Les sociologues et les philosophes nous ont bien montré toute l’importance que la confiance, comme phénomène social, est « l’une des forces de synthèse les plus importantes au sein de la société »1 et qu’elle est souvent considérée comme le ciment de nos sociétés.2 Pour ce qui concerne plus spécifiquement le milieu médical, la confiance est un élément fondamental de tout rapport thérapeutique et probablement encore plus en psychiatrie que dans les autres spécialités médicales.
Or, il faut bien reconnaître que cette valeur essentielle est bien mise à mal aujourd’hui par de nombreux aspects. De façon générale, dans nos sociétés, la méfiance est une valeur qui prend une place considérable dans les rapports avec nos autorités et « la confiance peine à trouver sa place ».3 Les exemples récents sont nombreux : règne des « fausses nouvelles » sur les réseaux sociaux et dans certaines presses ; théorie du complot ; judiciarisation rapide de toutes difficultés dans les rapports humains ; multiplication des outils de contrôle de toutes sortes dans la gestion du milieu du travail ; dévalorisation du discours scientifique et du discours politique ; règne des fausses promesses, etc.
Ce qui est peut-être valable pour les actes médicaux purement techniques ne peut pas s’appliquer sans autres à toute la médecine
Plus directement proche de nous, la façon dont le Conseil fédéral tente d’imposer une nouvelle tarification des actes médicaux en est un bon exemple pris dans l’actualité. Cette nouvelle tarification, comme l’ont bien montré nos collègues Michel Matter et Didier Chatelain,4 va à l’encontre du bon sens et remet en cause la rencontre nécessairement unique avec son patient et l’expression spécifique d’une maladie différente pour chaque individu – ce que l’on définit encore comme la médecine humaine. Ce qui est peut-être valable pour les actes médicaux purement techniques ne peut pas s’appliquer sans autres à toute la médecine. La grande majorité des actes médicaux ne peuvent décidément pas se résoudre à des minutages de prestations valables de façon générale pour toutes personnes qui seraient ainsi réduites à leur maladie.
Comment garder confiance dans nos autorités fédérales qui proposent une solution à un réel problème – l’augmentation des coûts de la santé – de façon aussi unilatérale en faveur d’un contrôle des coûts des actes médicaux dans la logique exclusivement économique (et encore ceci à court terme) des assureurs-maladie ? Cette façon de procéder n’est-elle pas le signe d’une grande suspicion de nos autorités envers les médecins qui sont ainsi pointés comme les principaux responsables des coûts de la santé.
Pour retrouver une certaine confiance entre les différents acteurs du système de santé, ne serait-il pas plus juste de signaler à la population que notre système de santé, souvent considéré comme l’un des meilleurs au monde, a un coût et que si nous voulons le garder à ce niveau, il continuera d’augmenter. Désigner des responsables exclusifs à cette augmentation et les stigmatiser servira certainement à la popularité des politiciens qui le proposeront mais certainement pas à restaurer une confiance nécessaire au fonctionnement de notre société.
Pour restaurer une certaine confiance entre les acteurs des systèmes de soins, il est d’abord nécessaire d’être ouvert aux idées des autres acteurs et de respecter leurs valeurs. Est-il encore temps d’y arriver ?