La substitution d’une dépendance est définie comme le remplacement d’une substance addictive et nocive par sa forme médicamenteuse prescrite par un médecin. Cette dernière est moins néfaste, mais a des effets identiques ou comparables. Dans le contexte de la dépendance aux opioïdes, la substitution par les opioïdes est aujourd’hui la seule démarche thérapeutique ayant démontré une utilité à long terme sur l’usage de la substance et ses conséquences négatives, ainsi qu’un effet préventif sur la transmission des maladies infectieuses.1 La substitution par les opioïdes n’est plus un cas particulier et s’est en effet imposée comme le traitement de choix dans les différentes recommandations internationales. Si la base légale permettant de traiter les patients avec une substitution (notamment la méthadone) existe dans de nombreux pays d’Europe depuis les années 1960-70, leur mise en place s’est véritablement développée au cours des deux dernières décennies devant la nécessité de faire face à l’épidémie de VIH et à la survenue de surdoses mortelles, mais surtout grâce à la volonté des professionnels sanitaires et sociaux du domaine au niveau international ayant milité pour la reconnaissance de ces traitements.2
Plusieurs terminologies existent dans la littérature pour nommer ce type de modalité thérapeutique ; l’une d’entre elles fréquemment utilisée est le traitement basé sur la substitution (TBS) de la dépendance aux opioïdes, que nous retiendrons donc dans cet article.
En Europe, cinq molécules sont aujourd’hui utilisées comme TBS de la dépendance aux opioïdes : la (R,S)-méthadone, la (R)-méthadone, la buprénorphine, la morphine retard orale et la diacétylmorphine ou héroïne.1 Ces molécules sont présentées dans le tableau 1. Le nombre de nouveaux patients sous TBS a diminué au cours des dernières années, mais globalement cette population est en constante augmentation en raison du vieillissement des individus, tant l’impact des TBS sur la santé bio-psychosociale et la prise en charge globale de ces patients est important. Ainsi en France, plus de 151 000 patients étaient sous TBS en 2017.3 En Suisse, plus de 17 000 personnes bénéficiaient d’un TBS en 2016 et près d’un tiers d’entre eux était domicilié en Suisse romande.4
Toutefois, le soulagement de la douleur aiguë chez les patients dépendants aux opioïdes ou sous TBS reste encore un enjeu thérapeutique majeur ; celle-ci est en effet souvent sous-évaluée et parfois insuffisamment soulagée. L’absence de guidelines officielles rend la tâche des professionnels de santé d’autant plus difficile. Or, différentes études ont montré que la prévalence de la douleur chez ces patients serait deux à trois fois plus élevée que dans la population générale.5
L’objectif de cet article est donc de permettre au médecin de premier recours de mieux appréhender la problématique de la douleur aiguë chez ces patients sous substitution pour un abus d’opioïdes et propose ainsi une synthèse des stratégies thérapeutiques médicamenteuses possibles.
S’il est vrai que les patients sous TBS peuvent présenter de nombreuses comorbidités somatiques et/ou psychiatriques à l’origine d’une fréquence élevée de manifestations douloureuses, d’autres mécanismes ont été identifiés et bien décrits dans la littérature pour expliquer cette prévalence supérieure de la douleur.
Le principal réside dans le processus d’hyperalgésie induite par l’exposition prolongée aux opioïdes, décrite comme un état de sensibilisation du système de conduction de la douleur. Cette hyperalgésie se manifeste cliniquement par une augmentation de la sensibilité à la douleur, une aggravation et une extension de la douleur chez les patients traités par opioïdes, même à faible dose.6,7 Ce phénomène de sensibilisation existe parfois chez les patients traités par opiacés à visée antalgique comme chez les patients sous TBS, même s’il n’existe que peu de données estimant la prévalence de ce phénomène dans cette population.8,9
L’hyperalgésie serait en grande partie liée à une activation et une sensibilisation des systèmes pronociceptifs (impliquant notamment les neuropeptides anti-opioïdes et le système des acides aminés excitateurs via les récepteurs NMDA), en même temps qu’une activation des systèmes antinociceptifs, lors d’une administration d’opioïdes.10 Ce phénomène se réduit lors d’une diminution des posologies d’opioïdes et légitime parfois une rotation des opioïdes.
