Le cancer pulmonaire reste le cancer qui tue le plus de patients que ce soient les femmes ou les hommes. Pour 80 % des patients, la tumeur a progressé silencieusement jusqu’au moment où le cancer est à un stade avancé, avec pour la majorité un pronostic sombre malgré les progrès offerts par les nouvelles thérapies telle l’immunothérapie, à un coût de QALY considérable.
Une première étude américaine a apporté beaucoup d’espoir (National Lung, Screening Trial)1 en faisant un dépistage pour les patients de plus de 55 ans ayant fumé plus de 20 ans l’équivalent d’un paquet de cigarettes par jour. Il était démontré qu’une vie serait sauvée en pratiquant environ 300 CT-scans thoraciques. Malheureusement, les critères de lecture n’étaient pas assez sélectifs, avec une valeur prédictive positive de 7 % pour chaque anomalie. Ainsi, la morbidité et la mortalité occasionnées par le suivi des diverses anomalies découvertes annulaient dans les études européennes le bénéfice oncologique attendu.
La morbidité et la mortalité occasionnées par le suivi des anomalies annulaient le bénéfice oncologique attendu
Des projets de grande envergure ont permis de préciser la lecture des clichés avec en particulier les recommandations de la «Fleischner Society» offrant des algorithmes pour l’interprétation des anomalies atteignant des valeurs prédictives positives passant de 7 à 41 % comme dans l’étude NELSON, en intégrant en particulier la volumétrie des lésions, leur temps de doublement inférieur ou supérieur à 400 jours pour des lésions suspectes.
Les résultats obtenus ainsi et annoncés à la Conférence mondiale du cancer pulmonaire à Toronto ce 25 septembre 2018 (WCLC 2018), redonnent un élan réel qui risque de changer en profondeur nos pratiques. En effet, les critères choisis avaient une valeur prédictive positive de 41 %, avec 0,8-1,1 % de tumeurs détectées pour 100 CT-scans, lors de la première, deuxième, quatrième et sixième années de test. La survie des patients avec cancer pulmonaire à 10 ans a été améliorée de 26 % pour les hommes et de 39 à 61 % pour les femmes.
Fort de ces progrès majeurs, l’Association américaine des patients (American Lung Association) et l’association des pneumologues américains (American Thoracic Society) lancent des programmes de détection des tumeurs dans plus de 530 centres médicaux de 42 Etats des Etats-Unis (www.lung.org/assets/documents/lungcancer/implementation-guidefor-lung.pdf). Le site donne les renseignements nécessaires aux patients, aux soignants et aux médecins des diverses spécialités concernées. La Société européenne de pneumologie a programmé un workshop avant la fin de l’année pour la mise en route de recommandations pour la détection des tumeurs en Europe.2 Il s’agira de définir les sujets à risque en fonction de leur hérédité, de leurs activités, de leur environnement en plus des pathologies pulmonaires déjà existantes. Une partie essentielle sera aussi de déterminer, avec les radiologues, les programmes automatiques de détection pour une première sélection des anomalies thoraciques. Dans ce but, des projets très aboutis ont été réalisés grâce à des collaborations européennes tels que le projet lung cancer Europe. Il faudra probablement compter sur les praticiens pour envoyer leurs patients et recevoir les résultats que les radiologues considéreront comme normaux ou non suspects de tumeurs pulmonaires. Des tumor boards avec pneumologues, oncologues et chirurgiens devront avoir la possibilité de revoir les 2-3 % de lésions fortement suspectes pour une approche diagnostique et thérapeutique optimale. En Suisse, des groupes de travail pluridisciplinaire vont recommencer leurs travaux à la lumière des nouvelles connaissances acquises récemment aux Etats-Unis, en Angleterre3 et en Europe du Nord grâce à l’étude NELSON. Ces derniers résultats sont très encourageants, probablement par le fait d’avoir pu détecter près de 69 % des cancers au stade précoce de stade I a ou b, au lieu de 10 % dans le groupe contrôle.
Ces efforts pour la communauté devront être acceptables pour les assurances et les pouvoirs publics, avec des analyses coûts-bénéfices qui devront être validées dans notre contexte. La pression des associations de patients sera importante. Des programmes d’éviction des facteurs de risque tels que le tabac devront être renforcés en parallèle.
Les programmes de détection des tumeurs thoraciques existant déjà à ce jour ont démontré que l’application de ces stratégies de dépistage par CT-scan thoracique révèle aussi d’autres pathologies pulmonaires telles qu’emphysème ou fibrose pulmonaire et d’autres atteintes extra-pulmonaires telles des calcifications coronariennes, tumeurs du sein ou ostéoporose qui nécessiteront des interactions étroites avec les généralistes et internistes pour leurs suivis ciblés.