Les parents sont souvent réticents à parler de sexualité et de relations amoureuses avec leurs adolescents. Cependant, ces discussions ont un rôle majeur pour la santé de leurs enfants. Les professionnels de santé sont une source d’informations fiable et de soutien pour les parents dans cette démarche. De nombreuses interactions courtes durant les années de l’adolescence, entre parents et adolescents, basées sur des questions et des situations rencontrées permettent de couvrir les nombreuses thématiques liées à la sexualité. Cet article propose une aide pour les professionnels de santé afin d’informer les parents et les encourager à ouvrir le dialogue avec leurs enfants. Il résume les meilleures pratiques pour favoriser la communication avec des adolescents concernant la sexualité.
Les parents ont un rôle important sur tous les aspects du développement de leurs adolescents, en particulier dans l’éducation sexuelle. La qualité des échanges entre parents et adolescents en matière de sexualité est en étroite corrélation avec le comportement sexuel des jeunes et favorise la prévention. Parler de sujets touchant à la sexualité provoque de l’anxiété et de l’appréhension pour presque tous les parents et tous les adolescents. Ces discussions sont souvent repoussées ou simplement évitées. Les parents sont aussi souvent réticents à aborder ce thème avant que leurs enfants ne soient tout à fait prêts, car ils pensent que de parler de sexualité, reviendrait à donner la permission de l’explorer. C’est en réalité le contraire : l’éducation sexuelle et la communication entre les parents et leurs adolescents sont associées avec une activité sexuelle plus tardive et un meilleur usage de la contraception.1-3 Pour cela, il est nécessaire que les parents ne se limitent pas aux aspects négatifs et aux risques, mais incluent les aspects positifs de la sexualité, comme le plaisir ou le respect mutuel. Pour les sociétés médicales, la sexualité fait partie intégrante de la santé physique et mentale comme une dimension enrichissante et centrale au bien-être des personnes ; pour les parents, c’est souvent un domaine de craintes et d’évitements. Ils ont donc besoin d’une information fiable. Les pédiatres et les généralistes ont un rôle majeur dans la communication des éléments scientifiques concernant la santé reproductive et l’éducation sexuelle.
Les objectifs de cet article sont de proposer une aide pour les professionnels de santé afin de bien informer les parents sur ce sujet et les encourager à ouvrir le dialogue avec leurs enfants. Cet article résume les meilleures pratiques autour des échanges avec des adolescents concernant la sexualité.
La communication autour de la sexualité devrait commencer tôt : la Société américaine de pédiatrie invite au dialogue entre les parents et leurs enfants sur la sexualité dès l’âge de 11 ans, si cela n’a pas été fait auparavant.4 Cette communication ne devrait pas se faire de façon unique et solennelle, mais plutôt consister en un ensemble de petites interactions, tout au long des années, durant des conversations quotidiennes, afin de répondre aux questionnements des enfants et des jeunes, quand ils apparaissent, et en profitant pour transmettre des informations claires. Le but de ces conversations régulières et répétées est de renforcer les concepts qui vont être mémorisés, puis développés suivant l’âge et l’évolution cognitive. Le tableau 1 propose des situations qui peuvent être le point de départ de discussions autour de la sexualité avec des adolescents.5 L’objectif est de couvrir différentes thématiques comme les émotions, le plaisir sexuel, le respect mutuel, l’intimité, le consentement, le plaisir, l’amour, l’estime de soi, en plus des explications techniques et des avertissements. Il est important de transmettre aux parents que les conversations autour de la sexualité peuvent être factuelles et positives, tout en communiquant des valeurs et des limites. Par exemple, « si tu as des rapports sexuels, nous pensons qu’il est important d’utiliser un préservatif pour ta santé et ta sécurité car les préservatifs sont une prévention contre les maladies sexuellement transmissibles (IST) et une grossesse non désirée ». Quand cela est possible, les parents peuvent aussi partager leur vécu.