Il est important de différencier le phénomène d’hyperalgésie du phénomène de tolérance. Celle-ci correspond à une diminution de l’effet antalgique lors de l’utilisation d’une même posologie d’antalgique ou à la nécessité d’augmenter la posologie pour obtenir le même effet. La tolérance n’est pas sous-tendue par le même mécanisme de neuroplasticité que celui à l’origine de l’hyperalgésie. Elle serait liée à une désensibilisation des systèmes antinociceptifs. Ainsi, si une augmentation des doses d’antalgiques peut compenser la tolérance, elle risque par contre d’aggraver l’hyperalgésie.11
Cette sensibilité exacerbée à la douleur chez les patients dépendants aux opioïdes n’est ainsi pas corrigée par les TBS et la prise en charge de la douleur n’en est que plus complexe. Or celle-ci est d’autant plus fondamentale lorsqu’on sait que sa mauvaise prise en charge chez le patient sous TBS expose à un risque de consommation autothérapeutique de substances psychoactives, de troubles du comportement, de rupture de traitement et/ou de conséquences négatives sanitaires ou psychosociales.
La prise en charge de la douleur chez les patients sous TBS peut en outre être mise en défaut par certaines craintes ou idées reçues des professionnels de santé,12 qu’il est important de discuter.
Une crainte fréquente est celle d’entraîner une reprise du comportement addictif chez ces patients en leur administrant des opioïdes. Ce risque existe en particulier avec l’utilisation de certains opioïdes plus lipophiles (comme la péthidine ou l’oxycodone) et/ou si leur administration se fait par voie parentérale.
A l’inverse, plusieurs études montrent que le stress et l’anxiété liés à la douleur seraient certainement plus susceptibles de conduire à des comportements de recherche et de consommation de substances.13 Il n’en demeure pas moins que les patients sous TBS sont physiquement dépendants aux opiacés et tolérants, même s’ils ne présentent plus de comportement addictif.
Cette crainte est entretenue par les études épidémiologiques nord-américaines qui montrent un accroissement de la morbi-mortalité liée à l’usage des opioïdes. En effet, dans les années 2000 aux Etats-Unis, des campagnes de promotion pour l’utilisation des analgésiques opioïdes avaient entraîné une augmentation significative du nombre de prescriptions et de consommateurs chroniques d’opioïdes, générant en outre un accroissement des problématiques addictives. Par la suite, en raison d’un changement de politique de santé, la prescription des opioïdes a diminué notablement, avec pour conséquence le développement du marché clandestin de molécules opioïdes, dont le degré de pureté variable a conduit à une forte augmentation des décès par overdose.14 En Europe et en Suisse en particulier, il semble que le problème soit moins important qu’aux Etats-Unis, toutefois les données sont peu étayées. De plus, les quelques études européennes disponibles indiquent une réelle augmentation des cas de surdosage et/ou de décès liés aux opioïdes.15
Une autre crainte majeure des professionnels de santé est que la co-administration d’un TBS avec des doses élevées d’antalgiques opioïdes augmente le risque de dépression centrale et respiratoire. Ce risque est en effet bien décrit, mais il est en réalité plus théorique que réel pour deux raisons: d’une part, la douleur pourrait servir d’antagoniste naturel aux effets dépresseurs des opioïdes et, d’autre part, la tolérance aux effets dépresseurs respiratoires se développe plus rapidement chez les patients recevant des opioïdes que chez les patients naïfs. L’expérience clinique montre en effet que pour les patients oncologiques par exemple, chez lesquels de fortes doses d’opioïdes sont fréquemment nécessaires, la dépression respiratoire reste un phénomène rare.16,17 Une surveillance clinique rapprochée et une augmentation lente et progressive de la posologie d’opioïdes permettent dans la plupart des cas de prévenir un risque éventuel.
Enfin, nombre de professionnels de santé se demanderont si la plainte douloureuse peut être une tentative de manipulation du patient pour obtenir des opioïdes. Cette question place le professionnel de santé dans une position inconfortable et ambiguë, souvent d’autant plus marquée que ces patients peuvent avoir des réticences à évoquer leur parcours addictif. Il convient alors de se rappeler que ces patients sont plus fréquemment et plus intensément douloureux, qu’ils sont plus vulnérables et qu’une prise en charge insuffisante de leur douleur les expose à diverses conséquences négatives. De plus, une stratégie adaptée de repérage et d’évaluation de la douleur, ainsi qu’une bonne connaissance des signes de dépendance, d’intoxication aiguë et de sevrage aux diverses substances psychoactives, permettent de guider les professionnels.
