Des maisons de santé pluriprofessionnelles et des communautés professionnelles territoriales de santé ont été créées pour favoriser les collaborations entre les différents acteurs du secteur. Les médecins de famille peuvent aussi compter sur le soutien des infirmières du dispositif ASALEE pour la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques.
Le secteur de la santé français ne fait pas exception et est aujourd’hui confronté à de multiples défis. La France, qui compte déjà de nombreux déserts médicaux, fait face au vieillissement des médecins généralistes – conséquence d’une politique soutenue de réduction du nombre de médecins des années 1980 aux années 2000 – alors que les nouveaux venus dans la profession aspirent à une meilleure qualité de vie et ne souhaitent plus travailler autant que leurs aînés. L’accès aux soins primaires, comme spécialisés, reste également très inégal dans l’Hexagone. L’heure est donc au regroupement.
Le mouvement d’organisation des soins a été amorcé en 2000 avec l’apparition des premiers réseaux de santé1 qui, à l’origine, étaient essentiellement monopathologiques. « C’était un début de coordination entre la ville et l’hôpital », constate Hector Falcoff, médecin généraliste et ancien professeur associé à l’Université Paris-Descartes. Quatre ans plus tard naissaient les premières maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP).2
La loi de modernisation du système de santé, promulguée en 2016, a donné une nouvelle impulsion à cette initiative en créant la notion d’« équipes de soins primaires » regroupant divers professionnels de santé autour de médecins généralistes. Travaillant au sein d’une MSP (dans le secteur libéral) ou d’un centre de santé (dans le secteur public), elles élaborent « un projet de santé fondé sur les besoins de leur patientèle». Cette loi a aussi donné naissance au concept de communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) qui s’adresse à une population plus large que la patientèle sur un territoire déterminé (de l’ordre de 100 000 habitants, avec de fortes variations entre les zones urbaines et rurales). Selon les termes de la loi, « une CTPS est composée de professionnels de santé regroupés sous la forme d’une ou de plusieurs équipes de soins primaires, d’acteurs assurant des soins de premier ou de deuxième recours et d’acteurs médico-sociaux et sociaux ». Plusieurs réformes ont conduit au renforcement progressif du rôle des acteurs de soins primaires, notamment la loi de 2004 qui avait instauré une incitation financière des assurés à s’inscrire auprès d’un médecin traitant de leur choix et à s’adresser à lui en priorité. L’introduction des listes de patients inscrits, essentiellement auprès des médecins généralistes, a ainsi permis d’introduire de nouveaux modes de paiement des praticiens, notamment en équipes pluriprofessionnelles au sein des maisons de santé.
Dans la foulée de la mise en place des maisons de santé, en 2004, « des médecins généralistes du département des Deux-Sèvres ont modélisé et testé le travail en équipe avec des infirmières libérales dans leur cabinet pour proposer des consultations d’éducation thérapeutique, notamment aux patients diabétiques.3 Cela ne s’était jamais fait auparavant », explique Gaëlle Savigneau, infirmière ASALEE (Action de santé libérale en équipe). Le dispositif ASALEE a été créé peu après. Il s’agit d’une « structure innovante et évolutive qui permet la collaboration entre les médecins généralistes et les infirmières de santé publique » (figure 1). Bénéficiant d’un financement mixte (ministère de la Santé et Assurance maladie), elle s’est depuis développée au niveau national et compte aujourd’hui environ 550 infirmières « déléguées à la santé publique », qui collaborent avec 1800 médecins généralistes (soit environ 4 % des médecins généralistes) et 8 ingénieurs de support.
« Le médecin reste le coordinateur des soins », précise Gaëlle Savigneau. C’est lui qui oriente les patients chroniques vers les infirmières ASALEE et leurs consultations de prévention, d’information, d’éducation à la santé, d’éducation thérapeutique, etc. Sous sa délégation, ces infirmières peuvent aussi prescrire certains actes (comme des examens biologiques) qui contribuent à la continuité de la prise en charge des malades chroniques. « Le patient reste au centre du dispositif et nous nous adaptons à ses besoins », souligne l’infirmière. Le travail du médecin généraliste s’en trouve simplifié. Il n’a pas à rémunérer les infirmières qui sont employées, et donc payées par ASALEE, soit sous forme salariée, soit sous forme de vacations en gardant leur statut libéral. Le médecin est seulement tenu de mettre un local à leur disposition, de signer un contrat de coopération et de s’engager à collaborer avec elles.
De leur côté, Hector Falcoff et ses collègues ont créé, en 2011, une structure territoriale, le Pôle santé Paris 13. Le 13e arrondissement de la capitale française compte 187 000 habitants « dont le revenu médian est un peu plus bas que la moyenne parisienne ». Il abrite des ménages modestes et plusieurs foyers de migrants. En outre, il existe de grandes différences socio-économiques entre ses quartiers Nord et Sud. Suivant la « loi » des soins inversés de Julian Tudor Hart, la disponibilité des soins médicaux est inversement proportionnelle aux besoins de la population desservie ; des « micro-déserts médicaux » se sont ainsi créés en plein Paris, souligne Hector Falcoff.
A cette situation répondaient « des interventions non coordonnées et redondantes d’acteurs de l’hôpital, de l’Assurance maladie, de la santé publique ». Persuadés que « les soins primaires étaient le chaînon manquant du système », le médecin et ses confrères ont élaboré « une structure légère, bénéficiant d’un financement annuel, comprenant une dizaine de référents-projet. Le Pôle santé Paris 13 implique aujourd’hui une centaine de professionnels de la santé (médecins, infirmières, pharmaciens, kinésithérapeutes, etc.) sur les six cents présents dans l’arrondissement. Ce pôle a déjà mené de nombreuses actions – dépistage des hépatites B et C, du VIH et du diabète dans les foyers de migrants, participation au Mois sans tabac, etc. Afin d’améliorer l’accès aux soins primaires, il a aussi suscité l’installation de maisons de santé à proximité des quartiers les plus défavorisés de l’arrondissement. L’intégration de réseaux de santé et d’organisations médico-sociales dans un guichet unique, afin d’améliorer la prise en charge des cas complexes, est aussi en projet.
Cette expérience a convaincu Hector Falcoff que les « médecins ne doivent pas rester avec leur salle d’attente comme seul horizon » et qu’il faut établir une synergie entre le niveau « meso » (celui du territoire) et le niveau « micro », (celui du cabinet médical, figure 2). Cela implique que des médecins soient prêts à consacrer une fraction de leur temps (10 à 20 % par exemple) aux organisations territoriales. Une autre nécessité s’impose aux professionnels de santé, conclut-il : celle « d’apprendre à coconstruire des actions avec les citoyens, les habitants, les usagers et les patients ».
Sur les 220 000 médecins dénombrés en France, environ 50 % sont généralistes. Dans le secteur ambulatoire, on en dénombre environ 50 000 pratiquant la médecine générale et à peu près autant de spécialistes (ces derniers exerçant également en clinique).
Plus de 50 % de ces médecins généralistes travaillent en groupe, une proportion qui varie selon les régions (70 % en Pays de Loire, par exemple, selon les derniers chiffres de l’Agence régionale de santé.)
On assiste à un « vieillissement considérable des médecins généralistes ». A Paris, l’âge médian est de 57 ans.
70 à 75 % des étudiants en médecine sont des femmes.