Appeler les organes sexuels par leur vraie dénomination est bénéfique aux enfants. Cet apprentissage peut commencer très tôt, en utilisant des mots qui sont appropriés à l’âge pour expliquer les parties du corps et leur fonctionnement. Beaucoup de parents utilisent des mots génériques ou familiers (zizi, zézette…). Lors de l’utilisation d’euphémisme, le message que l’enfant reçoit est que ces parties du corps sont embarrassantes et honteuses. Il a été montré que d’utiliser les termes anatomiques corrects (comme pénis, testicules, scrotum, ou clitoris, vulve, vagin) est bénéfique aux enfants en termes du développement de l’estime de soi, d’une sensation de sécurité, mais aussi d’une fierté et du respect.6 Ce faisant, les enfants développent une représentation saine et intime de leurs organes génitaux. Une attitude positive développe aussi une conscience intérieure précise, utile dans le contexte du consentement. Un discours clair, factuel et ouvert dès le bas âge peut donc aider à se sentir en confiance pour parler de maladies, de relations, de rapports sexuels, d’exploitations ou d’abus à l’adolescence (tableau 2).
Il est recommandé que les parents commencent à parler des changements pubertaires physiques, en abordant les changements hormonaux, morphologiques et émotionnels. Mieux vaut être prêt qu’être surpris par les changements d’odeurs corporelles, la poussée des seins, des testicules ou des poils génitaux. Des visites de prévention chez le pédiatre peuvent aider les adolescents et leurs parents à comprendre les étapes d’une puberté normale. Faire un calendrier des cycles (dates, quantité des saignements, dysménorrhée) sur papier ou dans une App sur smartphone (par exemple, Clue, Flo ou SpotOn) peut aussi aider à suivre les cycles, et à comprendre le fonctionnement biologique normal. Cette information est utile aussi aux médecins dans les évaluations du climat hormonal et le diagnostic de maladies, comme l’anorexie mentale (tableau 3).7
Tous les adolescents sont vulnérables face aux rejets, aux violences ou aux harcèlements, et particulièrement les adolescents avec une orientation sexuelle ou une identité de genre non conventionnelle. Ces situations dans les médias ou à l’école sont des opportunités pour ouvrir la discussion familiale sur les différences, sans faire l’hypothèse que leur enfant est hétérosexuel ou cis-genre. Des discussions répétées avec chacun des parents concernant leur soutien inconditionnel ont un effet positif sur tous les adolescents, que leur enfant soit, ou non, lesbienne, gai, bisexuel ou transgenre (LGBT). Une majorité des adolescents se perçoivent comme étant différents ou pas assez bien, même lorsqu’ils sont hétérosexuels. Pour les adolescents qui s’identifient comme LGBT, nous recommandons d’accompagner les parents dans des stratégies d’expression de leur amour inconditionnel pour leur enfant, et de discussions régulières quant à la thymie, l’estime de soi et au dépistage du harcèlement. Un suivi par une consultation de médecine de l’adolescence pourrait être indiqué si le médecin traitant n’est pas assez formé dans ces domaines.8-10
Souvent négligée parce qu’embarrassante et stigmatisée, la masturbation est normale et est un signe de bonne santé : c’est une façon de découvrir sa propre sexualité, d’exprimer naturellement les pulsions sexuelles et de les assouvir seul, sans avoir de risque de grossesse ou d’IST, mais avec les bénéfices de la régulation émotionnelle.11
Pour beaucoup de parents, l’abstinence est la seule option envisageable concernant leurs adolescents. Ce choix n’est pas efficace à long terme : les adolescentes exposées à une éducation sexuelle qui met en avant uniquement l’abstinence n’évitent pas plus les relations sexuelles que celles qui n’ont pas reçu d’éducation sexuelle.12,13
Lors d’une relation, une stratégie est d’encourager l’apprentissage par étape, par opposition à « tout faire d’un coup » : débuter avec des actes de découverte moins risqués, comme des câlins et baisers, puis progresser vers la masturbation mutuelle, puis des actes comportant plus de risques comme le sexe oral ou le rapport avec pénétration, ce dernier comportant le double risque d’IST et de grossesse. Ce qui incite à l’utilisation de moyens de prévention anticipés.11
Une même situation peut être vécue favorablement ou négativement, selon que l’on a donné ou non son consentement. Pour les relations amoureuses et la sexualité, il ne s’agit pas d’un consentement général donné une fois pour toutes à une personne, mais de séquences de comportements souhaités, choisis ou acceptés. Nombreux sont les adolescents qui ont donné leur accord pour des rapports sexuels à un partenaire choisi et qui se sentent mal ensuite car « les choses ont été trop vite ». Encourager les enfants et les adolescents à exprimer clairement leurs désaccords, leurs envies et à respecter leur rythme est protecteur pour leur sexualité. Pour les garçons comme pour les filles, les parents peuvent expliciter l’importance de demander l’autorisation avant de toucher une autre personne ou de débuter un acte sexuel et d’être attentif aux réponses. Dans la période de l’adolescence, plus on se ressent vulnérable ou moins on a confiance en soi, plus refuser est difficile. Les discussions entre parents et jeunes peuvent chercher comment refuser sous la pression.