La stratégie thérapeutique est conditionnée par l’étiologie, le type et l’intensité de la douleur, ainsi que par le TBS employé. Elle nécessite donc d’être individualisée. Certains principes généraux restent toutefois de mise, quels que soient la douleur et le TBS (figure 1).
Il convient en tout premier lieu d’établir un diagnostic et donc d’évaluer le type de douleur et son origine physiopathologique (nociceptive, fonctionnelle et/ou neuropathique). Il faut également rassurer le patient sur la prise en compte de sa douleur et l’informer sur les possibilités de le soulager au mieux, afin de réduire l’anxiété et d’établir ou de renforcer la relation de confiance. Cette alliance thérapeutique est la pierre angulaire du bon déroulement de la prise en charge et permet aux professionnels de santé de clarifier auprès et avec le patient la différence entre le traitement qui relève de l’addiction et celui qui relève de l’antalgie. Selon certains auteurs, la mise en place d’un contrat de soins peut parfois représenter une mesure thérapeutique utile.
La prise en charge générale de la douleur aiguë chez ces patients comprend dans tous les cas le maintien d’un TBS et la mise en place d’un traitement antalgique actif, efficace et adapté à l’intensité de la douleur et à son origine. Comme pour tous les patients présentant une douleur aiguë nociceptive, un traitement étiologique, des mesures non médicamenteuses et l’utilisation d’antalgiques non opioïdes (paracétamol, AINS, stéroïdes, co-analgésiques, myorelaxants) peuvent être mis en œuvre et sont souvent utiles, notamment en cas de douleurs légères à modérées. En cas de douleurs modérées à sévères, les antalgiques opioïdes s’avèrent parfois nécessaires et doivent alors être débutés dans les meilleurs délais. Dans ce cas, afin de diminuer la consommation totale d’antalgiques opioïdes, une stratégie d’analgésie multimodale doit d’autant plus être déployée.
Compte tenu des phénomènes de tolérance, un contrôle adéquat de la douleur chez les patients sous TBS nécessitera généralement des posologies d’opioïdes plus élevées que chez les sujets naïfs. Les prescriptions systématiques avec des doses de réserve devraient être préférées aux prescriptions en cas de besoin. En effet, permettre à la douleur de réapparaître avant d’administrer la prochaine dose provoque une souffrance et une anxiété inutiles et risque d’augmenter la tension entre patient et soignants.
Dans la mesure du possible, il est préférable d’utiliser un opioïde à visée antalgique différent de celui utilisé comme TBS, afin de bien différencier ce qui relève de la substitution nécessaire au long cours, de l’antalgie temporaire. Chez ces patients sous TBS, il semble en outre plus logique d’utiliser un opioïde de palier III de l’OMS. En effet, les antalgiques opioïdes de palier II (codéine, tramadol), du fait d’une plus faible affinité pour les récepteurs opiacés µ, risquent d’être moins puissants. Il convient par ailleurs d’éviter la péthidine et ses dérivés à cause de leur fort potentiel addictogène, tout comme les opioïdes agonistes-antagonistes des récepteurs opiacés (nalbuphine) qui risquent de déclencher un syndrome de sevrage aigu. La voie orale devrait être privilégiée, mais en s’autorisant à utiliser la voie parentérale lorsque la situation l’exige. Les molécules opioïdes les plus fréquemment utilisées, ainsi que leurs principales caractéristiques pharmacologiques, sont présentées dans le tableau 2.
Enfin, il est fondamental de veiller à la bonne collaboration entre les différents professionnels de santé impliqués dans la prise en charge de ces patients sous TBS en cas de douleur aiguë. En effet, si le prescripteur de l’antalgie est différent de celui du TBS, il conviendra d’aviser ce dernier au décours de l’épisode douloureux aigu, voire de solliciter son expertise au besoin. L’objectif est ensuite d’organiser le suivi clinique du patient à court et plus long terme et d’envisager la déprescription des antalgiques à distance de l’épisode douloureux.
La méthadone est un agoniste µ. La stratégie plus classique est de maintenir le TBS à la dose habituelle (traitement de la dépendance aux opiacés), en associant une analgésie multimodale adaptée à l’intensité de la douleur et comprenant des mesures non médicamenteuses, des antalgiques non opioïdes et, si besoin un antalgique agoniste opioïde µ de palier III, à libération immédiate à titrer, par voie orale, en prise pluriquotidienne.12,17,18 Dans le contexte d’une substitution par méthadone, l’oxycodone devrait toutefois être évitée en raison du risque d’interactions pharmacocinétiques via le CYP450.
