IMA-IVA), dont on connaît le bénéfice sur la survie des patients, à la revascularisation percutanée de vaisseaux du réseau circonflexe ou coronarien droit. Cette technique a été associée à l’absence de mortalité, à une très faible morbidité et à une perméabilité de l’IMA supérieure à 97 %, confirmée par angiographie à 3 mois postopératoires.10
L’analyse des différents rapports sur l’utilisation du robot pour la chirurgie cardiaque minimalement invasive démontre que c’est une technique sûre avec d’excellents résultats à court et moyen termes. Par ailleurs, la qualité des réparations ou des reconstructions réalisées avec le robot est stable dans le temps, comparable aux résultats des interventions faites par sternotomie ou par chirurgie minimalement invasive vidéo-assistée.
Il s’agit d’une technique récente et en pleine évolution. En effet, de nouveaux instruments, écarteurs et stabilisateurs cardiaques, sont en voie de perfectionnement, ce qui rendra encore plus aisée l’utilisation du robot. Des systèmes de sutures sans fil sont en train d’être testés dans le but de faciliter la chirurgie coronarienne.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ La robotique rend la chirurgie cardiaque minimalement invasive plus performante
▪ Malgré un temps d’installation du robot prolongeant le temps opératoire, les gestes chirurgicaux intrathoraciques et intracardiaques sont plus courts et aisés par rapport à la chirurgie minimalement invasive vidéo-assistée
▪ Dans l’état actuel de la technologie, cette chirurgie reste confinée aux centres spécialisés avec un volume de pathologies mitrales suffisant pour garantir une activité chirurgicale continue