Il existe de nombreuses possibilités de contraception, qui limitent le risque de grossesse. Seuls les contraceptifs de type barrière peuvent aussi prévenir des IST. Un article récent de la Revue Médicale Suisse résume ces informations et permet de choisir celle qui correspond le mieux aux besoins du moment.14 Afin de l’expliquer à leurs enfants, les parents ont aussi besoin de comprendre comment les contraceptifs exercent leur efficacité. Chaque adolescent qui est bien informé peut être une ressource pour ses pairs. Il est utile pour les parents également de connaître la contraception d’urgence et sa disponibilité, afin de réagir et soutenir leurs enfants dans les situations à risque (tableau 4). Contrairement aux idées reçues, informer sur la contraception d’urgence n’augmente pas l’activité sexuelle des jeunes, mais permet de prévenir des grossesses non désirées.15
Encourager les jeunes à aborder les aspects positifs des relations amoureuses comme le respect, la découverte de l’autre et de soi, l’intimité, le plaisir et la tendresse leur permet de se préparer à leurs premières ou nouvelles relations, de les influencer positivement et de les aider à reconnaître ce qui n’est pas acceptable pour eux. Comme les montagnes russes, l’intensité émotionnelle varie beaucoup à l’adolescence entre tomber amoureux, maintenir la relation et les séparations, le tout dans un court laps de temps. Les adolescents ont besoin de soutien stabilisant de la part des parents, afin d’apprendre à traverser l’impulsivité et les émotions contrastées avec un minimum de difficultés.
Peu d’adolescents sont conscients des risques associés avec le sexe oral et anal, car ces sujets sont souvent ignorés dans les discussions avec leurs parents. Les adolescents s’engagent dans ces activités afin d’éviter des grossesses, mais sans prendre en compte les risques de maladies.11 Partager des informations claires sur les méthodes de type barrière, leur mode d’utilisation et leur disponibilité est essentiel. Le simple acte pour les parents d’acheter des préservatifs et de les rendre accessibles peut être une ouverture à une discussion.16
L’abus relationnel chez les adolescents peut se présenter sur les plans émotionnel, physique et sexuel, avec un partenaire sexuel ou une autre personne. L’abus peut se présenter de différentes manières : en face à face, en ligne, via sms ou à travers un tiers par des comportements possessifs (contrôler les appels, imposer certains vêtements, contrôler où et avec qui ils peuvent sortir, manipuler le partenaire autour de l’usage de contraceptifs). En 2013, une enquête parmi des collégiens américains décrit que 14% des adolescentes et 6% des adolescents rapportent avoir vécu au moins un épisode de violence dans l’année précédente.17 L’abus relationnel est associé avec une augmentation des comportements sexuels à risques, d’IST et des grossesses non désirées.18
Ces dernières années, de nouvelles formes d’exploitation sont apparues au travers des médias sociaux comme le texting excessif, les sextings (la transmission d’images nues de soi ou d’une autre personne), différents modes d’espionnage, le monitoring des appels et des abus par cyberdating qui sont associés avec un usage diminué de la contraception et une augmentation des violences sexuelles. Les victimes peuvent souffrir de dépression, d’idées suicidaires, d’abus de substances, de problèmes alimentaires, de scarifications et d’une diminution de leur performance académique.17,18 Les parents et les soignants devraient discuter avec les enfants et les jeunes des bénéfices et des risques associés avec les médias sociaux et anticiper les problèmes en créant ensemble des stratégies pour mettre des limites et maintenir leur sphère personnelle (tableau 5). Les valeurs et les interdits pouvant sembler moins importants sur ces réseaux, l’intervention des adultes, voire de la police, est également parfois nécessaire.