En cas de douleur modérée et possiblement de courte durée chez certains patients à risque de mauvaise observance, une autre proposition thérapeutique pourrait être préférée afin de simplifier la thérapie. Celle-ci consiste en un fractionnement de la dose quotidienne de méthadone en trois à quatre prises par jour (car la durée habituelle de l’effet antalgique de cette molécule est de 6-8 heures), en augmentant éventuellement la dose. Cette stratégie doit alors être clairement expliquée au patient, en lui précisant que dès que la douleur et sa cause seront traitées, le TBS sera repris en une prise quotidienne.17,18 Toutefois, le retour au niveau antérieur de TBS peut être difficile et, de façon générale, la stratégie classique de maintien du TBS avec adjonction d’un agoniste µ opioïde semble plus simple.
A noter pour rappel que l’association de méthadone avec un agoniste-antagoniste opioïde, y compris la buprénorphine, est contre-indiquée compte tenu du risque de syndrome de sevrage.
Le traitement de la douleur chez les patients traités par buprénorphine est rendu plus complexe du fait de ses propriétés pharmacologiques. En effet, la buprénorphine est un agoniste partiel des récepteurs µ et un antagoniste des récepteurs. Elle possède ainsi une grande affinité pour les récepteurs µ et sera donc difficilement déplaçable de ses récepteurs par d’autres agonistes. Plusieurs possibilités antalgiques peuvent néanmoins être envisagées. Au vu de l’absence d’évidence, les propositions suivantes sont basées sur la pratique clinique.
Dans tous les cas, les principes de l’analgésie multimodale seront mis en œuvre. La stratégie qui consiste en un maintien du TBS avec adjonction d’un antalgique opioïde a été proposée par certains,12 mais reste plus délicate dans ce cas pour deux raisons. La première est que l’association de buprénorphine avec un agoniste µ puissant est une contre-indication formelle dans la monographie du produit ; le risque est en effet celui d’une overdose si la buprénorphine était malencontreusement diminuée ou arrêtée. La seconde est que l’antalgie pourrait s’avérer tout à fait insuffisante, du fait de la forte affinité de la buprénorphine sur les récepteurs, avec donc la probable nécessité d’utiliser des doses d’antalgiques opioïdes très élevées.
En conséquence, si la douleur est légère à modérée et de relative courte durée, il est possible, comme mentionné ci-dessus avec la méthadone, de fractionner la dose quotidienne de buprénorphine en trois à quatre prises par jour, en augmentant raisonnablement la dose si nécessaire. Là encore, malgré sa simplicité de mise en œuvre, cette stratégie pourrait n’apporter qu’une antalgie relative et le retour au rythme d’administration antérieur du TBS pourrait s’avérer difficile.
En cas de douleur sévère, la buprénorphine peut être arrêtée et remplacée par un opioïde fort à libération immédiate, qu’il conviendra de titrer progressivement afin d’éviter les symptômes de sevrage et d’atteindre une analgésie efficace. Une fois la douleur aiguë résolue, l’antalgique peut être arrêté et le TBS repris en suivant un protocole spécifique. Cette stratégie, réalisable en milieu hospitalier, impose des délais à respecter (souvent > 24 heures) à l’arrêt comme à la reprise de la buprénorphine et l’aide des spécialistes en addictologie est souvent nécessaire.12,17,18
Une dernière stratégie trouve sa place en cas de douleurs sévères chroniques ou de chirurgie douloureuse programmée nécessitant des antalgiques de palier III. Cette stratégie consiste à remplacer la buprénorphine par la méthadone, celle-ci étant plus aisée à manier comme évoqué ci-dessus. Ce remplacement de TBS peut alors être programmé et réalisé sans urgence par le spécialiste prescripteur du TBS.
La morphine est un agoniste µ. La stratégie comprend donc la poursuite du TBS à la dose habituelle, en lui associant une analgésie multimodale adaptée à l’intensité de la douleur et incluant, de la même manière, des mesures non médicamenteuses, des antalgiques non opioïdes et des antalgiques opioïdes.12,17,18
On devrait préférer choisir un opioïde fort à libération immédiate différent de la morphine, afin de bien séparer le traitement de l’addiction du traitement de la douleur, mais l’utilisation de morphine à libération immédiate reste possible. Dans tous les cas, l’antalgique opioïde choisi sera titré progressivement et administré de manière pluriquotidienne.
