Face à des délais d’attente de plus en plus longs pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste, la formation des médecins de premier recours à la prise en charge de certains troubles psychiatriques devient de plus en plus importante. En marge du symposium organisé par la Société suisse de thérapie interpersonnelle,1 son président, le Dr Théodore Hovaguimian, impliqué depuis plusieurs années dans la formation des non-spécialistes à la thérapie interpersonnelle (TIP), présente ses réflexions. Largement évaluée depuis plus de 20 ans, la TIP a aujourd’hui fait ses preuves pour la prise en charge de la dépression. Elle pourrait également s’avérer une alternative efficace pour les victimes de stress post-traumatiques, dont le nombre ne cesse de croître, en conséquence des crises migratoires actuelles.
Oui, cette approche est née dans les années 1980, au Massachussetts General Hospital. Elle résulte des travaux du Dr Gerald Klerman, de Myrna Weissman et de leurs collaborateurs, réalisés sur la prise en charge de la dépression en psychiatrie de liaison. De par l’observation des patients, principalement des femmes à l’époque, ils ont repéré quatre sources de dépression : le deuil, les disputes de rôle, les transitions de rôle et l’isolement social. De là, ils ont isolé un facteur commun dans le déclenchement de la dépression : la rupture d’une relation de confiance, d’un attachement. Sur la base de ce constat, ils ont ensuite construit la théorie de la thérapie interpersonnelle. C’est donc une démarche totalement bottom-up.
Une thérapie interpersonnelle se déroule sur 3 à 4 mois. Elle suit un canevas qui repose sur un nombre de séances limité : 12 à 16, à raison d’une par semaine généralement. C’est le « contrat » passé avec le patient, d’un commun accord dès les premières séances. Ce cadre temporel permet de combattre l’apathie et la démotivation inhérentes à la dépression.
La thérapie se déroule en 3 phases : initiale, intermédiaire et de terminaison, chacune avec des objectifs spécifiques et des outils pour les atteindre. Si des séances dites de rappel sont possibles, l’objectif est d’apporter au patient une psychoéducation afin qu’il puisse par la suite gérer les fluctuations de son état de manière autonome.
La TIP est une thérapie brève (encadré) centrée sur les événements de vie récents entourant l’épisode dépressif, plus particulièrement ceux qui ont eu un impact sur le rôle du patient avec les personnes qui comptent pour lui. Le but est de l’aider à restaurer son équilibre psychique en rétablissant son fonctionnement interpersonnel. Le modèle princeps sur lequel a été développée la TIP est le deuil, qui constitue de fait un sevrage d’un rôle interpersonnel, sans possibilité de « réparer ». Cela montre donc bien que l’objectif est d’aller de l’avant, de permettre au patient de se reconnecter à la vie et de se reconstruire un rôle fonctionnel.
Non : à Genève nous avons toujours fait en sorte de permettre aux médecins généralistes de se former. Ils ont un rôle majeur à jouer dans le dépistage bien entendu des patients dépressifs, mais aussi dans leur prise en charge. La dépression touche aujourd’hui une femme sur cinq et un homme sur dix. C’est donc une maladie fréquente et qui concerne en premier lieu les médecins de premier recours. Mais beaucoup, peut-être faute d’une formation initiale suffisante, sont encore mal à l’aise face à ces patients déprimés. Mais nous sommes assez optimistes : lors du symposium, 60 % des participants étaient des médecins généralistes.
Elle ressemble à la thérapie elle-même : elle est brève ! Tous les médecins peuvent se former, mais ils doivent déjà avoir pris en charge des patients dépressifs. Il s’agit d’un prérequis incontournable. Ensuite, la formation elle-même repose sur la lecture du manuel de référence, puis sur un atelier qui se déroule en une journée et demie. Ensuite, le praticien est formé sur deux cas supervisés.
Non, la TIP a aussi été utilisée dans d’autres types de troubles mentaux. Elle a notamment démontré son utilité dans la prise en charge des troubles du comportement alimentaire. Le syndrome de stress post-traumatique semble aussi être une bonne indication, comme le montrent les travaux de John Markowitz. Or nous savons que beaucoup de migrants qui arrivent en Europe souffrent de ce syndrome, et que malheureusement leur prise en charge est très compliquée. Former plus de soignants à la TIP pourrait être une manière d’améliorer leur accès aux soins.