Point n’est besoin de rappeler, sous nos latitudes, la grande fréquence hivernale de la bronchiolite aiguë du nourrisson. On estime, en France, que cette pathologie respiratoire touche, le moment venu, environ 30 % des enfants de moins de 2 ans. On sait que cette infection virale affecte les bronchioles des nourrissons et qu’elle se caractérise par un épisode de gêne respiratoire dont les signes sont une toux et une respiration rapide et sifflante. Sa phase aiguë dure en moyenne une dizaine de jours – les deux premiers nécessitant une attention accrue portée au nourrisson et à son état de santé. Le pic de l’épidémie s’étend généralement de novembre à la fin de l’hiver, générant une demande de consultation importante auprès des médecins généralistes et un afflux dans les services d’urgence : entre 2 et 3 % des nourrissons de moins d’une année seraient ainsi hospitalisés chaque année en France.
Quelle est la meilleure prise en charge ? Peut-on raisonnablement se limiter à un lavage de nez régulier ? Quelle place réserver aux traitements médicamenteux, à la kinésithérapie respiratoire ? Les recommandations sur la prise en charge médicale de cette pathologie viennent aujourd’hui d’être réactualisées.1 Une initiative menée conjointement par la Haute Autorité française de Santé (HAS) et le Conseil National Professionnel français de Pédiatrie (CNPP) avec, pour la première fois, la définition de trois stades de gravité de la maladie.
C’est ainsi que vient d’être élaborée une grille d’évaluation qui prend la forme d’une « check-list » : permettre de croiser des critères de gravité clinique (fréquences respiratoire et cardiaque ou troubles de l’alimentation par exemple) avec des critères de vulnérabilité (prématurité, comorbidités, tabagisme de l’entourage, etc.). Trois niveaux de gravité de la bron chiolite sont établis, assortis de modalités de prise en charge graduées selon les trois niveaux de recours aux soins.
A l’évidence, les formes dites « légères » ne nécessitent pas d’hospitalisation : le médecin de premier recours (médecin généraliste, pédiatre, PMI…) doit alors expliquer la technique du lavage de nez aux parents. Il doit aussi leur donner des conseils pour surveiller au mieux l’évolution de l’état de santé de leur enfant afin qu’ils sachent réagir en cas de signes d’alerte. Les formes « modérées » doivent quant à elles faire l’objet d’une évaluation. Il s’agit ici d’orienter les nourrissons vers une prise en charge médicale en ville ou, au cas par cas, à l’hôpital. Quant aux formes « graves », elles seront sans hésitation orientées d’emblée vers l’hôpital – et si nécessaire vers une unité de soins intensifs. Précision : les très jeunes enfants de moins de 6 semaines relèvent d’une surveillance hospitalière systématique.
« Dans la grande majorité des cas, le recours à une hospitalisation n’est pas nécessaire, assure la HAS. La prise en charge repose sur une approche non médicamenteuse avec comme action principale le lavage de nez. Il s’agit d’un geste indolore qui consiste à instiller du sérum dans les narines pour évacuer les sécrétions nasales. Son objectif est d’optimiser la respiration du nourrisson et de le soulager. La phase aiguë de la bronchiolite dure en moyenne dix jours. Quand c’est nécessaire, il est essentiel d’assurer une surveillance pluridisciplinaire de ces nourrissons afin de ne pas les perdre de vue pendant cette période critique, en particulier les deux premiers jours. » Le médecin de soins primaires devra toutefois bien s’assurer de la mise en place des mesures éducatives et de surveillance destinées aux parents.
En France, la grande nouveauté, de ces recommandations réside dans les précisions suivantes : « les techniques de kinésithérapie respiratoire traditionnelles comme le clapping ou la vibration par exemple sont contre-indiquées ». « La technique de l’augmentation du flux expiratoire (AFE) n’est pas efficace dans la prise en charge des nourrissons hospitalisés pour une bronchiolite aiguë, peut-on lire dans le document. N’ayant pas fait la preuve de son efficacité pour les formes de bronchiolites traitées en ambulatoire non plus, elle n’est donc pas recommandée ». Toutefois la HAS et le CNPP « soulignent la nécessité de poursuivre la recherche et de mener des études permettant de mesurer l’impact de cette technique, en particulier sur le recours aux hospitalisations ».
