Les problèmes ophtalmiques sont des motifs de consultation fréquents qui peuvent nécessiter que le patient soit référé en urgence à un ophtalmologue. Mais pour le médecin de premier recours, il n’est pas toujours évident de repérer ces situations à risque (figure 1). La Dre Yalda Sadegui-Roulin, cheffe de clinique à l’Hôpital ophtalmique Jules Gonin de Lausanne, présente les pathologies les plus fréquentes qu’il est important de savoir reconnaître.
Quand un patient se présente avec un œil rouge, en dehors de toute situation traumatique, sans douleur, il convient de déterminer s’il y a ou non baisse de l’acuité visuelle. Quand la vue n’est pas touchée, trois cas sont à envisager : la conjonctivite (bactérienne, virale ou allergique), l’hémorragie sous-conjonctivale (ou hyposphagma) et l’épisclérite.
La conjonctivite est d’évolution généralement rapide. Le traitement repose sur des rinçages et un antibiotique ou un antihistaminique topique selon l’étiologie. Il peut être nécessaire de référer le patient en cas de douleur, de baisse de l’acuité visuelle ou d’échec de traitement. Les porteurs de lentilles cornéennes peuvent avoir des infections plus graves qui peuvent être confondues avec une conjonctivite. En cas de doute, il ne faut pas hésiter à envoyer le patient vers un ophtalmologue.
L’hyposphagma, visuellement impressionnant, amène souvent le patient à consulter lui-même en urgence.Pourtant, lors d’un premier épisode, l’ophtalmologue n’initiera pas de traitement particulier et adressera plutôt le patient à son médecin traitant afin de réaliser un bilan. Cette pathologie, qui se résout habituellement en 10 à 20 jours peut notamment être liée à une hypertension artérielle sous-jacente.
L’épisclérite est due à la dilation des vaisseaux épiscléraux et peut être confondue avec une conjonctivite. Il est préférable de référer le patient à un ophtalmologue qui pourra poser le diagnostic grâce à un test à la phényléphrine, ou néosynéphrine, (sympathomimétique alpha). Le test est positif en cas de disparition de l’hyperhémie (par vasoconstriction) 10 minutes après l’instillation d’une goutte, ce qui permet de la distinguer de la sclérite. Le traitement repose sur l’utilisation d’anti-inflammatoires (AINS topique ou cortisone en collyre) qui peuvent cependant avoir des effets secondaires et imposent un suivi.
Un œil rouge qui n’est pas associé à une baisse de l’acuité visuelle, mais s’accompagne de douleurs, notamment insomniantes, doit faire évoquer une sclérite. Dans environ la moitié des cas, celle-ci est associée à une maladie systémique sous-jacente inflammatoire ou infectieuse. Il est important de référer rapidement le patient afin de réaliser un ultrason (pour vérifier s’il y a une atteinte de la sclère postérieure) ainsi qu’un test à la phényléphrine, négatif dans cette situation. Un bilan par angiographie, éventuellement associé à des analyses biologiques peut également être nécessaire. Des AINS et/ou de la cortisone per os seront prescrits, accompagnés d’un traitement adapté selon l’étiologie sous-jacente.
En cas de glaucome aigu par fermeture de l’angle iridocornéen, le patient présente une douleur intense, souvent accompagnée de nausées et vomissements. L’hypertonie provoquée par l’accumulation d’humeur aqueuse peut aboutir à une souffrance du nerf optique. Il convient donc de référer le patient rapidement.
Autre urgence à référer le plus rapidement possible, l’endophtalmie. Dans ce cas, chaque minute compte. Il s’agit d’une infection endoculaire grave, souvent consécutive à une chirurgie ou à une injection intravitréenne. L’endophtalmie peut également être secondaire à un traumatisme avec corps étranger intraoculaire. L’ophtalmologue réalisera un prélèvement diagnostique du vitré avant de procéder à une injection intraoculaire d’antibiotique, associée à un traitement antibiotique per os.
Un œil rouge douloureux associé à une baisse de l’acuité visuelle peut être également dû à une lésion de la cornée ou une uvéite (souvent alors accompagnée de photophobie) : mieux vaut également référer le patient.
Si le patient rapporte une baisse d’acuité visuelle progressive, il doit être orienté vers une consultation d’ophtalmologie, sans qu’il y ait de caractère urgent. Il peut s’agir d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), d’une cataracte ou même parfois d’une simple presbytie.
En revanche, les cas suivants nécessitent de référer le patient aux urgences ophtalmiques dans les meilleurs délais :
Une perte d’acuité visuelle persistante et totale peut signer une occlusion de l’artère centrale de la rétine. L’ophtalmologue cherchera à exclure une maladie de Horton (patients > 50 ans).
Une perte de vision partielle avec une impression de flou peut provenir d’une occlusion de la veine rétinienne. Si une ischémie est mise en évidence à l’angiographie, un suivi régulier sera mis en place. Le patient sera ensuite renvoyé vers son médecin traitant, car ce problème est souvent associé à des facteurs de risque cardiovasculaires. Ces symptômes peuvent aussi être le résultat d’un décollement de la rétine.
En cas de perte de vision transitoire (amaurose fugace), le patient n’est souvent pas très inquiet. Il ne faut pourtant pas sous-estimer ce symptom qui peut signaler entre autres une maladie de Horton et nécessite dans tous les cas un bilan.