Autorisé sur le marché suisse à l’été 2018 et remboursé depuis décembre, l’érénumab est un nouveau traitement de fond contre la migraine. Le Pr Philippe Ryvlin, chef du Département des neurosciences cliniques du CHUV, a rappelé le fonctionnement des anti-CGRP et la place de cette nouvelle classe thérapeutique dans la prise en charge des patients migraineux.
La dernière innovation dans le traitement de la migraine remonte à une vingtaine d’année, avec la mise sur le marché des triptans.1 Si ces molécules ont révolutionné la prise en charge des crises migraineuses, les traitements de fond sont eux restés au point mort. L’arrivée de l’érénumab constitue donc une avancée clinique importante, d’autant plus qu’il s’agit de la première thérapie spécifique de la migraine sous forme d’anticorps monoclonal. Trois autres produits similaires sont actuellement en cours de développement : le galcanézumab, l’ALD403 et le frémanézumab (tableau 1). Tous sont des anti-CGRP (calcitonin gene-related peptide ; peptide lié au gène de la calcitonine).
Le CGRP est connu pour son rôle dans le déclenchement de la crise migraineuse. Il a notamment été montré que l’injection de ce peptide conduit à des symptômes migraineux, que sa concentration augmente durant les crises et qu’elle diminue après la prise d’un traitement efficace, tel qu’un triptan par exemple. Le CGRP constitue ainsi une cible thérapeutique qui intéresse l’industrie pharmaceutique depuis plusieurs années. Le développement d’antagonistes avait été démarré, mais leur toxicité hépatique a conduit à l’arrêt des recherches.
« Les traitements de fond existants ont une efficacité modeste (en moyenne un jour de migraine par mois en moins pour les antiépileptiques et les bêtabloquants) et sont souvent mal tolérés », souligne le Pr Ryvlin. La prise en charge de nombreux patients reste donc insatisfaisante et les anti-CGRP répondent à un réel besoin thérapeutique.
L’essai pivot,2 publié en 2017, qui a conduit à l’autorisation de l’érénumab a été mené chez des patients présentant des migraines épisodiques, avec en moyenne 8,3 crises par mois. Après 4 mois de traitement, l’érénumab a permis de réduire de 3,2 et 3,7 jours en moyenne (aux doses respectives de 70 et 140 mg) la fréquence des crises, versus 1,8 jour pour le placebo. Un autre essai3 mené chez des patients avec des migraines chroniques (18 jours par mois en moyenne) montre une réduction de 6,6 jours après 3 mois de traitement, quelle que soit la dose, versus 4,18 jours pour le placebo. Malgré une réponse au placebo élevée, « qui se retrouve dans l’évaluation de tous les traitements contre la migraine »,4 relève Philippe Ryvlin, l’efficacité du traitement était significative. Cependant, les études ont montré que moins de la moitié des patients répond à l’érénumab, et pour l’heure rien ne permet de les identifier a priori.
Les essais ont également mis en évidence une tolérance très bonne à l’érénumab, statistiquement non différente de celle du placebo, et ce quelle que soit la dose. Contrairement aux antidépresseurs et aux antiépileptiques, les anticorps anti-CGRP ne passent pas la barrière hématoencéphalique, ce qui pourrait en partie expliquer cette très bonne tolérance. Le Pr Ryvlin souligne cependant que les données disponibles ne permettent pas d’exclure une toxicité de ces anti-CGRP, notamment cardiovasculaire à moyen et long termes. Par ailleurs, un court article5 publié dans l’édition française de The Medical Letter, en avril 2019, rapporte que la FDA a validé des modifications de la monographie de l’érénumab. La nouvelle version contient désormais « un avertissement concernant des réactions d’hypersensibilité, y compris des éruptions cutanées, des angiœdèmes et des anaphylaxies, qui ont été rapportées dans le cadre de la pharmacovigilance ». La plupart de ces réactions n’étaient pas graves, et le système de déclaration volontaire des effets secondaires ne permet pas d’établir un lien de cause à effet.
Pour l’heure, la prescription de l’érénumab est réservée aux neurologues. Le coût du traitement étant élevé, aux alentours de 700 francs l’injection, son remboursement est soumis à des critères stricts. Il est ainsi nécessaire d’obtenir un accord préalable de la part de l’assurance-maladie. Celui-ci repose sur la validation de 3 critères :
Carnet de crises à jour depuis trois mois.
Au moins huit jours de migraine par mois depuis trois mois.
Echec d’au moins deux traitements de fond (propranolol, métoprolol, flunarizine, topiramate).
Ensuite, le patient doit être réévalué après trois mois, et le traitement ne peut être poursuivi que s’il apporte un bénéfice. Si les crises ont diminué de moins de 50 %, la dose doit être augmentée de 70 à 140 mg pendant trois mois supplémentaires à l’issue desquels une nouvelle évaluation doit être effectuée. Chez les patients-répondeurs, le traitement sera arrêté après un an, pour une fenêtre thérapeutique d’au moins trois mois, un protocole habituel pour les traitements de fond de la migraine qui sont rarement prescrits de manière continue.