Croiser des critères de gravité clinique avec des critères de vulnérabilité
Dans le même ordre d’idées, le traitement médicamenteux n’est pas indiqué dans la prise en charge de la bronchiolite aiguë. « Les bronchodilatateurs, l’adrénaline, le sérum salé hypertonique n’ont pas d’indication dans cette maladie ; l’antibiothérapie doit être réservée aux cas rares de surinfection bactérienne » soulignent la HAS et le CNPP qui rappellent que les sirops antitussifs et les fluidifiants bronchiques sont, eux, contre-indiqués.
C’est ici le dernier élément en date d’une vieille polémique marquée, il y a sept ans, par une publication2 du mensuel Prescrire. Prescrire, annonçaient alors les médias radiophoniques, apportait la preuve que la kinésithérapie respiratoire dans la bronchiolite du nourrisson était inefficace. Or le mensuel n’apportait guère de preuves véritables même s’il évoquait des cas de « fractures de côtes » et concluait que « mieux valait éviter cette épreuve aux bébés ».
« Avec ou sans kinésithérapie respiratoire, la durée moyenne de la maladie a été d’environ treize jours.
Les principaux effets indésirables rapportés dans ces études ont été une moins bonne oxygénation du sang pendant la séance de kinésithérapie, et des vomissements, pouvait-on ainsi lire dans Prescrire. Outre un inconfort, la kinésithérapie respiratoire expose les nourrissons à d’autres effets indésirables, notamment des douleurs, voire des fractures de côtes (1 fracture pour 1000 nourrissons traités). » Ce fut alors un véritable tollé dans les milieux spécialisés. Au point que le mensuel dut se résoudre à une forme inhabituelle de mea culpa.
« Nous aurions dû souligner que l’évaluation clinique disponible de la kinésithérapie dans la bronchiolite, telle que recensée et synthétisée par le groupe du Réseau Cochrane, ne concerne que les nourrissons hospitalisés, reconnaissaient les responsables du mensuel. Cette évaluation a montré une absence d’efficacité et des effets indésirables. Le constat d’une balance bénéfices-risques défavorable est valable pour cette situation. Pour ce qui est des nourrissons atteints de bronchiolite, pris en charge en soins ambulatoires, le groupe du Réseau Cochrane n’a recensé aucun essai comparatif randomisé évaluant la kinésithérapie respiratoire. »
Conclusion de 2012 : « En pratique, à l’hôpital, il n’était pas justifié de ne pas proposer de kinésithérapie respiratoire en traitement de la bronchiolite. En soins ambulatoires, faute de données fournies par des essais comparatifs, la kinésithérapie respiratoire systématique n’est pas justifiée. Sa balance bénéfices-risques reste à évaluer de manière comparative rigoureuse sur des critères tangibles et pertinents. »
Ainsi donc, sept ans plus tard, l’affaire semble désormais pratiquement close. Pour la HAS, l’essentiel est ailleurs : dans la nécessité, pour le médecin, d’expliquer aux parents comment surveiller leur bébé, comment l’alimenter, sécuriser son environnement de couchage, savoir quels signes d’aggravation doivent les alerter et comment y réagir. C’est ainsi qu’une fiche qui leur est destinée a été élaborée – à remettre pendant la consultation ou à la sortie d’une hospitalisation. Elle décrit notamment les signes qui nécessitent la prise d’un rendez-vous chez un médecin (modification du comportement, respiration plus rapide, creusement du thorax, nourrisson qui boit moins depuis plusieurs repas) ainsi que les signes qui impliquent un appel d’emblée à un service médical d’urgence : signes de cyanose autour de la bouche, malaises, pauses respiratoires, nourrisson qui dort de manière Presque permanente.