Une mutation D614G dans la protéine Spike de SARS-CoV-2, favorisant l’infectivité, devient le génotype prédominant de la pandémie.
En tant que grands virus à ARN, les coronavirus disposent d’un mécanisme de correction des erreurs d’incorporation de nucléotides rendant compte de leur grande stabilité génétique (e.g. comparé au virus influenza). Il est néanmoins important de surveiller si des mutations susceptibles d’affecter la capacité de réplication et/ou la susceptibilité aux effecteurs immunitaires apparaissent dans le cadre de la pandémie actuelle.
Les auteurs ont compilé et analysé les séquences de SARS-CoV-2 dans la base de données GISAID, qui reçoit chaque jour des centaines de séquences incluant date et lieu du prélèvement. Ils ont ainsi pu suivre une mutation qui existait déjà début mars (D614G, remplaçant acide aspartique par glycine), qui résulte d’une mutation adénine à guanine (A à G) à la position 23,403 du génome de la souche de référence Wuhan. À cette époque, cette mutation était rare mais se répandait au niveau mondial, de manière asynchrone dans les différentes épidémies locales, et prédomine globalement actuellement, sauf en de rares endroits.
Ce phénomène est statistiquement hautement significatif et suggère un avantage sélectif. En fait, les auteurs vérifient que ce variant est produit à des titres plus élevés par des cellules infectées et montrent que la charge virale détectée dans les voies respiratoires est plus élevée chez les patients infectés par le variant G, sans qu’ils ne détectent dans ces données une sévérité plus importante (taux d’hospitalisation). Le mécanisme de cette mutation est encore inconnu, mais ne semble pas lié au processing protéolytique de Spike. La mutation ne semble pas non plus montrer de différence de sensibilité à la neutralisation par des sérums de convalescents.
Commentaire : Cette étude démontre la possibilité, même pour un virus relativement stable génétiquement, d’évoluer par des mutations ponctuelles affectant le comportement. Cette mutation qui a remplacé le génotype original démontre un avantage sélectif explicable par une production plus importante de virus, aussi bien in vitro qu’in vivo. Déterminer dans quelle mesure cette différence se traduit par un R0 plus élevé, et donc par des mesures de distanciation plus strictes nécessaires à contrôler une épidémie, est encore incertain. Il sera important aussi de vérifier par des études cliniques plus détaillées si cette mutation n’a vraiment pas la capacité de causer une maladie plus grave.
Enfin, même si ces mutations sont relativement rares chez les coronavirus, cette étude souligne la nécessité de continuer à surveiller les séquences de la pandémie, en particulier pour détecter des mutants d’échappement immunitaire qui pourraient être importants dans les stratégies de développement vaccinal.