La diacétylmorphine (DAM) est un agoniste pur des opioïdes, disponible sous forme injectable ou orale. Après injection intraveineuse, la DAM a une demi-vie de quelques minutes et est rapidement métabolisée en 6-monoacétylmorphine (6‑MAM) dans le système nerveux central et les organes périphériques. Le 6-MAM a une demi-vie de 20 minutes environ et est également rapidement transformé en morphine, qui représente le métabolite actif d’une demi-vie plasmatique d’environ 3-4 heures. Les effets centraux du Diaphin sont dus à l’interaction de ces métabolites avec les récepteurs opiacés µ.
La littérature portant spécifiquement sur la prise en charge de la douleur chez les patients substitués par la DAM, dans le cadre d’une dépendance aux opiacés, est inexistante. A partir des données pharmacologiques, il est raisonnable de concevoir que les principes de prise en charge de la douleur aiguë chez ces patients devraient être identiques à ceux proposés chez les patients traités par morphine retard orale.
La prise en charge de la douleur aiguë chez les patients sous TBS est un véritable sujet d’actualité au vu de l’importante population de patients traités. Ces patients peuvent être plus sensibles à la douleur et sont devenus tolérants aux opiacés. Ils nécessitent donc une prise en charge antalgique adaptée et efficace, afin de mieux les soulager et d’éviter un risque de rechute addictive ou la survenue d’autres conséquences négatives liées à une utilisation inappropriée des analgésiques. Les principales craintes des professionnels de santé, par rapport à cette population de patients et leur prise en charge, peuvent être levées grâce à une information ciblée ainsi qu’une évaluation systématisée du patient, de l’origine de sa douleur, de l’efficacité et la tolérance de la stratégie thérapeutique choisie, tout en prenant en compte ses comorbidités, ses comédications et ses attentes.
Si certaines recommandations générales s’appliquent à tous les patients sous TBS, la stratégie thérapeutique reste conditionnée par le type de douleur, son intensité, ainsi que par le TBS employé. Dans la majorité des cas de douleur aiguë nociceptive, le TBS sera maintenu et une analgésie multimodale sera mise en œuvre, adaptée à l’intensité de la douleur. Celle-ci inclut des mesures non médicamenteuses, des antalgiques non opioïdes et/ou des antalgiques opioïdes en sélectionnant de manière adéquate le type d’opioïde et sa posologie, en privilégiant la voie orale et avec un suivi clinique et thérapeutique clairement établi.
Aujourd’hui, les opioïdes ne devraient donc plus faire l’objet d’une certaine « opiophobie » de la part des professionnels de santé, qui sauront les prescrire en cas de nécessité et qui participeront ainsi à une amélioration significative de la prise en charge de la douleur dans cette population spécifique et vulnérable. Enfin, les services et/ou consultations hospitalières spécialisés dans la douleur peuvent constituer une ressource importante pour le praticien de premier recours.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ Les données utilisées pour cet article ont été identifiées par une recherche medline des articles publiés en anglais et français depuis 1998 dans le domaine de l’addictologie et de la pharmacologie. les deux mots-clés principaux utilisés pour la recherche étaient : « addiction » et « pain management ».
▪ La prise en charge de la douleur aiguë chez le patient sous TBS (traitements basés sur la substitution) impose de maintenir la thérapie de substitution nécessaire au long cours (traitement de la dépendance) et d’y ajouter une analgésie multimodale adaptée à la douleur et au TBS (traitement antalgique)
▪ En cas de douleur sévère, le traitement peut nécessiter l’ajout d’un analgésique opioïde de palier III, qui sera choisi en fonction du TBS et titré selon la réponse clinique du patient
▪ L’alliance thérapeutique est la pierre angulaire du bon déroulement de la prise en charge de la douleur aiguë chez les patients sous TBS. la mise en place d’un contrat de soins peut représenter une mesure thérapeutique utile chez certains patients
▪ La coordination entre professionnels de santé impliqués dans la prise en charge de la douleur chez les patients sous TBS est indispensable
▪ Le suivi clinique et thérapeutique du patient est essentiel à court et long terme afin notamment de dé-prescrire les antalgiques à distance de l’épisode douloureux aigu