Distinguer un adulte jeune d’une personne âgée est à la portée de tous. Définir le vieillissement et expliquer ce processus qui transforme un adulte sain en une personne plus fragile, aux réserves physiologiques diminuées et aboutissant à une augmentation de la morbidité et de la mortalité est autrement plus complexe. Le vieillissement est quasi universel, pourtant certains organismes semblent y échapper : la mortalité de l’hydre reste identique tout au long de sa vie et la tortue du désert voit son risque de mourir diminuer avec l’avance en âge.1 L’humain par contre est pareil à presque toutes les autres espèces, il vieillit et son risque de mourir ou de tomber malade augmente de façon exponentielle avec l’âge. Ceci est particulièrement vrai pour certaines maladies qui touchent essentiellement les personnes âgées. L’exemple le plus frappant est la maladie d’Alzheimer.
Le corollaire est important : la cognition de 70 à 75 % des nonagénaires n’est pas fortement altérée
Les troubles cognitifs majeurs sont exceptionnels avant 50 ans, mais s’observent chez 25 à 30 % des nonagénaires. Le corollaire est important : la cognition de 70 à 75 % des nonagénaires n’est pas fortement altérée et la majorité des personnes très âgées ont un cerveau qui fonctionne bien. Certaines personnes nous rappellent même que l’on peut atteindre un âge très avancé sans altération significative. C’est le cas de cette Hollandaise qui, à 111 ans, avait des performances cognitives légèrement meilleures que celles de personnes âgées de 60 à 75 ans. L’examen de son cerveau après son décès à 115 ans (elle avait légué son corps à la science) n’a pas mis en évidence de lésion significative.2
Le vieillissement ne cause pas en soi une démence, mais en est l’un des principaux facteurs de risque. Quelles sont les maladies qui sous-tendent les détériorations cognitives majeures, rencontrées chez certaines personnes âgées ?
Les lésions vasculaires (liées à des accidents vasculaires macroscopiques, des saignements ou surtout des microinfarctus) sont associées au vieillissement cérébral ; les corps de Lewy sont aussi plus souvent rencontrés dans le cortex de personnes âgées et les causes multiples augmentent avec l’avance en âge. Toutefois, la maladie d’Alzheimer reste la plus fréquente, même chez les nonagénaires, où une estimation récente la rend responsable de la moitié environ des cas de démence.3 Cette maladie épargne les neurones moteurs et sensitifs, mais atteint spécifiquement certaines des cellules nerveuses de la formation hippocampique et du néocortex dans lesquelles elle est responsable d’une dégénérescence neurofibrillaire. La maladie d’Alzheimer s’accompagne aussi d’une déposition de protéine amyloïde, mais surtout d’une perte synaptique et neuronale qui ne survient pas lors du vieillissement normal et qui est responsable de la symptomatologie cognitive. Les traitements pharmacologiques disponibles actuellement, tels que les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase et la mémantine, ont un effet positif modeste mais certain sur les fonctions cognitives, la fonctionnalité et l’impression générale des proches et des cliniciens, avec des coûts globaux de santé qui semblent similaires à ceux des contrôles sous placebo.4 Par contre, le ressenti par rapport à la magnitude de ces bénéfices symptomatiques reste subjectif. Le déremboursement récent de ces médicaments dans un pays voisin est regrettable. En effet, aucun autre traitement pharmacologique ou non pharmacologique n’a démontré pour l’instant une efficacité supérieure.
Il est possible aujourd’hui de poser un diagnostic précoce de la maladie, avant la perte neuronale et synaptique.5 Ceci ouvre la voie à l’étude de traitements dont l’objectif est de ralentir ou bloquer l’évolution de la maladie. De nombreuses études sont en cours visant à empêcher la déposition amyloïde ou la survenue de lésions neurofibrillaires.6
Nous ne sommes ni des hydres, ni des tortues du désert. Avec l’âge, le risque existe de développer des pathologies dont les conséquences sont graves tant pour le malade, que pour ses proches et la société en général. Pour y faire face, malades et proches doivent pouvoir bénéficier des meilleures prises en charge et des meilleurs traitements disponibles actuellement, tandis que les scientifiques doivent œuvrer avec eux pour identifier des solutions plus efficaces et plus durables grâce à la recherche et aux études cliniques.