L’utilisation courante des smartphones et des tablettes donne accès aux adolescents à de nouveaux modes de communication concernant leur sexualité en utilisant des mots, des photos et des vidéos, y compris hors de la maison. L’exposition à des images qui montrent l’abus d’alcool associé à la sexualité sont souvent présentes et peuvent augmenter les risques de comportements sexuels dangereux. C’est un défi constant pour les parents de rester à jour avec les avancées technologiques, mais le suivi de l’utilisation et le contrôle des médias sont de plus en plus importants pour la sécurité des enfants. Il est essentiel que les parents parlent avec leurs adolescents des nouvelles communications interpersonnelles, par exemple de type sexting et comment l’alcool ou d’autres substances peuvent avoir un effet sur la prise de décision. Discuter de la représentation de pouvoir entre les hommes et les femmes dans les médias permet également aux parents de renforcer l’importance du consentement et du respect.
Les enfants sont exposés aux premières vidéos pornographiques dès la fin de la scolarité primaire en moyenne. Lorsque des parents apprennent que leurs enfants y ont été exposés, plutôt que de moraliser et de culpabiliser, il est préférable de leur demander ce qu’ils ont vu exactement, ce qu’ils en ont pensé et ce qui a pu potentiellement les choquer. La culture pornographique touche fortement les jeunes adolescents et peut être la seule référence quant à l’anatomie, aux pratiques extrêmes et souvent brutales vis-à-vis des femmes et de certains hommes. La pornographie se limite aux actes sexuels et peut ainsi, comme modèle dominant, limiter les dimensions des relations amoureuses à des tentatives de reproductions de ces scènes.5 Ainsi la discussion précoce entre parents et adolescents autour des aspects positifs de la sexualité et des relations amoureuses est encore plus importante face à un accès généralisé à la pornographie afin de garder de l’espace pour l’amour, l’intimité, le respect de soi et de l’autre, et pour la relation affective entre deux personnes (tableau 6).
Encourager et soutenir les parents à discuter de sexualité et de relations avec leurs adolescents fait partie des interventions utiles. Pour cela, les parents ont besoin d’informations fiables et adaptées provenant des professionnels de santé. Inclure les aspects positifs de la sexualité dans ces discussions permet de renforcer les stratégies de santé et de prévention. De nombreuses interactions courtes durant les années de l’adolescence, entre parents et adolescents, basées sur des situations rencontrées permettent de couvrir les différentes thématiques. Une bonne compréhension des contraceptions permet aux parents de réagir et de soutenir lors de situations à risque. L’apprentissage de la sexualité et des relations amoureuses a évolué ces dernières décennies en raison des technologies. Les parents sont amenés à monitorer l’usage des technologies de leurs enfants et à limiter les risques. Tout cela constitue des opportunités pour développer la communication entre les parents et leurs adolescents concernant la sexualité et les autres dimensions importantes de la vie.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ Favoriser les discussions entre les parents et leurs enfants concernant la sexualité et les relations « amoureuses » influence positivement les prises de risque et la santé des adolescents et des jeunes adultes
▪ Les professionnels de santé ont un rôle important en informant les parents sur ces questions et en les soutenant dans ce dialogue avec leurs enfants progressivement dès l’enfance
▪ Encourager les parents à ouvrir de nombreuses discussions lorsque les sujets apparaissent dans la vie de leurs enfants est une des bonnes pratiques décrites dans cet article
▪ Couvrir les aspects positifs et négatifs de la sexualité et des relations amoureuses est utile pour informer et soutenir l’autonomisation progressive des adolescents vers leur vie d’adulte
Parents are often reluctant to discuss sexuality and romantic relationships with their teenagers. However, these discussions can have a strong impact on their children’s health. Care providers can act as a reliable source of information to support parents in this task. Through repeated short interactions with their child over their adolescence, parents can cover most topics related to sexuality, based on teenagers’ questions and the situations that they face (e.g. LGBT bullying at school). This article summarizes current best practice on how to facilitate parental dialogue with adolescents about sexuality and offer care providers guidance in transmitting this information to parents.