Dans la République démocratique du Congo (RDC), la fièvre hémorragique Ebola est, officiellement, réapparue à deux reprises depuis le début de cette année. Une première bouffée épidémique a été enregistrée début mai dans la zone de santé de Bikoro (province de l’Equateur) : 21 cas de fièvre avec signes hémorragiques évocateurs – dont 17 décès. « La riposte immédiate et coordonnée par l’Organisation mondiale de la santé a permis d’endiguer rapidement le début d’épidémie – contrastant en cela avec ce qui s’était passé en Afrique de l’Ouest, entre 2013 et mars 2016, observe le site Medscape.1 Les leçons ont été retenues et la fin de la neuvième flambée d’Ebola en République démocratique du Congo – en 40 ans dans le pays – a été déclarée le 24 juillet par l’OMS. »
Toutefois, quelques jours plus tard, la division provinciale de la santé du Nord-Kivu notifiait un groupe de cas présumés de fièvre hémorragique aiguë dont les résultats se sont révélés positifs à la PCR automatisée GeneXpert.
« Pour contrer cette résurgence de la maladie, se met en place une vaccination en anneau – vacciner tous les contacts, c’est-à-dire les personnes connues pour avoir été en contact avec un sujet ayant eu une infection confirmée par le virus Ebola, ainsi que tous les contacts des contacts – dans la zone de santé de Mangina, située à 30 km de la ville de Beni, ajoute alors Medscape. Comme lors de la première flambée, seront donc vaccinées en priorité toutes les personnes travaillant dans le domaine de la santé et les personnes ayant été en contact avec des cas avérés de la maladie. »
Le vaccin utilisé dans cette région de RDC est le rVSV-ZEBOV mis au point par les laboratoires Merck. Il avait déjà, en 2015, été testé avec succès sur près de 6000 personnes en Guinée.2 Au total, 3220 doses du vaccin rVSV-ZEBOV sont actuellement stockées dans la capitale Kinshasa et des doses supplémentaires ont été demandées, indique l’OMS. Un accord entre l’Alliance Gavi et Merck devrait permettre de garantir la disponibilité de doses expérimentales supplémentaires du vaccin pour couvrir tous les besoins recensés sur le terrain. Pour sa part, l’OMS fournit un soutien logistique afin d’assurer, autant que faire se peut dans cette zone tropicale, la chaîne de froid.
« La maladie à virus Ebola est particulièrement brutale. Par conséquent, notre riposte doit être plus vigoureuse. Le fait de commencer la campagne de vaccination aussi rapidement est une première étape essentielle » a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. Pour sa part, Peter Salama, responsable des réponses en urgence de l’organisation onusienne a rappelé que pour que le vaccin de Merck soit efficace, il faut que la souche de virus soit de type Zaïre. Si la souche se révélait être de type Soudan ou Bundibugyo la situation serait alors, selon lui, « beaucoup plus complexe ».
Commencer la campagne de vaccination aussi rapidement est une etape essentielle
Pour sa part Médecins Sans Frontières (MSF) précise avoir ouvert, dès le 14 août, un centre de traitement d’Ebola (CTE) à Mangina, localité considérée comme étant l’épicentre de l’épidémie. La totalité des patients de l’unité d’isolement dans laquelle les équipes MSF travaillaient pour réduire les risques de transmission de la maladie a été transférée dans les douze tentes du nouveau CTE.
« Le Nord-Kivu, où l’épidémie a été déclarée le 1er août, est une des provinces les plus instables de la région, souligne MSF. Le conflit en cours et d’importantes interventions militaires ont provoqué de nombreux déplacements de personnes, aggravant le problème chronique de l’accès limité aux soins de santé pour les populations. Des mouvements de populations de grande ampleur peuvent ainsi survenir soudainement en réponse à une explosion de violence. Ces éléments auront un impact significatif sur l’intervention humanitaire. Des activités essentielles comme le traçage, la sensibilisation des communautés, la surveillance, la recherche sur les signalements, la vaccination et la promotion de la santé, qui nécessitent la possibilité d’atteindre des localités éloignées, sont forcément affectées par les limitations de déplacements imposées par la situation. »
C’est dans ce contexte que les chercheurs du consortium PREVAC (Partnership for Research on Ebola VACcination), signent un état des lieux des avancées sur les vaccins contre Ebola dans The Lancet3 – état des lieux dans lequel ils soulignent la nécessité de poursuivre les essais cliniques. Les deux épisodes de la RDC s’ajoutent à celui de 2017 survenu dans ce même pays et à ceux de 2013-2016 en Guinée, Libéria et Sierra Leone. Ils montrent, si besoin était, à quel point le risque de réémergence du virus Ebola est réel. « Si, à l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement ni vaccin homologué pour lutter contre la maladie à virus Ebola, certains vaccins ont atteint un stade avancé de développement, font valoir les auteurs de la publication du Lancet. La recherche vaccinale contre Ebola doit continuer car, associée à des mesures efficaces de santé publique, elle est un élément essentiel dans la prévention et la réponse à de prochaines épidémies.
L’Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm) rappelle avoir mis en place en 2013, avec plusieurs partenaires le consortium multidisciplinaire REACTing. Cette structure rassemble des équipes et laboratoires d’excellence, « afin de préparer et coordonner la recherche pour faire face aux crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes ».
Dans ce cadre, en 2015, l’Inserm, le National Institute of Allergy and Infectious Diseases et la London School of Hygiene & Tropical Medicine – en collaboration avec les autorités sanitaires et les scientifiques de quatre pays alors atteints par Ebola (Guinée, Libéria, Sierra Leone et Mali) - ont constitué le consortium international PREVAC. Ils ont aussi lancé un essai clinique à grand échelle portant sur trois stratégies de vaccination contre le virus Ebola. Cet essai dont sont également partenaires les Universités de Bordeaux et du Minnesota (ainsi que l’ONG ALIMA, et trois compagnies pharmaceutiques Janssen Vaccines & Prevention, B.V., une des entreprises Janssen Pharmaceutical de Johnson & Johnson, Bavarian Nordic et Merck Sharp & Dohme Corp) vise à identifier les stratégies de vaccination les plus prometteuses pour protéger contre Ebola.
Deux vaccins sont à l’essai dans le cadre de PREVAC dont le vaccin rVSVG-ZEBOV. Le second vaccin, Ad26.ZEBOV (nécessitant un rappel 8 semaines plus tard avec le vaccin MVA-BN-Filo), est également en cours d’évaluation, notamment dans le cadre du projet EBOVAC dont l’Inserm est partenaire.
Dans The Lancet, les chercheurs de PREVAC dressent un état des lieux de la recherche vaccinale contre Ebola. Ils estiment qu’il reste encore des paramètres clés à étudier à travers différentes stratégies. Au cœur de leurs préoccupations : une meilleure compréhension de la réponse immunitaire aux vaccins anti-Ebola, la question de la rapidité et de la durabilité de la réponse immunitaire (et donc de la protection) des personnes vaccinées, l’innocuité et la capacité du vaccin chez les enfants à déclencher une réponse immunitaire, ainsi que la nature des réponses chez les personnes immunodéficientes et les femmes enceintes.
« La vaccination postexposition, la vaccination préventive ciblée destinée aux personnes ayant été en contact avec des malades, ainsi que les campagnes de vaccination préventive chez les populations à risques comme les soignants et éventuellement les résidents des zones régulièrement touchées par les épidémies font partie des stratégies à étudier » souligne-t-on auprès de l’Inserm.